Dans le cyber, nous participons à la protection du tissu économique et industriel lié à la défense. Nous intervenons en amont auprès des industriels, en matière de conseil et d'audit. Nous sommes également présents en cas de crise. Lors des attaques informatiques, nous aidons les entreprises à réagir le plus rapidement possible, à prendre des mesures correctrices et à dresser un bilan des données attaquées ou pillées.
Ces missions ne sont pas simples, car nos entreprises, qui suscitent un vif intérêt de la part de leurs concurrents ou des États étrangers, hésitent à prendre toutes les mesures de protection nécessaires, dont le coût rogne leurs marges opérationnelles. C'est particulièrement le cas pour les PME. Nous les aidons à trouver les réponses adaptées à leur cas.
Nous utilisons aussi le cyber, dans le domaine de la contre-ingérence des forces, où nous cherchons à détecter les menaces visant nos unités et le personnel qui y sert. Beaucoup d'informations circulent sur l'internet, notamment sur les réseaux. Nous nous attachons également à identifier l'environnement numérique de nos cibles. Nous possédons une structure interne dédiée, qui monte en puissance. Nous pensons encore progresser, grâce aux soixante-cinq postes obtenus en janvier, et aux effectifs supplémentaires qui pourraient nous être attribués grâce à la réactualisation de la LPM.
Il arrive à d'autres services de judiciariser certains dossiers. Ce n'est pas notre cas. Notre rôle consiste à détecter la menace, puis à transmettre l'information aux services judiciaires. Quand il y a judiciarisation, nous sortons du spectre. S'il n'y a pas lieu de judiciariser mais que la menace existe, nous pouvons l'entraver, par exemple en proposant la révision de son habilitation.
Je comprends l'intérêt que présente un suivi de la population incarcérée. J'ai noté les dispositions du projet de loi à cet égard. Nous avons actuellement une relation, bien qu'elle ne soit pas très forte, avec le monde pénitentiaire. À l'occasion, nous signalons certains individus identifiés comme dangereux. Récemment, un signalement a permis d'éviter l'évasion et le passage à l'acte d'un ancien militaire, incarcéré, qui ne faisait donc plus partie de la population dont nous nous occupons.
Pour faire face à la montée de la menace, j'ai basculé des effectifs sur l'antiterrorisme. Nous nous sommes organisés pour que les mailles du filet soient très fines quand les personnes sont potentiellement dangereuses, et plus larges quand le risque paraît moins fort. Le problème est que nous pouvons nous tromper et que ces personnes évoluent d'une catégorie à une autre. Celles qui nous intéressent ont une capacité d'adaptation redoutable. Elles connaissent nos forces et nos faiblesses. Pour mieux suivre cette population, un renfort substantiel a été apporté, avec les soixante-cinq postes que j'ai évoqués, mais nous devons rester vigilants. Nous réfléchissons beaucoup à la manière d'isoler, avec discernement, les individus dangereux. Nous sommes parvenus à des conclusions intéressantes, mais le travail ne sera jamais terminé. C'est pourquoi j'appelle de mes voeux des renforcements supplémentaires.
La presse signale volontiers les risques d'entrisme. Les quelques anciens militaires qui sont partis dans les filières djihadistes sont des individus qui n'ont bien souvent passé que quelques semaines dans l'Institution et ont été remerciés pour cause d'instabilité ou d'inadaptation à la vie militaire. Il existe dans l'armée une période d'essai de six mois au cours de laquelle l'individu et la hiérarchie peuvent rompre leur contrat à tout moment.
Aucun de ceux qui sont partis à ce stade n'a reçu de formation pointue – par exemple d'artificier ou de tireur d'élite. Il y a, dans le personnel d'active, quelques cas que nous suivons, mais je suis convaincu que les gens n'entrent pas dans l'armée par hasard : ils veulent servir le drapeau français. De plus, l'armée a une forte vertu intégratrice. Quoiqu'hétérogènes – on rencontre chez nous des personnes issues de tous les milieux sociaux et de toutes les origines, ce qui reflète l'évolution de la société, et c'est heureux, –, nos hommes sont patriotes.
Il est toujours difficile de recruter des linguistes, d'autant que notre démarche est spécifique. Les linguistes d'écoute sont spécialisés pour traduire des conversations qu'on leur transmet. Les nôtres sont employés pour faire de l'analyse et à ce titre doivent aussi disposer de capacités en la matière. Nous sommes un petit service qui cible les recherches. Je confirme que nous manquons manifestement de linguistes. Les Français ne sont pas très doués en langue étrangère.