Je comprends un peu mieux l’énergie déployée pour faire croire à un péril de l’extrême-droite car qui vit de combattre un ennemi a tout intérêt à le laisser en vie. Il s’agit là d’indépendance nationale, dont je crois profondément qu’il n’est ni de droite ni de gauche, comme le révèlent les positions aujourd’hui défendues.
Combien de nos concitoyens connaissent la Cour européenne des droits de l’Homme, son président, sa composition et surtout son pouvoir ? La méconnaissance de cette juridiction est inversement proportionnelle au poids qu’elle exerce sur notre pays.
Partie d’une louable intention, la défense des droits de l’homme au sein des États signataires, cette juridiction s’est peu à peu érigée en gouvernement des juges étrangers dont les décisions s’imposent aux législations nationales.
Alors que l’article 46 de la Convention consacre l’effet obligatoire et relatif des arrêts, en réalité le caractère général de leurs énoncés leur confère une portée dépassant largement le cas d’espèce traité dans l’arrêt. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme sur lequel s’appuie la cour, était pourtant à l’origine un texte général, une proclamation de principes abstraits, quasi philosophiques. Ce texte a cependant été constamment interprété et surtout politisé par la pratique et la jurisprudence des juges de Strasbourg, qui en ont fait un levier de pouvoir sans limite, grâce à une interprétation extensive au service d’un « politiquement correct » affirmé qui permet de faire dire à peu près tout et n’importe quoi au texte en se rattachant vaguement à l’un de ses articles.
De très nombreuses législations nationales sont désormais élaborées sous la tutelle indirecte de la Cour européenne et de ses jurisprudences. C’est patent dans le domaine de l’immigration dont l’approche est particulièrement favorable au droit des étrangers. Brice Hortefeux, alors ministre de l’intérieur et de l’immigration, le reconnaissait lorsqu’il déclarait, lors de la conférence préfectorale et consulaire du 14 février 2011 : « La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme conduit trop souvent, de facto, à privilégier les droits des migrants sur le droit des États à maîtriser l’immigration ».
Le comble est atteint avec les décisions qui conduisent aujourd’hui à la résolution que nous étudions et qui interdisent à des États souverains d’expulser de leur territoire des étrangers ou des nationaux déchus de leur nationalité condamnés pour terrorisme.
Mais l’atteinte à la souveraineté nationale ne se limite pas à l’immigration ou à la sécurité intérieure, comme le révèlent les exemples cités à l’appui de la proposition de résolution, et comme le montrent ces quelques exemples édifiants.
En 2014, la CEDH a condamné les autorités françaises à verser, au titre du dommage moral, des indemnités allant de 2 000 à 5 000 euros aux pirates somaliens interpellés pour les détournements des navires français Le Ponant et Le Carré d’As, estimant que « rien ne justifiait » leur placement en garde à vue pour 48 heures supplémentaires après les jours passés en mer aux mains de l’armée française.
Les Britanniques subirent deux condamnations en 2010 et 2011 pour avoir privé du droit de vote leurs détenus.
Très libertaires, les juges n’ont pas osé imposer frontalement leur vision sur les sujets dits sociétaux, mais se sont néanmoins appliqués à permettre le contournement des législations nationales qui leur déplaisaient. C’est ainsi que la CEDH ne remet pas en cause l’interdiction française de la gestation pour autrui, mais la vide de sa substance en obligeant l’État français à inscrire au registre d’état civil tout enfant né à l’étranger d’une mère porteuse.
Les exemples aussi scandaleux qu’humiliants pour notre pays se multiplient sans fin. Le législateur vote ainsi la loi dans la crainte permanente de la censure du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État et de la Cour de cassation, qui s’adossent eux-mêmes à l’interprétation des jurisprudences de la CEDH. Il en vient ainsi à pratiquer l’auto-censure, quand il n’est pas contraint de modifier la législation nationale.
L’opinion parfois militante de quelques juges est-elle plus légitime que la tradition d’une nation, le vote d’un Parlement ou le suffrage direct d’un peuple ? La question mérite d’être posée, alors que la CEDH n’est plus seulement un système de défense des droits fondamentaux, mais un moyen de contrecarrer les décisions de justice nationales, par un recours devenu trop fréquent après l’épuisement des voies de recours internes, comme le montre l’explosion du nombre des recours ces dernières années.
La résolution proposée est donc un premier pas, mais un pas bien timoré, dont on connaît déjà le destin sans lendemain. Les atteintes à notre souveraineté nationale nous sont devenues tellement habituelles que l’interdiction qui nous est faite d’expulser des terroristes étrangers cause à peine un frémissement. Bien plus que l’impossibilité d’un recours individuel devant la CEDH pour les terroristes, c’est tout notre droit, notre indépendance et nos traditions que nous devrions chercher à préserver de l’ingérence de magistrats sans aucune légitimité démocratique.
Je voterai cette résolution, mais indépendamment d’une éventuelle dénonciation de la Convention européenne des droits de l’homme ou d’une réforme de la CEDH, la voie la plus urgente à ouvrir est celle de la réaffirmation du primat du droit national élaboré démocratiquement sur le droit européen et international, sauf à se résigner à l’impuissance de la politique française.