Il est en effet difficile de mesurer la concentration de nanomatériaux dans l'atmosphère des entreprises qui les produisent. Nous avons donc pour première tâche de les tracer. La base de données sur les nanomatériaux gérée par l'ANSES nous donne beaucoup d'indications sur les secteurs où ils peuvent être produits et, partant, sur les populations qui sont le plus exposées. Nous développons une métrologie en collaboration avec l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et avec l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS). Pour toutes nos évaluations de risques, les données d'exposition manquent souvent pour les populations les plus exposées. Cette absence explique que des incertitudes demeurent sur certains risques.
Nous nous heurtons à une deuxième difficulté, qui est celle de l'effet différé des risques étudiés, tels que l'incidence des perturbateurs endocriniens sur l'apparition de cancers ou le lien possible entre la survenance de cancers du cerveau et l'exposition aux ondes électromagnétiques. Quand une exposition ne produit de pathologie qu'au terme de dix ou quinze, voire vingt années, la voie est ouverte à des études rétrospectives où les biais sont nombreux. Nous soutenons donc de préférence l'étude de cohortes qui sont des études prospectives, plus susceptibles de fournir des données précises. L'enquête Agrican, cofinancée par la Mutualité sociale agricole (MSA), porte ainsi sur les pesticides, tandis que l'ANSES participe également, sous l'égide du CIRC, à l'étude Cosmos, sur les effets d'une exposition aux champs électromagnétiques.
Quant à la présence de pesticides dans les cheveux, l'étude récemment publiée a l'intérêt de fournir des indications sur les sujets étudiés. Mais, comme c'est souvent le cas dans le domaine de la bio-surveillance, il est difficile de s'assurer de la représentativité de ces données, qu'il s'agisse de la présence de substances dans les cheveux, dans le sang ou dans les urines. Avec l'InVS, l'ANSES participe à l'étude Esteban, grande étude de surveillance générale, comportant un volet périnatal, et focalisée sur les contaminants chimiques. Elle a déjà donné de premiers résultats, en fournissant notamment des indications sur l'exposition des femmes enceintes au bisphénol A. Je souligne cependant que les taux observés sont en baisse par rapport à ceux constatés il y a dix ans. C'est sans doute l'effet des premières mesures prises.
Des données sur les pesticides, sur les contaminants chimiques et sur les perturbateurs endocriniens seront disponibles en 2015 ou en 2016. Elles devraient permettre une comparaison, à l'échelle de toute la population, avec le reste de l'Union européenne ou avec les États-Unis. À l'ANSES, elles serviront naturellement à l'évaluation des risques pour la population.