Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 1er avril 2015 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice :

J'ai rappelé hier qu'en 2012 et en 2013 le renseignement pénitentiaire avait vu ses effectifs renforcés, puis qu'en 2014 il avait été réorganisé et restructuré. C'est aujourd'hui un service doté d'officiers qualifiés travaillant soit au sein de l'administration centrale, soit dans les directions régionales, soit encore au sein des établissements. J'ajoute qu'il devrait également disposer d'ici quelques semaines de logiciels d'investigation en cours de validation par la CNIL.

Je me suis évidemment posé la question du fondement juridique sur lequel repose l'action de ce renseignement pénitentiaire, qui est en réalité un service de l'administration pénitentiaire. Nous avions, dans un premier temps, envisagé son intégration dans la communauté du renseignement mais, au vu des conséquences que cela emporterait, cela ne nous a pas semblé une solution adéquate.

En effet, le renseignement pénitentiaire a très précisément pour mission de veiller à la sécurité des établissements, de prévenir les risques d'évasion et d'empêcher la commission d'actes délictueux ou criminels, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur des établissements. Pour cela, il dispose d'un certain nombre de prérogatives, qui lui permettent notamment d'intercepter des conversations ou des correspondances. En outre, l'article 12 du projet de loi vient renforcer ces prérogatives en autorisant la détection, le brouillage et l'interruption des communications électroniques ou radioélectriques. Il autorise également le contrôle en temps réel des ordinateurs, puisque, depuis un décret de 2003, actualisé en 2009, les détenus peuvent disposer d'un ordinateur non connecté à internet.

Le renseignement pénitentiaire dispose donc désormais de moyens accrus et de compétences élargies, pour l'exercice desquelles il pourra bénéficier du soutien de la cellule de veille que nous avons créée et qui réunit des informaticiens, des analystes et des interprètes. Reste que le recueil de renseignements et les techniques, parfois intrusives, sur lesquelles il s'appuie sont l'affaire de professionnels dont c'est le métier, un métier différent de celui des surveillants pénitentiaires, dont la tâche première est de surveiller les détenus et d'assurer la bonne tenue et la sécurité des établissements.

On peut certes décider de faire évoluer le métier des surveillants pour les transformer en professionnels du renseignement, mais ne le faisons pas par inadvertance, et demandons-nous, dans ces conditions, s'ils auront encore leur place au sein du ministère de la Justice. En effet, tout a été mis en oeuvre ces dernières décennies pour consolider l'inclusion de l'administration pénitentiaire au sein du ministère de la Justice, d'une part parce que ses agents exécutent des décisions de justice et, d'autre part, parce qu'elle est placée sous l'autorité et le contrôle du procureur. On peut certes revenir sur cette tendance historique, mais cela revient à changer de paradigme et à poser la question de l'intégration du renseignement pénitentiaire au sein des services du ministère de l'Intérieur.

Notre préférence va à un renforcement de la collaboration institutionnelle et organique de ce service avec le ministère de l'Intérieur. C'est dans cette perspective qu'a été mis en place un dispositif d'échange d'informations systématique et qu'un directeur des services pénitentiaires est désormais membre de l'UCLAT. L'administration pénitentiaire participe chaque semaine aux réunions de l'UCLAT et à celles des états-majors de sécurité dans les départements. Tout est donc mis en oeuvre pour fluidifier la circulation de l'information.

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