Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du 1er avril 2015 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • finalité
  • pénitentiaire
  • périmètre
  • renseignement
  • renseignement pénitentiaire
  • techniques
  • techniques de renseignement

La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, vice-président.

La Commission examine le projet de loi relatif au renseignement (n° 2669) (M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur)

La Commission commence l'examen des articles du projet de loi.

Article 1er (Livre VIII, titres Ier à IV et art. L. 811-1 à L. 811-4, L. 821-1 à L. 821-6, L. 822-1 à L. 822-6, L. 831 1, L. 832-1 à L. 832-5, L. 833-1 à L. 833-6 et L. 841-1 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Procédures de mise en oeuvre et contrôle des techniques de renseignement

Elle adopte d'abord l'amendement rédactionnel CL146 du rapporteur.

Puis elle se saisit de l'amendement CL58 de M. Sergio Coronado.

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La question de la protection des données personnelles est devenue centrale, au fil des années, dans la défense de la vie privée des individus : cet amendement vise à inscrire dans la loi que la protection des données personnelles fait partie intégrante du respect de la vie privée, au même titre que le secret des correspondances ou l'inviolabilité du domicile. C'était d'ailleurs l'une des recommandations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dans l'avis qu'elle a rendu sur le présent projet de loi.

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À mon sens, la protection des données personnelles fait déjà partie de la vie privée, au même titre que le secret des correspondances. Je ne suis donc pas défavorable au fond de cet amendement, mais il me paraît inutile. De plus, les autres notions auxquelles le texte se réfère ici relèvent de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce qui n'est pas le cas de la protection des données personnelles. Vous pourriez donc peut-être retirer cet amendement ; à défaut, j'y serais défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL59 de M. Sergio Coronado.

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La loi ne doit pas seulement fixer les cas où il peut être porté atteinte à la vie privée, mais également définir les conditions de cette éventuelle atteinte.

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C'est là l'objet de l'ensemble du projet de loi ; cet amendement pourrait donc être utilement retiré.

L'amendement est retiré.

La Commission se saisit alors de l'amendement CL134 de la commission de la Défense nationale et des forces armées.

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Cet amendement, adopté à l'unanimité par la commission de la Défense, tend à préciser le rôle de la politique publique de renseignement en faisant référence à deux notions bien définies par le législateur, celle de stratégie de sécurité nationale et celle d'intérêts fondamentaux de la nation.

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Avis favorable, à condition de rectifier l'amendement en remplaçant le terme de « sauvegarde » par ceux de « défense » et « promotion ».

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Le Gouvernement est favorable à l'amendement rectifié.

La Commission adopte l'amendement CL134 ainsi rectifié.

Puis elle examine l'amendement CL128 de M. Pascal Popelin.

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Le renseignement est une activité de souveraineté. Cet amendement, qui rétablit la rédaction du texte telle qu'elle était avant son passage en Conseil d'État, vise à rappeler que seul l'État peut mener des activités de renseignement : cette politique publique ne peut être ni sous-traitée à des sociétés privées, ni évidemment privatisée. La protection des libertés de nos concitoyens passe en effet par la capacité de contrôle de l'action de l'État.

En outre, l'affaire Snowden a révélé que les services de renseignement américains étaient secondés par un véritable complexe industriel auquel ils confiaient d'amples missions soustraites à la connaissance des instances de contrôle que sont les magistrats et les élus du Congrès.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Avis favorable.

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Avis favorable également, à condition de remplacer « la politique de publique de renseignement » par « elle », étant donné l'adoption de l'amendement précédent.

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Je ne peux qu'être favorable à cette rédaction plus élégante.

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N'aurait-il pas fallu supprimer le terme « publique » ? Toute politique de renseignement doit relever de la compétence exclusive de l'État.

La Commission adopte l'amendement CL128 ainsi rectifié.

L'amendement CL147 du rapporteur est retiré.

La Commission examine l'amendement CL42 de M. Guillaume Larrivé.

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J'ai évoqué hier, lors de l'audition des ministres, cet amendement qui a en réalité deux objets.

Formellement, il tend à prévoir que le périmètre de la communauté du renseignement stricto sensu, aujourd'hui défini par un décret simple en application de l'ordonnance de 1958, sera désormais défini par un décret en Conseil d'État, par parallélisme des formes avec le décret en Conseil d'État qui définit le second périmètre de la communauté du renseignement.

Sur le fond, il invite le Gouvernement à s'interroger sur la définition de ce périmètre.

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J'ai retiré l'amendement rédactionnel CL147 pour que ce débat ait lieu : il s'agit en effet ici d'une question de fond.

La communauté du renseignement comprend aujourd'hui six services, mais ceux-ci ne figurent pas dans la loi – pour des raisons que chacun comprendra puisqu'il n'est ainsi nul besoin de changer la loi, par exemple, lorsque la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) devient la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Pour des raisons qui tiennent à la période, la communauté du renseignement n'est aujourd'hui définie que par le décret simple prévu par l'ordonnance du 17 novembre 1958 : cette procédure est à mes yeux une scorie du passé. La communauté du renseignement se trouve en effet ainsi, de manière bizarre, définie par rapport au contrôle exercé sur elle par la délégation parlementaire au renseignement ; il me semblerait plus logique qu'elle le soit par la volonté du Gouvernement, donc par un décret et pourquoi pas par un décret en Conseil d'État.

L'amendement de M. Larrivé a pour objet d'élever la définition du périmètre de la communauté du renseignement à un décret en Conseil d'État. Il me semble que la loi y gagnerait en lisibilité : le lien entre cette définition et l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires n'est rien moins qu'évident.

Avis favorable, donc.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Ayant déjà répondu hier à M. Larrivé, je serai très rapide.

Cet amendement vise à élargir le périmètre de la communauté du renseignement, mais sa rédaction se contente de renvoyer la liste des services qui pourraient faire usage des techniques de renseignement à un décret en Conseil d'État. Il nous semble au contraire utile que la loi fasse explicitement référence à la communauté du renseignement, comme nous l'avons indiqué hier. Lorsque les techniques du renseignement sont utilisées, la délégation parlementaire au renseignement exercera un contrôle approfondi.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

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Y a-t-il une difficulté d'ordre juridique qui empêche d'inscrire dans la loi les termes de « communauté du renseignement » ?

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Monsieur le ministre, l'objet de l'amendement n'est pas nécessairement d'élargir le périmètre de la communauté du renseignement ; le Gouvernement peut le faire s'il le souhaite, s'il le décide – cela relève de sa responsabilité. Mais un décret en Conseil d'État permettrait une bonne articulation des deux périmètres du renseignement.

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Quels sont les services, notamment du ministère de l'Intérieur, qui pourront utiliser les techniques autorisées par cette loi ? Nous avons pu constater lors des auditions organisées par notre rapporteur que certains services de police estimaient devoir être autorisés à utiliser ces techniques d'interception, et demandaient donc un élargissement important de ces autorisations.

Il me semble que nous avons le droit de savoir quels services seront inclus dans les décrets. Le Gouvernement entend-il inclure les services de sécurité territoriale du ministère de l'Intérieur, par exemple ? Ces services feront-ils appel aux services de renseignement proprement dits, ou continueront-ils de relever, de façon normale, de la police judiciaire ?

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Il me semble que nous sommes enfermés dans un cercle vicieux : la communauté de renseignement n'a de sens que littéraire dès lors qu'elle n'est pas définie, et ce décret n'aurait de toute façon pour but que de désigner des services concernés. Je comprends bien l'intérêt de cet amendement, mais il me semble que la réflexion sur ce sujet n'est pas aboutie.

Par ailleurs, le Gouvernement peut toujours prendre un décret en Conseil d'État pour définir cette communauté du renseignement.

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Je partage tout à fait l'avis de Mme Bechtel : c'est effectivement une question de fond, car les prérogatives conférées à ceux qui seront intégrés au périmètre de la communauté du renseignement sont très importantes, mais nous devrions peut-être prolonger notre réflexion. Je ne voterai pas cet amendement s'il est maintenu, mais peut-être son auteur pourrait-il le retirer pour que nous y travaillions ensemble.

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Monsieur Le Bouillonnec, il n'y a pas de difficulté de principe à inscrire la communauté du renseignement dans la loi, mais cet article n'est pas le bon endroit pour cela. La communauté du renseignement comprend en effet les services spécialisés, mais aussi l'Académie du renseignement – dont je ne crois pas que nous ayons l'intention de l'autoriser à procéder à des balisages…

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La question du périmètre de la communauté du renseignement, et de ses deux cercles, se pose de façon récurrente. Concrètement, la suite du texte permettra une définition du second cercle par un décret en Conseil d'État.

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Je maintiens l'amendement.

Il existe bien deux périmètres. Le projet de loi prévoit la définition du second d'entre eux – c'est-à-dire ceux des services qui ne sont pas des services spécialisés mais qui pourront recourir à certaines techniques – par décret en Conseil d'État, ce que personne ne conteste. En revanche, le premier périmètre n'est aujourd'hui précisé que par un décret simple de mai 2014 ; il englobe aujourd'hui six services spécialisés.

Je ne dis pas que nous, législateur, devions dresser la liste détaillée de ces services : je dis que, par souci de cohérence, mais aussi pour des raisons de fond, il serait bon que les deux périmètres soient définis de la même façon, c'est-à-dire par décret en Conseil d'État. Cet amendement ne tend à rien de plus.

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Le Gouvernement pourrait-il répondre à la question de M. Morin ? Cette réponse serait de nature à éclairer la Commission.

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La notion de communauté du renseignement, même ancienne, n'est pas une notion juridique ! Pour montrer ses dangers, je pose une simple question : les détectives privés en font-ils partie ? Méfions-nous de telles formules-valises, où l'on met ce qu'on veut ! Elles sont très dangereuses pour les libertés. Il faut définir très précisément ce qu'est la communauté du renseignement – sans quoi l'on pourrait même, « après mauvais coup », prétendre qu'un organisme en faisait partie ! Comment, dans de telles conditions, le citoyen peut-il se protéger ?

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

C'est un sujet qui appelle des réponses précises et un débat dépassionné.

La communauté du renseignement est bien définie : ce sont les six services mentionnés. Quant à l'amendement, il ne pose pas de problème sur le fond, mais un problème de forme : l'ordonnance du 17 novembre 1958 renvoie à un décret simple, et puisque nous renvoyons à cette ordonnance, il faudrait la modifier elle aussi. Je suis donc réservé pour des raisons formelles.

Sur le plan opérationnel, je souligne surtout la nécessité de faire circuler l'information entre les différents services qui, au-delà des six services spécialisés, peuvent contribuer à la collecte et à l'analyse du renseignement. Nous n'avons pas besoin de la loi pour organiser cette circulation de l'information : ainsi, le renseignement pénitentiaire a été intégré à l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT).

Monsieur Morin, les services qui pourront mobiliser non pas la totalité des techniques de renseignement, mais un certain nombre d'entre elles, qui seront définies par le texte, sont, pour le ministère de l'Intérieur, au sein de la direction générale de la police nationale (DGPN) et de la préfecture de police de Paris, la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et le service central du renseignement territorial (SCRT), et, pour la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), la sous-direction de l'anticipation opérationnelle (SDAO). Il n'y a là aucune ambiguïté.

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Je réponds d'une phrase à votre objection juridique, monsieur le ministre : si cet amendement était adopté, il faudrait également adopter l'amendement de coordination CL43, qui répond à la préoccupation de forme que vous exprimez en modifiant sur ce point l'ordonnance du 17 novembre 1958.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL148 du rapporteur.

Elle se saisit ensuite de l'amendement CL60 de M. Sergio Coronado.

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Cet amendement vise à inscrire que les services agissent dans le respect des recommandations de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), dont il me semble utile de souligner le rôle central.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Même avis.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CL44 de M. Guillaume Larrivé.

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Cet amendement vise à conforter l'équilibre entre intrusion dans la vie privée et respect des libertés, en précisant que l'autorisation de recueil de renseignements est accordée dans le respect du principe de proportionnalité et que chaque service ne reçoit d'autorisation que pour son champ de compétences propre.

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Il ne saurait en être autrement : c'est l'objet même du projet de loi. Je vous propose de retirer l'amendement.

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Cet amendement explicite l'esprit de la loi et précise la rédaction.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL149 et CL157 du rapporteur.

Puis elle se saisit de l'amendement CL150 du rapporteur.

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Cet amendement vise à conforter l'activité des services, dans un sens offensif : je souhaite qu'ils ne se consacrent pas seulement à la défense des intérêts de la nation, mais également à leur promotion.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Avis favorable.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle se saisit de l'amendement CL151 du rapporteur.

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Nous abordons, avec cet amendement, le débat sur les finalités de l'activité des services de renseignement. Le projet de loi en prévoit sept.

La première d'entre elles est la « sécurité nationale » : elle ne pose pas de problèmes particuliers, mais elle me paraît ici trop large. L'amendement tend donc à lui substituer « l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale ». La notion de « sécurité nationale » est apparue pour la première fois, de façon discrète, dans la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques ; elle a ensuite été inscrite dans le code de la défense par la modification de l'article L. 1111-1, à la faveur de la loi de programmation militaire du 29 juillet 2009. Il ne s'agit pas ici de la faire disparaître, mais bien de préciser les finalités de l'activité de renseignement.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Le Gouvernement est très favorable à cette proposition, qui permet d'en revenir à la rédaction initiale du texte – qui n'avait pas été retenue par le Conseil d'État, mais sans qu'il exprime un reproche juridique particulier.

La Commission adopte l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL22 de M. Hervé Morin.

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Cet amendement est un amendement d'appel. Les services spécialisés doivent-ils surveiller toute la vie collective de la nation ? Le projet de loi cite d'abord, parmi les finalités de l'activité de renseignement, « les intérêts essentiels de la politique étrangère et l'exécution des engagements européens et internationaux de la France » et « les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France » – autrement dit presque tout : vous élargissez le champ prévu par la loi de 1991. Si, par exemple, un parlementaire de la commission de la Défense qui rend visite à un industriel américain ou israélien du secteur de la défense, se demandera-t-on s'il menace les intérêts économiques et scientifiques essentiels de notre pays ?

La « prévention du terrorisme », citée ensuite, ne pose pas problème. En revanche, la « prévention de la criminalité et de la délinquance organisées », quelle que soit la peine encourue, cela paraît très large. Vous me rétorquerez que cela existait déjà : mais aujourd'hui, les techniques d'interception sont beaucoup plus nombreuses qu'auparavant, lorsque seules existaient les écoutes téléphoniques.

Enfin, le texte cite la « prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ». On pense bien sûr aux manifestations de toutes sortes : les manifestants contre le mariage pour tous, par exemple, pourraient-ils être concernés ?

Les finalités de l'activité de renseignement telles qu'elles sont définies par ce projet de loi me paraissent donc couvrir un champ beaucoup trop large – la totalité, en réalité, de la vie de la nation. Je n'aimerais pas que nous rentrions dans une société de la surveillance généralisée.

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M. Morin a présenté son amendement comme un amendement d'appel. L'appel a été entendu et, si son amendement est retiré, la discussion pourra avoir lieu… Si cet amendement était adopté, nous devrions demander aux agents de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la direction du renseignement militaire (DRM) et de la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) de changer de métier !

L'amendement est retiré.

La Commission examine alors, en discussion commune, les amendements CL152 du rapporteur, CL61 de M. Sergio Coronado, CL45 de M. Guillaume Larrivé et CL135 de la commission de la Défense.

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Ces amendements portent sur le deuxième item. Tout d'abord, je propose de revenir à la rédaction initiale du Gouvernement, avant le passage en Conseil d'État, en remplaçant le terme d'« intérêts essentiels » par celui d'« intérêts majeurs » – débat sémantique qui n'est pas sans importance. Ensuite, la mention des « engagements européens et internationaux » n'est pas utile, car ils font partie de la politique étrangère. En revanche, parce que nos services sont bien des outils de souveraineté, ils doivent, me semble-t-il, être engagés dans la « prévention de toute forme d'ingérence étrangère ».

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La rédaction actuelle de cet alinéa 11 est, comme notre rapporteur vient de le dire, beaucoup trop générale. Nous proposons donc de la préciser en mentionnant seulement « la prévention de la prolifération des armes de destruction massive ».

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Je suis favorable à cet amendement, mais pas à cet endroit du texte : je proposerai moi-même de mentionner parmi les objectifs de l'activité des services de renseignement la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, mais à l'alinéa 16. Je vous propose donc de retirer l'amendement CL61.

L'amendement CL61 est retiré.

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Le Gouvernement a fait le choix de dresser une liste unique de finalités, englobant ainsi les services de sécurité extérieure et de sécurité intérieure. Dans son avis, publié pour la première fois, le Conseil d'État a « pris acte » de cette décision, ce qui ne témoigne pas d'un grand enthousiasme.

Il faut lire cette liste en gardant à l'esprit que tous les services n'utiliseront pas toutes les techniques pour toutes les finalités. Cela ne dispense pas d'être aussi précis que possible. S'agissant de l'alinéa 11, je suis prêt à me rallier à la rédaction du rapporteur, en conservant une petite hésitation sur la nuance entre intérêts « majeurs » et « essentiels ». Sans doute serions-nous d'ailleurs bien en peine de définir précisément cette nuance… C'est la pratique de la CNCTR et du Conseil d'État qui se chargera d'apporter ces précisions.

L'amendement CL45 est retiré.

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La commission de la Défense a préféré, par son amendement, le terme d'intérêts « majeurs », moins restrictif. La DGSE, en particulier, doit travailler sans oublier le moyen et le long termes.

L'amendement CL135 est retiré.

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Cet alinéa concerne d'abord la DGSE, nous en sommes d'accord. Mais est-il nécessaire d'élargir autant le champ pour tous les services de renseignement ? Je suis opposé à cet amendement.

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J'approuve entièrement l'amendement du rapporteur. Je ne comprends pas ce débat : il est très classique dans un texte de dresser une liste de missions, et de préciser ensuite que chaque service agit dans le cadre de ses missions propres.

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Je partage la perplexité générale sur l'alternative entre « essentiels » et « majeurs ». De toute façon, ce sera apprécié par la pratique des gouvernements successifs : n'est-il pas superfétatoire de qualifier les intérêts de la France ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Le Gouvernement est favorable aux amendements CL152 et CL135, et notamment au retour au terme d'intérêts « majeurs », moins restrictif. C'était d'ailleurs la rédaction initiale du texte.

La Commission adopte l'amendement CL152.

La séance, suspendue à neuf heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL62 de M. Sergio Coronado, CL153 du rapporteur et CL136 de la commission de la Défense.

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Notre amendement vise à revenir à la notion de « sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique » en lieu et place de celle d'« intérêts économiques et scientifiques essentiels ». En 1991, déjà, la première avait remplacé la seconde dans le projet initial du Gouvernement, à l'initiative de Jean-Jacques Hyest alors député : il avait été décidé de retenir la même formulation qu'au livre IV du code pénal, lequel dispose en son article 410-1 que les « éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique » font partie des intérêts fondamentaux de la nation. C'est donc une question de cohérence.

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L'amendement CL153 tend à aligner sur le droit existant la formulation ici employée. Or, si la notion de « potentiel scientifique et économique » a effectivement été retenue en 1991, dès 1992 y était ajouté l'adjectif « industriel ». C'est pourquoi je propose de parler d'« intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs ».

Je suis en revanche défavorable à l'amendement CL62, car il restreint l'activité des services à la sauvegarde de ces intérêts alors que nous avons voté un amendement qui leur permet d'en assurer également la promotion.

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En effet, mais vos amendements n'ont été connus que tardivement. Nous y reviendrons en vue de la séance.

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L'amendement CL136 tend à substituer le mot « majeurs » au mot « essentiels » afin d'étendre le domaine d'intervention des services. Toutefois, la commission de la Défense peut se rallier à l'amendement du rapporteur.

Les amendements CL62 et CL136 sont retirés.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Le Gouvernement est favorable à l'amendement CL153.

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Nous n'avons pas à étendre indéfiniment le champ des services de renseignement. Les intérêts économiques majeurs, c'est la vie entière de la nation ! N'oublions pas que, au cours de l'histoire de notre République, des hommes dont on pouvait a priori penser qu'ils seraient vigilants s'agissant des libertés publiques et individuelles ne l'ont pas été. Sans vouloir polémiquer, je rappellerai une affaire qui date du début des années 1980 et qui a défrayé la chronique pendant plusieurs années. La vie politique française n'est pas à l'abri de tels soubresauts.

Passe encore pour la politique étrangère, qui concerne essentiellement la DGSE – j'aurais d'ailleurs préféré que cette disposition soit intégrée à un texte qui vise directement celle-ci. Mais, ici, ce sont tous les services de police que l'on rend compétents s'agissant de nos intérêts économiques majeurs.

Cette disposition devra être soumise au Conseil constitutionnel, car nous allons vers un modèle de société sécuritaire où absolument tout pourra intéresser les services de renseignement.

Il ne s'agit nullement de faire un procès d'intention à M. Cazeneuve ni à M. Le Drian. Nous ne légiférons pas pour six mois, ni pour deux ans : lorsque ces dispositions seront inscrites dans notre droit, elles y demeureront par-delà les alternances.

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Comme l'a bien rappelé Mme Bechtel, ce n'est pas parce que les finalités sont ainsi précisées dans la loi que tous les services ont vocation à tout faire. En réalité, chaque service est régi par un décret qui définit ses missions, et les autorisations émanant de l'autorité administrative, mais aussi du Premier ministre, seront délivrées en fonction de la mission du service, au regard de la finalité visée. Il n'est pas question, par exemple, que TRACFIN s'occupe de prolifération nucléaire. Nous nous contentons d'apporter des précisions à la perspective ainsi offerte par les décrets.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Je suis entièrement d'accord avec ce que vient de dire le rapporteur.

Je rappellerai d'abord qu'il convient d'apprécier le texte de loi en discussion à l'aune des dispositions aujourd'hui applicables. Or la conception ici adoptée de la défense de nos intérêts économiques et scientifiques fondamentaux est beaucoup plus restrictive que dans le texte antérieur.

Si nous avons opté pour cette rédaction, monsieur Morin, c'est bien parce que, comme vous, nous voulons prendre des précautions afin que la défense de nos intérêts ne contrevienne pas aux libertés publiques.

Ensuite, il convient d'apprécier ce que nous proposons à l'aune de ce qui a cours dans les grands pays européens et les autres grandes démocraties. Ainsi, la loi britannique équivalente invoque le « bien-être économique » pour justifier l'intervention des services de renseignement. Vous voyez comme nous nous montrons précautionneux en comparaison d'autres nations que l'on cite parfois en exemple et dont les bonnes moeurs ne suscitent que rarement des interrogations.

Sur ce texte essentiel qui vient en discussion dans un contexte décisif, il importe que nous nous sentions tous en confiance. Car plus le projet suscitera le consensus au sein du Parlement, plus nous serons forts, y compris s'agissant de l'exercice par le Parlement de ses prérogatives de contrôle.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

J'ajoute, car cela ne saurait être trop répété, que chaque service ne peut agir que dans son domaine de compétence.

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Je n'ai rien contre le benchmarking, notamment en matière économique, mais rien ne nous oblige à faire comme les autres. En particulier, je ne prendrais pas le système britannique pour référence, d'autant qu'il a, contrairement à nous, la vertu de sanctionner très sévèrement le moindre dérapage : c'est un régime de sanction plutôt que d'autorisation.

Quant à la loi du 10 juillet 1991, elle ne concernait que les interceptions de communications téléphoniques. Il ne s'agissait pas, comme aujourd'hui, de pénétrer dans les téléphones portables, dans les ordinateurs portables, dans les boîtes de messagerie électronique. La protection des libertés et des données personnelles est devenue un sujet d'autant plus sensible que les techniques se sont faites invasives. Celles-ci doivent donc être davantage encadrées.

Enfin, on invoque l'urgence ; or, si j'ai toute confiance dans les services, je sais aussi que l'on peut organiser l'urgence. Il ne faudrait pas que sous ce prétexte, ou au nom des moyens que nous avons développés, nous ne nous dotions pas des instruments de protection dont nous avons besoin.

Je le répète, il ne s'agit pas de polémiquer ni de dresser l'opposition et la majorité l'une contre l'autre. Je rappelle que j'ai été le ministre qui a fait mettre fin au fichier EDVIGE – acronyme d'« exploitation documentaire et valorisation de l'information générale ». Nous ne légiférons ni pour six mois – je l'ai dit –, ni uniquement en réaction aux attentats de janvier.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Je n'ai aucun doute sur le fait que c'est la recherche du compromis qui guide vos interventions, et non le goût de la polémique. C'est ce qui nous permet de discuter ensemble.

Vous avez tout à fait raison de souligner combien le contexte a changé depuis 1991. Ce sont justement les progrès technologiques qui nous obligent à plus de précision, toutes les technologies disponibles ne pouvant être mobilisées pour toutes les finalités.

Il est un autre argument que vous n'avez pas évoqué : les moyens employés doivent être rapportés aux risques auxquels nous sommes confrontés. Or, en 1991, la forme de terrorisme que nous connaissions et le risque qu'elle comportait étaient sans commune mesure avec ce qui prévaut aujourd'hui : le terrorisme en libre accès n'existait pas, lui non plus. Une grande partie des technologies que vous avez mentionnées ne peuvent d'ailleurs être utilisées, dès lors qu'elles touchent aux contenus, que sur autorisation de la CNCTR et lorsque le risque terroriste est en jeu.

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Peut-être pourrions-nous dégager un élément de consensus en revenant au sujet de l'amendement en discussion. Nous sommes certainement d'accord pour considérer que, dans la compétition internationale – car c'est bien de cela qu'il s'agit –, nos services doivent appuyer nos entreprises industrielles, scientifiques et économiques. C'est un instrument de compétitivité comme un autre.

La Commission adopte l'amendement CL153.

Elle examine ensuite l'amendement CL129 de M. Pascal Popelin.

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Nous proposons ici de reformuler le motif de « prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique », afin de dissiper tout malentendu éventuel. Nous avons bien compris qu'il n'était pas question de mettre sous surveillance les partis politiques, les syndicats et les mouvements sociaux, mais de prévenir les agissements de groupes dangereux qui envisagent de porter atteinte à la sécurité nationale.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Même avis.

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Cet amendement représente une avancée, car l'imprécision du texte actuel risque de permettre l'emploi de techniques très intrusives vis-à-vis des militants politiques, associatifs et syndicaux, même si telle n'est pas la volonté du Gouvernement.

Dans son dernier rapport d'activité, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) notait que des demandes motivées par la crainte d'un trouble à l'ordre public ne peuvent fonder le recours à une interception qu'en cas de menace particulièrement grave contre la sécurité. Pour cette raison, j'aurais préféré que les atteintes soient qualifiées de « graves ». M. Popelin accepterait-il de rectifier son amendement en ce sens ?

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Il me semble que la notion d'« atteinte à la sécurité nationale » est suffisamment forte.

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Cet amendement suppose que soit supprimé l'alinéa 16.

Nous tournons un peu en rond. Notre débat sur les finalités est en réalité assez vain : ce qui importe véritablement, ce sont les amendements suivants sur les modalités de contrôle des données et le fait qu'elles soient ou non conservées selon la finalité qui a motivé leur recueil.

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Je préfère de beaucoup la rédaction proposée au texte initial. Mais, pour prendre un exemple concret, une manifestation organisée par la Fédération anarchiste peut-elle justifier des interceptions ?

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Si l'on veut comprendre cet amendement tout à fait bienvenu, il convient de se reporter aux termes de l'alinéa 16 qu'il propose de reformuler : c'est le hooliganisme qui est visé, non les manifestations qui se déroulent dans un cadre démocratique.

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Une manifestation, quel qu'en soit l'organisateur, ne peut en elle-même justifier une intervention des services : tout dépend de l'intention des organisateurs. Si ces derniers cherchent à porter atteinte à la forme républicaine des institutions, alors les services sont compétents.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Ce débat est récurrent, il a suscité de nombreux articles de presse et je comprends les inquiétudes qui se sont exprimées. Il convient donc de répondre très précisément à la question posée.

L'intention du Gouvernement – et plus généralement de l'État, puisque cette loi a vocation à durer, comme l'a dit M. Morin – n'est absolument pas de procéder à des interceptions de sécurité auprès de quiconque souhaite manifester, ce qui remettrait en cause la liberté de manifestation, à laquelle nous tenons par-dessus tout.

En revanche, si nous sommes confrontés au risque de violences extrêmement graves, il est normal que nous puissions prendre toutes les précautions nécessaires pour les prévenir, en vertu des pouvoirs de police administrative dont nous disposons. C'est dans des cas tout à fait exceptionnels, lorsque ces violences collectives peuvent porter atteinte à l'intégrité physique de personnes ou de groupes, que l'État, dont c'est le rôle, se chargera de le faire.

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Je retirerai l'amendement CL63 au profit de la rédaction de M. Popelin, que je proposerai de sous-amender en séance si ses amendements sont adoptés.

Cela étant, je m'interroge moi aussi sur les manifestations concernées. La question n'est pas anodine. Pour le dire clairement, et même si telle n'est pas la volonté du Gouvernement, dans le cas des affrontements avec les forces de l'ordre à Notre-Dame-des-Landes ou à Sivens, peut-on considérer – comme le fait, je crois, une partie des services – que certains manifestants veulent s'en prendre à la forme républicaine des institutions ? L'amendement le permet-il ?

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Le texte n'a pas pour objet de viser tel groupe ou telle circonstance, mais de définir des principes généraux.

Dès lors qu'il existe un risque de violences extrêmement graves qui pourraient porter atteinte soit à l'équilibre de nos institutions, soit à l'intégrité physique de personnes et ce, de façon massive, nous prenons des précautions pour éviter que ce risque ne se concrétise. C'est le rôle de l'État de protéger les citoyens de telles violences. Voilà tout.

Ces dispositions sont prises sous le contrôle de l'autorité indépendante, qui peut à tout moment estimer que les moyens mobilisés par l'État sont disproportionnés par rapport au but poursuivi : avant, pendant ou après leur mise en oeuvre. En outre, toute personne qui jugerait que ces moyens ont été utilisés illégitimement par l'État pourrait saisir l'instance juridictionnelle ou la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) afin de faire valoir ses droits. La CNCTR peut mettre fin à tout moment à la mobilisation de ces moyens et demander l'indemnisation de la personne ayant subi un tel préjudice. Par ailleurs, si l'instance juridictionnelle constate qu'à cette occasion une infraction à caractère pénal a été commise par ceux qui ont utilisé ces techniques, il est possible de saisir le juge pénal.

En résumé, ce dispositif a été conçu pour protéger les libertés publiques, pour prévenir des violences extrêmement graves qui peuvent elles-mêmes attenter à l'exercice de certaines libertés publiques, et il garantit un contrôle administratif et juridictionnel qui peut aller jusqu'à l'intervention du juge pénal le cas échéant.

Le Gouvernement tient à inscrire ces principes dans la loi, car les mesures de prévention, qui ont aussi pour objet la protection des libertés, ne sauraient dès lors porter atteinte à celles-ci.

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Dans l'hypothèse où une manifestation pacifique serait infiltrée par des éléments dangereux, à qui les services de renseignement s'intéresseraient-ils ? Aux seuls éléments dangereux, ou aussi aux organisateurs de la manifestation pacifique ?

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Je comprends toutes ces interrogations, auxquelles le Gouvernement entend répondre très précisément.

Toutefois, permettez-moi d'abord de poser le problème autrement. Par-delà les différences de sensibilité représentées dans cette enceinte, y considère-t-on que, lorsque l'État prend connaissance d'éléments qui témoignent d'un risque de violences majeures envers un ou plusieurs individus, par exemple parce que des groupes auraient l'intention de manifester à la sortie de tel ou tel lieu de culte et de s'y livrer à des actions d'une extrême violence, son rôle est de les prévenir, ou bien de leur laisser libre cours ? Au demeurant, je suis convaincu que ceux-là mêmes qui s'interrogent sur la légitimité des moyens de prévention – je ne parle pas de vous, monsieur Meunier – seraient les premiers à accuser l'État de ne pas avoir protégé certaines minorités particulièrement visées si celles-ci étaient en tant que telles victimes de violences.

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Il ne faut pas prendre toujours cet exemple ! C'est trop facile de s'en servir pour justifier le reste !

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Nous ne nous justifions de rien, monsieur Morin : nous explicitons simplement les principes qui fondent ce projet de loi. Lorsque, à l'occasion de manifestations, des individus risquent d'agir de manière violente, l'ensemble des moyens de police administrative sont mobilisés pour l'éviter, parce que tel est notre rôle.

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J'approuve entièrement l'esprit de l'amendement.

Je regrette toutefois que l'on abandonne la référence à la notion traditionnelle de « paix publique », sans contester évidemment la nécessité d'en contrôler l'application.

La Commission adopte l'amendement.

Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL155 du rapporteur.

Puis elle en vient à l'amendement CL29 de M. Hervé Morin.

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Faut-il vraiment étendre le champ d'intervention des services de renseignement à tous les actes de délinquance organisée ? Tel est le sens de cet amendement, ainsi que de l'amendement CL30 qui restreint ce champ aux délits passibles d'une peine d'emprisonnement de plus de cinq ans.

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Avis défavorable, car il s'agit bien de viser la criminalité et la délinquance organisées. Je vous renvoie au rapport d'information que j'ai présenté en 2013 avec Patrice Verchère sur l'évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement. Dans le cadre judiciaire, ces champs sont très précisément définis ; nous parlons ici du cadre administratif où les suspicions sont beaucoup plus difficiles à établir ; mais c'est clairement la criminalité transnationale qui est ici en jeu.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Même avis.

L'amendement CL29 est retiré.

Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL30 de M. Hervé Morin.

Elle aborde ensuite l'examen des amendements identiques CL63 de M. Sergio Coronado et CL133 de M. Pascal Popelin.

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Je demande le retrait de ces amendements au bénéfice de mon amendement CL154, qui réécrit l'alinéa que ces amendements tendent à supprimer.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL154 du rapporteur, CL21 de M. Hervé Morin et CL64 de M. Christophe Cavard.

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L'amendement CL154 réécrit l'alinéa 16 en reprenant une finalité qui figurait dans le projet initial du Gouvernement et qui relève bien du domaine d'intervention des services : la prévention de la prolifération des armes de destruction massive.

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J'ai à ce sujet quelques mauvais souvenirs qui concernent l'Irak et les États-Unis. Qu'entend-on exactement par « armes de destruction massive » ?

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La protection des intérêts essentiels de la politique étrangère de la France englobe déjà cet objectif puisque nous avons signé un traité en ce sens.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Monsieur Tourret, les armes de destruction massive sont clairement répertoriées : il s'agit des armes nucléaires, biologiques et chimiques. Nous pourrons voir en séance s'il y a lieu de le préciser.

Le risque terroriste nécessite en tout cas que le texte fasse référence à ces armes.

La Commission adopte l'amendement.

En conséquence, les amendements CL21 de M. Hervé Morin et CL64 de M. Christophe Cavard tombent.

La Commission est saisie de l'amendement CL65 de M. Sergio Coronado.

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Cet amendement vise à restreindre l'accès aux techniques de recueil de renseignements aux services spécialisés définis précédemment. Il importe en effet de ne pas multiplier par simple décret le nombre de services qui seraient habilités à recourir à ces techniques extrêmement intrusives.

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Avis défavorable. L'amendement représenterait une régression par rapport au droit actuel : une grande partie des interceptions de sécurité s'opère dans un cadre pré-judiciaire.

L'amendement est retiré.

La Commission en vient à l'amendement CL25 rectifié de M. Hervé Morin.

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Je l'ai dit, j'estime que les techniques de renseignement devraient être réservées à la communauté du renseignement, et en aucun cas ouvertes à la police de proximité.

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Avis défavorable. Il ne faut pas inscrire dans la loi le nom des services, sans quoi l'on ne pourra changer un service sans changer la loi.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Même avis.

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Je ne voterai pas cet amendement, mais la question qu'il soulève à juste titre appelait une autre réponse. Tel était le sens de mon propre amendement CL42, auquel je reviendrai en séance.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL156 du rapporteur.

La Commission examine ensuite en discussion commune les amendements CL66 de M. Christophe Cavard, CL46 de M. Guillaume Larrivé, CL67 de M. Christophe Cavard et CL68 de M. Sergio Coronado.

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Cet amendement CL66 fait partie d'une série d'amendements qui visent à permettre aux services du renseignement pénitentiaire de recourir aux techniques de recueil de renseignement, conformément aux demandes de leurs responsables.

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L'amendement CL46 doit se lire en lien avec mon amendement visant à supprimer l'article 12, lequel dispose qu'à certaines fins l'administration pénitentiaire peut procéder, sous le contrôle du procureur de la République, à la collecte de renseignement. Je propose à la place que possibilité soit laissée au Gouvernement, s'il le souhaite, de prévoir, par décret, qu'un véritable service du renseignement pénitentiaire rejoigne le second cercle des services de renseignement.

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Je suis favorable à l'évolution du renseignement pénitentiaire et donc favorable à ces deux amendements, avec toutefois une préférence pour celui défendu par M. Cavard, car ils s'inscrivent dans la droite ligne des préconisations de la délégation parlementaire au renseignement, ainsi que du rapport de Sébastien Pietrasanta sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme ou des auditions menées actuellement par la commission d'enquête sur les filières djihadistes.

Nous sommes aujourd'hui sous-calibrés en matière de renseignement pénitentiaire, au regard de la menace. Le Gouvernement en a pris conscience et a déjà renforcé les moyens mis à disposition. Il faut désormais pouvoir faire évoluer ces structures, en fonction des choix qu'opèrera le Gouvernement dans ce domaine. Je considère que le renseignement pénitentiaire a vocation à faire siennes certaines finalités de la politique du renseignement inscrite dans cette loi. Il est donc normal qu'un décret prévoit la possibilité d'une telle évolution, réclamée par l'ensemble des acteurs confrontés dans nos prisons à de nouveaux risques et à de nouveaux défis.

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Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice

J'ai rappelé hier qu'en 2012 et en 2013 le renseignement pénitentiaire avait vu ses effectifs renforcés, puis qu'en 2014 il avait été réorganisé et restructuré. C'est aujourd'hui un service doté d'officiers qualifiés travaillant soit au sein de l'administration centrale, soit dans les directions régionales, soit encore au sein des établissements. J'ajoute qu'il devrait également disposer d'ici quelques semaines de logiciels d'investigation en cours de validation par la CNIL.

Je me suis évidemment posé la question du fondement juridique sur lequel repose l'action de ce renseignement pénitentiaire, qui est en réalité un service de l'administration pénitentiaire. Nous avions, dans un premier temps, envisagé son intégration dans la communauté du renseignement mais, au vu des conséquences que cela emporterait, cela ne nous a pas semblé une solution adéquate.

En effet, le renseignement pénitentiaire a très précisément pour mission de veiller à la sécurité des établissements, de prévenir les risques d'évasion et d'empêcher la commission d'actes délictueux ou criminels, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur des établissements. Pour cela, il dispose d'un certain nombre de prérogatives, qui lui permettent notamment d'intercepter des conversations ou des correspondances. En outre, l'article 12 du projet de loi vient renforcer ces prérogatives en autorisant la détection, le brouillage et l'interruption des communications électroniques ou radioélectriques. Il autorise également le contrôle en temps réel des ordinateurs, puisque, depuis un décret de 2003, actualisé en 2009, les détenus peuvent disposer d'un ordinateur non connecté à internet.

Le renseignement pénitentiaire dispose donc désormais de moyens accrus et de compétences élargies, pour l'exercice desquelles il pourra bénéficier du soutien de la cellule de veille que nous avons créée et qui réunit des informaticiens, des analystes et des interprètes. Reste que le recueil de renseignements et les techniques, parfois intrusives, sur lesquelles il s'appuie sont l'affaire de professionnels dont c'est le métier, un métier différent de celui des surveillants pénitentiaires, dont la tâche première est de surveiller les détenus et d'assurer la bonne tenue et la sécurité des établissements.

On peut certes décider de faire évoluer le métier des surveillants pour les transformer en professionnels du renseignement, mais ne le faisons pas par inadvertance, et demandons-nous, dans ces conditions, s'ils auront encore leur place au sein du ministère de la Justice. En effet, tout a été mis en oeuvre ces dernières décennies pour consolider l'inclusion de l'administration pénitentiaire au sein du ministère de la Justice, d'une part parce que ses agents exécutent des décisions de justice et, d'autre part, parce qu'elle est placée sous l'autorité et le contrôle du procureur. On peut certes revenir sur cette tendance historique, mais cela revient à changer de paradigme et à poser la question de l'intégration du renseignement pénitentiaire au sein des services du ministère de l'Intérieur.

Notre préférence va à un renforcement de la collaboration institutionnelle et organique de ce service avec le ministère de l'Intérieur. C'est dans cette perspective qu'a été mis en place un dispositif d'échange d'informations systématique et qu'un directeur des services pénitentiaires est désormais membre de l'UCLAT. L'administration pénitentiaire participe chaque semaine aux réunions de l'UCLAT et à celles des états-majors de sécurité dans les départements. Tout est donc mis en oeuvre pour fluidifier la circulation de l'information.

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Il me semble qu'aujourd'hui certaines missions du renseignement pénitentiaire relèvent davantage de la lutte contre le terrorisme que de ses missions originelles, que vous avez rappelées et qui doivent naturellement rester les siennes. C'est pour cette raison qu'il me semble judicieux qu'il puisse avoir accès, sous réserve d'un avis favorable de la CNCTR, à laquelle il revient d'en définir la nature en fonction des besoins réels du service, à certaines des techniques utilisées pour le recueil de renseignements.

Quant aux risques de dérive, je pense que nous pouvons faire confiance à ce service qui travaille sous l'égide de votre ministère. Par ailleurs, je ne crois pas, compte tenu de la faiblesse de ses effectifs, qu'il puisse avoir les moyens d'écouter tous les détenus de France et de Navarre. L'idée est qu'il dispose des outils lui permettant de remplir correctement son rôle au sein du second cercle du renseignement.

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Il faut bien distinguer entre les deux questions que posent ces amendements.

La première est de savoir s'il faut permettre aux services du renseignement pénitentiaire, dont je rappelle qu'ils sont intégrés à l'administration pénitentiaire, d'avoir accès aux techniques de renseignement visées par l'article 1er. La réponse est apportée par l'article lui-même, qui dispose qu'un décret en Conseil d'État désigne ceux des services, autres que les services spécialisés, qui pourront également être autorisés à recourir à ces techniques. Cela inclut par conséquent le renseignement pénitentiaire et rend sans objet l'amendement de M. Cavard.

La seconde question est celle du périmètre et de l'intégration éventuelle du renseignement pénitentiaire à la communauté du renseignement dont nous sommes en train d'esquisser les contours. Fort heureusement, des liens existent déjà entre le renseignement pénitentiaire et les services dédiés à la lutte contre le terrorisme, mais, dans la mesure où cette structure n'est autonome ni dans ses missions ni dans ses fonctions, l'intégrer plus avant à la communauté du renseignement me semble à ce stade prématuré, et j'entends sur ce point les arguments de la garde des Sceaux.

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Nous sommes loin d'avoir tranché le débat sur le périmètre que devraient couvrir les services de renseignement, mais il me semble qu'au regard des compétences que lui confère l'article 34 de la Constitution ce n'est pas au législateur de le faire.

Cela étant, l'amendement CL66 ne propose nullement d'intégrer le renseignement pénitentiaire à la communauté du renseignement, mais donne simplement faculté au Gouvernement de le faire s'il le juge opportun, selon des modalités, avec des finalités et des moyens qu'il lui appartient de déterminer. Si un tel changement de paradigme devait se produire, je ne doute pas que ce serait de manière réfléchie et non par inadvertance. Je ne vois donc pas ce qui interdit que le législateur le permette. C'est pourquoi le groupe SRC est favorable à cet amendement.

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J'entends les arguments de la garde des Sceaux, qui nous explique que l'administration pénitentiaire relève de son ministère et qu'elle exécute des décisions de justice. Mais force est de constater que ses missions ont évolué et qu'il ne s'agit plus seulement pour elle d'assurer l'exécution des condamnations, mais également de participer au recueil de renseignements. Que vous le vouliez ou non, madame la ministre, nous avons bel et bien changé de paradigme et nous nous orientons vers une organisation des services dans laquelle les agents pénitentiaires relèveront d'une double tutelle, celle du ministère de la justice et celle du ministère de l'Intérieur.

Vous semblez dire que le renseignement pénitentiaire dispose déjà des moyens adéquats, mais, dans le cadre d'une procédure judiciaire, placer un détenu sur écoute ou sonoriser un parloir suppose qu'il y ait eu infraction et qu'une information ait été ouverte, et je ne vois pas comment il est possible de transformer les surveillants pénitentiaires en agents de renseignement sans leur donner les moyens dont disposent pour cela les autres agents. J'attends donc que le ministre de l'Intérieur s'exprime à son tour sur ces amendements, auxquels je suis favorable.

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Il ne s'agit plus seulement d'exécuter des décisions de justice ou d'assurer la sécurité des établissements pénitentiaires, mais également de prévenir des menaces et des risques terroristes qui trouvent dans nos établissements pénitentiaires un terreau favorable à leur développement. Je ne doute pas que les moyens dont il dispose aient été renforcés mais, disons-le, si le renseignement pénitentiaire était à la hauteur des défis auxquels il est aujourd'hui confronté, cela se saurait ! Je suis donc favorable à ces amendements, ne serait-ce que parce qu'ils incitent l'État à s'emparer de cette question. J'attends à mon tour que le ministre de l'Intérieur nous livre son analyse.

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Notre débat ne concerne nullement le rattachement institutionnel des services de renseignement pénitentiaire, dont je salue ici l'action en matière de lutte contre le terrorisme. Il ne s'agit en aucun cas de les intégrer à la communauté du renseignement, mais de leur permettre d'utiliser certaines techniques de renseignement, laissées à l'appréciation du pouvoir réglementaire, sur la base d'un décret en Conseil d'État.

Cela aurait à mes yeux deux avantages. D'une part, cela améliorerait la communication avec les autres services de renseignement, laquelle dépend davantage, nous a-t-on dit, de la bonne volonté que d'un protocole clairement défini ; d'autre part, en ayant accès à ces techniques de renseignement, les agents pénitentiaires auraient également accès à la formation qui va avec et dont ils ont grand besoin.

L'objet de cet amendement est moins de modifier la tutelle de ces services que de préciser le cadre juridique dans lequel ils travaillent et de les faire bénéficier des techniques de renseignement auxquelles le Gouvernement voudra bien leur donner accès.

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Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi dispose que les services n'appartenant pas à la communauté du renseignement et dépendant des ministres de la Défense, de l'Intérieur, de l'Économie, du Budget et des Douanes pourront, par un décret en Conseil d'État, être autorisés à utiliser certaines techniques de renseignement, dans des conditions et selon des modalités définies par la loi. Cela signifie implicitement que l'utilisation de ces techniques sera interdite à ces mêmes services dans un autre cadre que celui défini par la loi que nous sommes en train d'élaborer. Les services du renseignement pénitentiaire bénéficient, quant à eux, aux termes de l'article 12, d'un autre régime d'autorisation, puisqu'ils peuvent avoir accès à l'ensemble de ces techniques à la demande et sous le contrôle du procureur. Trois régimes coexistent donc : celui des autorisations soumises à la CNCTR ; celui – inchangé – de la police judiciaire ; celui des autorisations délivrées par le procureur de la République, non dans un cadre judiciaire mais dans le cadre de missions de prévention. Si l'amendement CL66 était adopté, l'article 12 deviendrait sans objet, le renseignement judiciaire étant désormais soumis à la procédure impliquant la CNCTR et dans laquelle n'interviendrait plus le procureur.

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Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice

Puisque le législateur, magnanime, renvoie à un décret l'usage de certaines techniques de renseignement, nous pourrions faire l'économie de ce débat. Je tiens pourtant à m'expliquer sur les conséquences des dispositions qui seront mises en oeuvre.

Plusieurs d'entre vous ont insisté sur le fait que les missions visant à assurer le bon déroulement de la détention et celles menées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme étaient deux choses différentes. Certes, et elles sont si différentes que nous avons mis en place des dispositifs différenciés, quand bien même il existe des liens entre criminalité organisée et terrorisme, et il est important d'appréhender conjointement ces deux types de menaces. Les actions que nous mettons en oeuvre, les indicateurs que nous utilisons doivent nous permettre de détecter non seulement les « signaux faibles » et tous les phénomènes de radicalisation, de plus en plus souvent masqués par des stratégies de dissimulation, mais également d'éventuelles connexions entre la criminalité organisée et le terrorisme.

Quant aux risques de dérive, ce qui est surtout à craindre, c'est la déstabilisation et la désorganisation des établissements, dont les personnels veillent à la sûreté et ont en charge au quotidien, jour et nuit, la surveillance des détenus.

Le ministère de l'Intérieur ou le ministère de la Défense pourront naturellement intervenir, en tant que de besoin, pour procéder au recueil d'information dans les établissements pénitentiaires, avec la collaboration des services du renseignement pénitentiaire. Cette collaboration, concrétisée par la présence de représentants de l'administration pénitentiaire au sein de l'UCLAT a fait la preuve de son efficacité et elle a permis, lors des tragiques attentats de janvier, d'identifier et d'interpeller très rapidement plusieurs membres de réseaux terroristes.

L'usage de certaines techniques de renseignement, notamment la sonorisation de parloirs ou de cellules, requiert un savoir-faire spécifique, et il me paraît préférable d'en confier la responsabilité aux professionnels du renseignement. Nous proposons en revanche que la loi institutionnalise les relations entre les services du renseignement pénitentiaire, qui ont un rôle indéniable à jouer, notamment lorsqu'il s'agit de donner l'alerte, et les services du ministère de l'Intérieur.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Ma position est très proche de celle de la garde des Sceaux. Ce qui compte à nos yeux, c'est avant tout l'efficacité des résultats que nous obtenons grâce aux renseignements collectés et à leur analyse.

Nous travaillons depuis plusieurs années à ce que la coopération entre les services du ministère de l'Intérieur et ceux du ministère de la Justice soit optimale. Des protocoles ont été signés, l'un en 2012 entre la DGSI et le ministère de la Justice, l'autre en mars 2015 entre la DGPN et le ministère de la Justice, de manière à établir des échanges permanents sur les informations recueillies en matière de lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, la garde des Sceaux a accepté que les responsables du renseignement pénitentiaire soient intégrés à l'UCLAT, afin de renforcer cette coopération. Nous avons donc aujourd'hui un grand service – la DGSI représente plus de trois mille personnes – qui travaille avec un tout petit service – le renseignement pénitentiaire ne compte pas plus de quelques dizaines d'unités en France –, dans un cadre opérationnel qui a fait la preuve de son efficacité.

J'ajoute que l'article 12 de ce projet de loi offre de surcroît la possibilité aux services du renseignement pénitentiaire d'avoir recours à certaines techniques de renseignement aux fins de remplir les missions qui sont traditionnellement les leurs.

Enfin, n'y a-t-il pas un paradoxe à s'inquiéter, comme le font certains d'entre vous, de l'emploi de certaines techniques de renseignement tout en voulant, dans le même temps, en généraliser l'usage ?

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur

Nous considérons que le texte est équilibré, que l'emploi des techniques de renseignement y est très encadré et que les dispositifs mis en place sont parfaitement efficaces, ce qui est ma priorité.

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Je suis favorable à l'amendement de Christophe Cavard, qui n'est en rien contraignant mais est une invitation explicite au Gouvernement à faire évoluer sa réflexion sur le renseignement pénitentiaire.

La Commission adopte l'amendement CL66.

En conséquence les amendements CL46 et CL67 tombent.

L'amendement CL68 est retiré.

Puis la Commission adopte les amendements rédactionnels CL279 et CL280 du rapporteur.

Elle examine ensuite l'amendement CL282 du rapporteur.

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Il s'agit d'un amendement rédactionnel, que je rectifie en y ajoutant mention du ministère de la Justice, par cohérence avec l'amendement CL66 que nous venons d'adopter.

La Commission adopte l'amendement CL282 ainsi rectifié.

En conséquence, l'amendement CL47 tombe.

La séance s'achève à 13 h.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Christian Assaf, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Luc Belot, M. Erwann Binet, M. Gilles Bourdouleix, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, M. Sergio Coronado, M. Frédéric Cuvillier, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Philippe Doucet, Mme Laurence Dumont, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Daniel Gibbes, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Olivier Marleix, M. Patrick Mennucci, M.Philippe Meunier, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Hervé Morin, M. Jacques Pélissard, M. Edouard Philippe, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François-Xavier Villain, Mme Paola Zanetti, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Pascale Crozon, M. Carlos Da Silva, M. Guillaume Garot, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Sandrine Mazetier, M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Assistaient également à la réunion. - M. Christophe Cavard, M. Patrick Hetzel, M. Philippe Nauche, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Patrice Verchère