Nous y voilà, à l’article 9, qui tend à la légalisation et à la généralisation des salles de shoot. Pour ouvrir le débat sur cet article, je voudrais, au nom des cent cinq députés qui ont signé la résolution parlementaire visant à interdire les salles de shoot sur l’ensemble du territoire national, donner la parole aux premiers concernés, et notamment à une toxicomane, Zoé, qui m’a écrit il y a quelques jours et qui plante remarquablement et précisément le décor de nos débats.
« Bonjour monsieur le député, je m’appelle Zoé et je suis dépendante. J’ai été toxicomane active pendant plus de quinze ans, mon produit de choix était l’héroïne et mon mode d’administration l’injection. Je tenais vraiment à prendre part au débat en vous exposant mon opinion au sujet des salles de shoot. J’ai eu en effet l’occasion d’en fréquenter à Genève, car j’ai vécu en Suisse pendant trois ans. »
« Je vivais en Valais, à une heure trente de Genève en train, et j’allais à Genève me fournir en quantité nécessaire pour la semaine. La salle de shoot se trouvait collée à la gare. Le quartier, de ce fait ou pas, puisque je ne l’ai pas connu avant, était envahi par les dealers et donc par énormément de consommateurs. Il y en avait partout. D’un côté de la gare, il y avait des petits dealers qui vendaient à la dose – une injection pour dix euros – et tous les acheteurs, moi y compris, préféraient les toilettes des cafés ou les toilettes publiques pour s’injecter. De l’autre côté de la gare, il y avait les grossistes, ceux que j’ai le plus fréquentés. Et là, c’était la même dynamique. Dès que nous avions acheté ce dont nous avions besoin, on se cachait soit derrière un buisson, soit dans les toilettes publiques, pour consommer. Les toxicomanes en général, mais en tout cas moi, j’avais peur de la police. »
« Dans ces salles de shoot, on nous demandait notre nom et de ce fait, nous faisions demi-tour de peur d’être fichés. La réalité était que cette salle de shoot était vide. Il m’est arrivé par deux fois d’aller chercher des seringues propres là-bas, mais son utilité s’arrêtait là. La campagne pour la distribution de matériel a eu un vrai but sanitaire et m’a sûrement sauvée d’une maladie de type sida ou hépatite. Cependant, je ne vois vraiment pas l’intérêt d’un lieu où l’on puisse consommer des produits illégaux sous couvert de la loi, c’est pour moi banaliser l’utilisation des drogues. De plus, ce lieu ne serait ouvert que trente-cinq heures par semaine, et les toxicomanes consomment vingt-quatre heures sur vingt-quatre. »