Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 8 avril 2015 à 15h00
Modernisation du système de santé — Article 12

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Monsieur le député, je vais vous le dire clairement et simplement : la réponse est oui ! Comme je vous l’ai déjà indiqué près d’une dizaine de fois, les professionnels de santé auront la liberté d’installation et le choix de leurs conditions d’exercice. Quant aux patients, ils auront la liberté de choisir leur professionnel de santé. Tout cela est inscrit à l’article 38 du projet de loi, en complément de ce qui existe déjà dans le code.

Je n’avais pas l’intention de prendre la parole sur cet article, monsieur le député, mais votre question m’incite à vous apporter un certain nombre de précisions.

L’article 12, ainsi que le suivant, l’article 12 bis, sont sans doute parmi les plus importants de ce texte. L’article 12 a été réécrit largement à la suite d’une concertation menée auprès des professionnels de santé. On ne peut pas, d’un côté, affirmer que la concertation n’a pas été suffisante, et de l’autre regretter qu’elle ait abouti à une nouvelle rédaction.

Hier soir, M. Door a admis que cet article semblait recueillir l’adhésion d’une très large majorité : je me réjouis de l’honnêteté dont il a fait preuve. De quoi s’agit-il, mesdames et messieurs les députés ? Cet article, qui, contrairement à certains de ceux que nous avons déjà examinés ou que nous examinerons prochainement, n’a que peu de retentissement médiatique, est pourtant celui qui définit le cadre dans lequel les professionnels de santé exerceront dans les années à venir.

Il existe aujourd’hui un consensus sur le fait que notre système de santé est trop centré sur l’hôpital. Pendant les décennies qui ont suivi l’adoption des grandes ordonnances de 1958 qui ont réformé l’hospitalisation, la santé et la médecine, cette particularité était une force. Mais comme on s’en aperçoit aujourd’hui, l’hôpital, qui a avant tout pour mission de soigner des malades souffrant ponctuellement de maladies aiguës, est mal adapté à la prise en charge dans la durée de patients vieillissants ou souffrant de maladies chroniques. Nous avons donc besoin de réorienter notre système de santé en prenant le virage ambulatoire, c’est-à-dire en donnant la priorité aux professionnels de proximité.

Tel est le sens de la modernisation de notre système de santé. Pour lutter contre les inégalités en matière de santé et d’accès aux soins, nous avons besoin à la fois de renforcer la prévention, ce que nous faisons dans le titre Ier, et de garantir, dans les territoires, un accès de proximité aux professionnels de santé.

L’article 12 traduisait cette volonté de faire évoluer les pratiques et l’organisation des soins. Mais les professionnels de santé y ont vu un risque d’étatisation du système. Même si tel n’était pas l’objectif du projet de loi, j’ai entendu leur inquiétude et fait en sorte que la concertation aboutisse à une nouvelle rédaction largement acceptée. Je me réjouis de la convergence à laquelle nous sommes parvenus.

Concrètement, de quoi s’agit-il ?

Tout d’abord, de la reconnaissance du rôle essentiel du médecin généraliste. À cet égard, l’article reprend une série de propositions contenues dans le rapport du professeur Druais sur la place de la médecine générale.

Cet article a été structuré à partir d’un chapitre intitulé « Promouvoir les soins primaires et favoriser la structuration des parcours de santé ». Ayant identifié la nécessité d’une coordination entre les professionnels de santé, nous avons prévu la mise en place, autour du médecin généraliste, d’équipes de soins primaires, constituées – j’insiste sur ce point – à l’initiative des professionnels. Les agences régionales de santé contractualiseront avec elles, et, au cas où les professionnels ne s’organiseraient pas spontanément, elles interviendront afin de favoriser l’émergence de telles équipes.

Enfin, les équipes de soins primaires s’inscriront au sein de communautés professionnelles territoriales de santé avec les professionnels de second recours, les acteurs sociaux et médico-sociaux, la protection maternelle et infantile – PMI –, etc.

Nous allons ainsi créer un cadre attractif pour les professionnels libéraux et lutter contre la désertification médicale en inscrivant dans la loi, à l’article 12 bis, le pacte de « territoire de santé ». Tous ces instruments, qui reposeront sur les équipes de soins primaires, permettront d’améliorer le maillage territorial de santé.

Je sais que certains souhaitent que l’on précise le rôle de la médecine libérale spécialisée. Pour ma part, je ne vois pas d’obstacle à la valorisation de la contribution de ces médecins de second recours ni à la formulation de leurs missions par le travail parlementaire.

Il s’agit en somme, mesdames et messieurs, d’un article structurant qui engage notre pays dans la voie du virage ambulatoire, c’est-à-dire d’une médecine s’appuyant sur les médecins de proximité, les équipes de soins primaires et la coopération entre les professionnels de santé. Cette partie du texte mérite que l’on s’y attarde un peu car elle fixera le cap de notre système de santé pour les années à venir. J’émets à nouveau un avis défavorable aux amendements présentés, car les principes dont leurs auteurs souhaitent l’inscription dans le projet de loi y sont déjà réaffirmés, comme j’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises aux professionnels, jeunes et moins jeunes.

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