Intervention de Christophe Waubant

Réunion du 1er avril 2015 à 9h00
Commission des affaires économiques

Christophe Waubant, président de l'Union nationale des entrepreneurs d'enduits de façade au sein de la Fédération française du bâtiment, FFB :

Les artisans comptent pour beaucoup dans la Fédération française du bâtiment puisqu'ils sont 35 000 sur 50 000 adhérents. Nous sommes donc fortement impactés, comme la CAPEB que nous rejoignons sur de nombreux sujets.

Le marché de la rénovation énergétique concerne les 350 000 artisans de notre pays de deux manières. Il y a les petits travaux chez les particuliers, avec une TVA réduite, pour lesquels on ne prend pas la peine de faire une demande de crédit d'impôt. Quand il change un velux à 100 ou 200 euros, l'artisan préfère donner 30 euros au client en crédit d'impôt « personnel », plutôt que de perdre du temps à remplir des documents administratifs. Il y a plus souvent les « grosses » réalisations – toutes proportions gardées, car le panier moyen est inférieur à 5 000 euros. Dans 99 % des cas, il n'y a qu'un seul corps de métier, donc la maîtrise d'oeuvre ne s'impose pas. Compte tenu des informations qu'il peut avoir sur internet, le consommateur est plus au courant de ce qui se fait et des produits utilisés. Les fabricants font aussi beaucoup de publicité sur leurs matériaux. Quant aux grandes entreprises, elles ne s'aventurent pas sur des marchés de 5 000 euros. Elles travaillent sur de grosses réalisations quand l'artisanat est beaucoup plus tourné vers les petites structures.

S'agissant du nombre de devis, certains s'interrogent sur les effets du label. Je discutais avant-hier avec un menuisier qui me disait que le marché ne décollait pas. Il était allé faire un devis le matin même. Sept devis étaient demandés. L'artisan passe un temps énorme à faire des devis qui n'auront pas de suite. C'est son quotidien.

En ce qui concerne les grandes surfaces de bricolage (GSB), la Fédération a fait un recours, pour les mêmes raisons que la CAPEB. J'ajoute que la grande surface va enfermer le consommateur en lui vendant un produit imposé, alors qu'un artisan, qui a le choix du produit, aura certainement moins d'oeillères. Avec ce système, on exploite les sous-traitants et on introduit quelque chose de malsain en interdisant à une entreprise labellisée RGE pour l'isolation thermique, par exemple, de sous-traiter à une autre entreprise RGE pour un corps de métier qu'elle ne possède pas, alors qu'on ouvre la boîte de Pandore pour la GSB, qui peut faire du multiservice.

S'agissant des matériaux innovants, il faut être prudent. Nous devons certes faire avancer le mode constructif, mais nous devons aussi protéger le consommateur. Nos métiers sont tenus à une garantie décennale. Quand on a une assurance – ce que vérifie d'ailleurs le RGE –, on a l'obligation d'utiliser des produits sous avis technique, c'est-à-dire des produits éprouvés. L'innovation est une bonne chose, qui permet de voir les matériaux de demain, mais il faut protéger le consommateur. N'oublions pas que nous sommes des intermédiaires. Le marché est tourné vers le consommateur, il faut toujours raisonner en veillant à sa sauvegarde.

La pérennité est un facteur important. Vous n'imaginez pas le bazar que le changement massif de taux de TVA a mis dans les entreprises ! Nous avons dû gérer cinq taux de TVA différents avec un logiciel de devis qui n'en accepte pas autant. Avec la décision prise le 15 décembre pour une mise en application au 1er janvier, et le consommateur perdu face à un devis établi avant le 31 décembre, cela fait déjà beaucoup. Mais c'est sans compter la certitude de se faire massacrer au prochain audit fiscal, par méconnaissance des dispositifs, ou encore les blocages de règlement pendant plus de six mois parce que le donneur d'ordre ne savait plus ce qu'il devait régler directement à l'entreprise. Attention donc au besoin de stabilité de notre secteur. Le temps est important pour que le consommateur prenne connaissance des choses – au bout de trois mois, on ne sent pas sur le terrain un grand élan de l'éco-rénovation. Il l'est aussi pour les entreprises : si, au bout d'un an, on casse le mode de fonctionnement du système si difficilement mis en oeuvre, on aura tout perdu : le consommateur, les entreprises et beaucoup d'énergie. C'est ainsi qu'un artisan proche de la retraite me disait se demander si la durée de vie de l'éco-conditionnalité valait la peine de se lancer dans la RGE, dans l'éventualité d'une reprise de l'entreprise par son fils. Vous le voyez, la stabilité est un facteur très important.

Pour ce qui est de la gratuité, elle a pour effet de faire perdre la conscience des choses. Si nous proposons un logiciel gratuit, je suis contre un label gratuit, qui serait, à mon avis, galvaudé. Même s'il est faible, il faut donner un coût : cela mobilise les gens et leur donne la volonté de s'impliquer dans une démarche.

Enfin, pour participer à des commissions, je puis vous assurer qu'on ne donne pas le RGE à tout le monde. Actuellement, une majorité de dossiers arrivent incomplets et ce sont ceux-là mêmes qui les ont déposés qui sont mécontents. Qualibat a les statistiques, mais je peux vous dire que, dans le domaine de l'isolation, entre 12 et 20 % de dossiers sont refusés pour inaptitude. Nous sommes là aussi pour protéger le consommateur et pour éviter d'avoir à lire, dans deux ans, dans Que Choisir ?, un scoop sur une personne qui aurait été abusée par une entreprise peu scrupuleuse.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion