Intervention de Geneviève Van Maele

Réunion du 8 avril 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Geneviève Van Maele, professeur au Centre de toxicologie et de pharmacologie de l'Université catholique de Louvain :

Compte tenu des contraintes liées à cet exposé, je n'aborderai, de manière synthétique, que l'approche épidémiologique. Cette approche prend toute son importance dans la mesure où aucune procédure d'évaluation des risques de substances chimiques, quelle qu'elle soit, basée principalement sur des données animales, ne permet d'apporter une certitude quant à leur innocuité pour l'homme. Après la mise sur le marché de ces substances, une surveillance des populations potentiellement exposées est donc essentielle. C'est là qu'interviennent les études épidémiologiques.

À première vue, la problématique de l'approche épidémiologique pourrait sembler très simple : l'exposition aux pesticides est-elle responsable d'un effet sur la santé ? En réalité, elle se heurte à bien des difficultés. La première est liée au terme même de « pesticides », qui englobe toute une série de substances très variées, définies différemment dans les études épidémiologiques, tantôt selon leur cible – on parle alors d'insecticides, d'herbicides ou de fongicides –, tantôt selon leur mécanisme d'action – les destructeurs endocriniens, inhibiteurs de cholinestérase –, tantôt selon leur classe chimique, organophosphorée, organochlorée, triazine et autres, et très rarement selon leur matière active, comme le glyphosate, le DDT ou l'atrazine. Cela rend très complexe la comparaison des résultats rapportés dans les différentes études.

Une autre difficulté est liée à l'exposition, qui est souvent multiple et variable dans le temps. Les substances sont rarement précisées, de même que les niveaux d'exposition. Autre difficulté, liée aux effets sur la santé eux-mêmes, les pathologies sont souvent mal définies et, sous une même dénomination – leucémie, par exemple –, sont repris différents types et sous-types de pathologies qui n'ont pas nécessairement la même étiologie. Pour garder l'exemple des leucémies, il y a des leucémies aiguës ou chroniques, myéloïdes ou lymphocytiques, et bien d'autres types encore.

Certaines pathologies sont parfois difficiles à définir. C'est le cas, par exemple, de la maladie de Parkinson par rapport au syndrome parkinsonien. De plus, la classification des pathologies a évolué dans le temps selon l'état d'avancement des connaissances, ce qui complique encore la comparaison des résultats.

Sans prétendre à l'exhaustivité, le bilan de l'expertise INSERM a été établi en se fondant sur l'association entre l'exposition professionnelle à tous types de pesticides et les pathologies étudiées chez l'adulte. Il a conclu à une présomption forte de l'existence d'un lien pour les lymphomes non hodgkiniens, le cancer de la prostate, le myélome multiple et la maladie de Parkinson. Une présomption moyenne a été rapportée pour les leucémies, la maladie d'Alzheimer, les troubles cognitifs et l'impact sur la fertilité et la fécondabilité.

Chez les enfants, l'analyse des études a permis d'établir que, dans des populations professionnellement exposées durant la grossesse, une présomption forte a été rapportée concernant les leucémies, les tumeurs cérébrales et les malformations congénitales, une présomption moyenne concernant les morts foetales et une présomption faible concernant le neurodéveloppement.

Dans les populations exposées au domicile, un niveau de présomption fort a été attribué pour les leucémies chez l'enfant et le neurodéveloppement, et un niveau moyen pour les malformations congénitales.

S'agissant des familles et substances potentiellement impliquées dans les excès de risques, la littérature disponible est extrêmement variable d'une substance à l'autre et d'une pathologie à l'autre. Une mise en garde s'impose : ce n'est pas parce qu'une substance a été davantage étudiée qu'elle est potentiellement plus dangereuse ; inversement, ce n'est pas parce qu'une substance n'a pas été étudiée qu'on peut conclure à l'absence d'effets.

Je ne vais reprendre ici que le bilan des études analysées sur l'exposition aux substances actives autorisées en France et en Europe.

Un fort niveau de présomption n'a été attribué à aucune substance étudiée. Un niveau de présomption moyen a été rapporté pour le lien entre le chlorpyriphos et les leucémies, le chlorpyriphos et le neurodéveloppement de l'enfant, entre le mancozèbe, le manèbe et les leucémies, de même qu'avec les mélanomes, entre le 2,4-D et les lymphomes non hodgkiniens et entre le glyphosate et les lymphomes non hodgkiniens. Un niveau de présomption faible a été attribué au lien entre chlorpyriphos et lymphomes non hodgkiniens et entre mancozèbe, manèbe et maladie de Parkinson, de même qu'entre MCPA et Mecoprop et lymphomes non hodgkiniens, et glyphosate et mort foetale.

Compte tenu des moyens humains limités et des contraintes de temps liées à cette expertise, toutes les pathologies n'ont pas pu faire l'objet de notre revue. Les données épidémiologiques que je vous ai rapportées sont renforcées par la mécanistique qui va vous être présentée par Laurence Payrastre.

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