Intervention de Jérôme Audurier

Réunion du 8 avril 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jérôme Audurier, exploitant du réseau DEPHY mis en place par le ministère de l'agriculture :

Je suis agriculteur dans les Deux-Sèvres, dans une zone à la limite de la plaine et du bocage. J'ai pris la suite de mon père en 1994, dans une exploitation de type polyculture-élevage. Il y avait, à l'époque, un troupeau de quarante vaches laitières dont l'alimentation était surtout à base de stocks d'ensilage et de concentrés. Les cultures étaient menées de façon conventionnelle : le maïs et le tournesol recevaient deux traitements, le blé cinq et le colza pouvait en recevoir jusqu'à sept. À l'époque, je ne me posais pas de questions. Je participais régulièrement aux formations des organismes qui m'entouraient.

Au début des années 2000, avec la naissance de nos enfants, nous avons commencé, avec mon épouse, à nous interroger sur notre manière de consommer, de nous soigner. Puis j'en suis arrivé à me poser des questions sur ma manière de travailler. Alors qu'avec mon beau-père nous avions regroupé nos deux troupeaux laitiers, j'avais entrepris de visiter des exploitations équipées en bâtiments des plus sophistiqués aux plus simples. C'est alors que j'ai rencontré des agriculteurs qui avaient fait le choix d'un bâtiment tout simple et de faire pâturer au maximum leurs animaux.

À l'époque, j'étais plutôt tenté par un bâtiment très robotisé, aussi leur choix m'a-t-il interpellé. J'ai repensé mon projet. En me renseignant sur ce système de production, j'ai découvert les systèmes herbagers, André Pochon, l'agriculture durable, et les centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (CIVAM). J'en ai trouvé un pas très loin de chez moi, j'ai participé aux formations et appris une autre manière de travailler.

Dans le même temps, j'ai pris conscience du danger des produits chimiques, notamment après avoir vu le film Nos enfants nous accuseront. J'ai commencé par supprimer tout ce qui était insecticides et régulateurs, j'ai diminué les doses de fongicides et d'herbicides, ainsi que les doses d'engrais. J'ai aussi travaillé sur mon assolement, en faisant des rotations plus longues. Je ne refaisais jamais de colza avant cinq ans sur une même parcelle. J'ai mélangé les variétés pour les rendre plus résistantes aux maladies, j'ai associé des céréales et des protéagineux, des légumineuses et des graminées. Petit à petit, j'ai diminué ma surface de culture de vente et augmenté ma surface de prairie. Les dernières années, j'étais passé de sept traitements à un seul pour le colza. Finalement, j'ai constaté qu'il n'y avait pas une forte baisse du rendement et que la marge économique était plutôt meilleure.

Peu à peu, je me formais aussi à la conduite d'un système herbager, avec pâturages tournants, prairies multi-espèces, prairies pour la fauche. La prairie est devenue la base de mon système. Derrière une prairie de quatre ou cinq ans, il est très facile de cultiver le maïs ou une céréale avec très peu d'intrants.

Pour apporter ces changements, je me suis imposé une règle : aller en douceur pour que cela soit plus facile à absorber au niveau de l'exploitation. Aujourd'hui, nous sommes quatre à travailler sur une exploitation de 190 hectares. Nous avons un troupeau de 190 brebis et 100 vaches laitières. Nous produisons 700 000 litres de lait, que nous écoulons dans la filière biologique. Notre système est quasiment autonome. Nos vaches pâturent pendant presque dix mois, nous fermons les silos pendant deux mois, et elles ne mangent que de l'herbe pendant deux mois. Les résultats sont satisfaisants, tant au plan économique qu'au plan humain. Je prends beaucoup de plaisir à travailler de cette façon.

Je n'ai pas fait cela tout seul, et avec le CIVAM, nous n'avons pas attendu non plus le plan Ecophyto. Nous avions déjà un groupe de culture économe avec lequel nous avons organisé des formations sur le désherbage mécanique, la vie du sol, les couverts, ainsi que des visites de fermes. Au sein de notre réseau, nous avons créé un jeu « Mission Ecophyto » pour mesurer l'impact des changements sur nos systèmes. Actuellement, nous sommes une dizaine au sein de notre groupe Ecophyto et nous nous sommes fixé l'objectif de passer à une trentaine de fermes d'ici à trois ans, pour accompagner les agriculteurs qui veulent changer de système.

Le changement est possible. Il faut seulement accepter de se former, d'apprendre, et comprendre qu'on peut travailler différemment. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

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