Intervention de Laurence Abeille

Réunion du 8 avril 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille :

J'ai moi-même respiré, pendant ce week-end passé à la campagne, une puissante odeur d'ammoniaque, qui n'était autre que celle du Roundup que l'on venait d'épandre dans les champs. (Murmures divers) Ce que subissent les campagnes, les villes le subissent aussi, ramené par la pollution atmosphérique.

Les écologistes sont attachés à l'agriculture biologique, seul moyen, selon eux, de garantir la santé de tous ainsi qu'une agriculture durable. Aujourd'hui, pourtant, cela me semble assez mal parti. Les représentants de la FNSEA ne participent pas à cette table ronde, mais ils ont un lobby tellement puissant qu'ils savent se faire entendre. Pour ma part, je suis ravie d'entendre les représentants de l'agriculture biologique et le témoignage d'un agriculteur qui a réussi cette transition. S'il est vrai que cela ne peut pas se faire du jour au lendemain, à un moment donné, il faut que la décision politique soit prise d'interdire un certain nombre de produits.

Si le Sénat venait à repousser l'amendement de Gérard Bapt et Delphine Batho tendant à interdire les néonicotinoïdes, j'espère que l'Assemblée le voterait à nouveau. Il est essentiel de donner des signes forts de notre volonté collective de soutenir le développement d'une agriculture durable. Contrairement à ce que d'aucuns laissent entendre, l'agriculture biologique peut nourrir le monde. De nombreuses études ont été faites sur ce sujet. Pourtant, le lobby hyperpuissant de l'agrochimie raconte en permanence que cela n'est pas possible, qu'il faut en rester à l'agriculture conventionnelle, qu'on ne pourra jamais se passer de ces produits, quitte à les modifier et à en diminuer l'utilisation. Finalement, c'est toujours l'agrochimie qui prend le dessus, pas l'agriculture.

Outre leurs effets sur les produits que nous mangeons et sur l'air, les produits phytosanitaires participent également à la pollution des sols. Plus on met de désherbant, plus il faut en mettre. Si l'on n'interdit pas clairement le Roundup de Monsanto ou d'autres produits équivalents, les sols vont mourir et ne produiront plus. Ce serait une catastrophe pour les agriculteurs et pour nous tous.

La conversion à l'agriculture biologique doit être accompagnée. C'est une agriculture techniquement compliquée, qui n'est pas enseignée dans les écoles. Il est indispensable de recentrer la formation des agriculteurs sur des modes de développement durable de l'agriculture.

Par ailleurs, les recherches de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) devraient être aussi largement orientées vers l'agriculture biologique, ce qui n'est pas encore le cas. Aucun plan ne fonctionnera sans une volonté réelle, au niveau du Gouvernement et des instances de recherche et développement, de mise en oeuvre sur le terrain à travers l'aide aux coopératives ou encore la taxation des produits – car c'est aussi cela qui fera changer les choses. Si les produits de l'agriculture conventionnelle sont moins chers que ceux de l'agriculture biologique, c'est que les pollueurs ne se voient pas appliquer le principe « pollueur payeur ». Non seulement nous payons ces pollutions de notre santé, et les agriculteurs au premier chef, mais elles ne sont pas taxées. N'est-il pas temps de faire preuve de responsabilité politique et de prendre des mesures fortes dans ce domaine pour sauver notre agriculture ?

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