Intervention de Eugénia Pommaret

Réunion du 8 avril 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Eugénia Pommaret :

Du point de vue de la consommation moyenne par hectare de pesticides, la France se situe au dixième rang européen. Son agriculture est reconnue pour sa qualité, le dynamisme et la diversification de ses productions. Rien ne sert d'opposer les modes de production pourvu qu'ils répondent aux demandes légitimes des consommateurs.

L'importance de l'agriculture française interdit de réduire tout débat sur le sujet à une simple discussion sur les quantités. On lui reproche d'être le troisième utilisateur de produits phytosanitaires, mais la réalité c'est que la diversité des cultures ne permet pas toujours de répondre aux dangers sanitaires qui guettent. Chacun a en tête les exemples récents de la mouche de l'olivier ou le problème dramatique des producteurs de cerises. Malheureusement, les activités d'échanges, qu'elles concernent les variétés, les semences ou même le commerce, n'arrangent pas les choses. La vitesse de pénétration en France, et plus globalement en Europe, de problèmes sanitaires liés à des maladies ou à des ravageurs, a tendance à s'accentuer.

Sans un arsenal innovant répondant aux besoins des agriculteurs, la « ferme France » risque de se tourner vers les cultures faciles, qui sont moins sujettes aux attaques de ravageurs – le blé plutôt que le colza, par exemple. Or si l'on veut conserver une agriculture diversifiée, il faut pouvoir offrir des solutions pour la protection des plantes. Les industriels et la filière agricole n'ont pas attendu le plan Ecophyto pour se préoccuper de protection intégrée, notamment par le biais de variétés résistantes. Sur ce plan, la France ne doit pas être en perte de vitesse. Puisque les variétés ont changé, les produits de traitement doivent changer eux aussi, de façon à pouvoir toujours apporter des solutions.

Les produits de biocontrôle représentent aujourd'hui 3 % du marché des phytosanitaires. Au passage, je signale que la France est le seul pays à avoir adopté la dénomination de produits de biocontrôle, si bien que nous rencontrons quelques problèmes de cohérence par rapport à la réglementation communautaire. Or les entreprises mettent sur le marché des produits à visée européenne, ce qui est normal quand l'agriculture est encadrée par une même politique.

La faible part de marché des produits de biocontrôle s'explique d'abord par leur diffusion récente. Ensuite, la lutte contre les pucerons par le recours à des larves de coccinelle est une science moins exacte que l'action chimique, qu'elle soit naturelle, à base de cuivre ou de soufre, ou de synthèse. La science doit encore beaucoup progresser dans ce domaine, et c'est pourquoi nous investissons.

Contrairement à ce que j'ai pu entendre, la loi d'avenir pour l'agriculture a mis l'accent sur le biocontrôle. Plus de la moitié des produits dans le périmètre du biocontrôle sont mis sur le marché par des adhérents de l'UIPP. C'est donc un secteur dynamique. Cependant, ces produits ne sont pas utilisables seuls ; ils sont employés en complémentarité, et s'inscrivent dans un programme de traitement. Dans une logique d'utilisation raisonnée, de protection intégrée, l'agriculteur va d'abord observer, mesurer le seuil d'infestation avant de choisir entre produits de biocontrôle, de synthèse ou de chimie naturelle. Les années se suivent sans se ressembler, comparer des indicateurs d'une année sur l'autre n'a pas plus de sens que de comparer l'utilisation d'un médicament en faisant abstraction des conditions sanitaires ou climatiques. En revanche, sur le temps long, l'UIPP a constaté une réduction des tonnages de près 20 % entre 2008 et 2013, date de la mise en place du plan Ecophyto.

Monsieur Potier, je ne souhaite pas entrer dans un débat sur les indicateurs – vous connaissez bien, d'ailleurs, mon avis sur la question. Ce qui serait incitatif pour les agriculteurs, serait d'avoir une mesure de la réduction des risques et des impacts sur l'environnement, d'une part, et des indicateurs de moyens, d'autre part. C'est ce que font tous les autres pays de l'Union européenne. Nous regrettons que la France prenne toujours un chemin différent qui nous met souvent en difficulté dans nos obligations de reporting fixées par les directives européennes. Je ne dis pas que l'indicateur du plan n'a pas de sens, mais la comparaison ne doit pas se faire d'une année sur l'autre. Ce qu'il faut prendre en compte, ce sont les tendances.

Si d'autres indicateurs avaient été retenus pour évaluer les efforts des agriculteurs, on verrait que la France a été la première à mettre en place les bandes enherbées pour protéger l'eau, à contrôler les pulvérisateurs, à organiser la formation des trois-quarts des agriculteurs en cinq ans, à s'engager dans la traçabilité des produits pour les suivre de la fourche à la fourchette, et j'en passe. On parle très rarement de ce qui va bien en France. Il serait pourtant important que les agriculteurs français puissent tirer fierté de leur activité qui, à la fois, répond aux attentes légitimes de la population d'une offre diversifiée et de proximité, et reste orientée vers l'export avec des productions de qualité. C'est en France que les critères d'évaluation de mise sur le marché et d'utilisation des produits sont les plus stricts. Nous avions une longueur d'avance que l'on aurait pu mesurer si le plan Ecophyto avait utilisé les bons indicateurs.

Pour autant, je considère que le plan Ecophyto n'est pas un échec. Beaucoup a été fait, en particulier pour réduire les risques d'exposition des agriculteurs, sujet qui nous préoccupe énormément. Nous avons engagé une démarche industrielle auprès des agriculteurs pour comprendre quels pourraient être les freins au respect des conditions d'emploi des produits indiquées sur les étiquettes et pour leur apporter des solutions pragmatiques, notamment en termes d'équipements de protection.

Les experts qui sont autour de cette table pourraient apporter, je pense, un éclairage sur la distinction entre détection et contamination, dont les lanceurs d'alerte font souvent état sans apporter d'éléments sur les risques encourus par le consommateur ou l'environnement. On est capable aujourd'hui de détecter n'importe quelle substance chimique ou biologique en quantités infinitésimales ; reste à savoir quel en est le risque pour la santé. C'est pourquoi il faut bien faire la distinction entre le danger intrinsèque des substances et celui lié à leur exposition. C'est le fondement de l'évaluation au niveau européen. Partant du principe que l'on doit proposer des produits répondant aux besoins de l'agriculture, la question n'est pas de savoir comment ceux-ci doivent être mis sur le marché, mais de continuer à investir en savoir pour réduire l'exposition.

À cet égard, l'ANSES aurait pu participer à cette table ronde puisque c'est elle qui évalue les produits phytosanitaires. Chaque substance active, chaque produit est réévalué tous les dix ans. S'agissant des sept substances fléchées par l'expertise INSERM, on a demandé à l'ANSES s'il fallait devancer l'évaluation décennale. Elle n'y a pas vu de raison. En plus des nombreuses connaissances disponibles, l'ANSES associe dans ses instances l'ensemble des parties prenantes, chacune apportant son regard sur l'ensemble des risques. Elle met également en ligne tous les avis qui sont donnés sur les produits phytosanitaires. En prévision du transfert dans ses missions des AMM, elle prépare des process qui permettront aux parties prenantes d'intervenir, ce qui garantira la transparence.

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