Intervention de François Veillerette

Réunion du 8 avril 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

François Veillerette, porte-parole et ancien président de Générations Futures :

Je mesure le chemin qui reste à parcourir entre nous, madame Pommaret, à nos différences d'appréciation. La réduction des risques liés à l'usage des pesticides était une préoccupation d'avant 2007. Depuis, il y a eu le Grenelle de l'environnement, les conférences environnementales et deux plans Ecophyto. Puisqu'il a été scientifiquement montré que les effets de certaines molécules peuvent être plus importants à des doses très faibles, ce sont les critères de danger qu'il faut prendre en compte pour exclure des produits. Or on voit bien que les industriels essaient de maintenir sur le marché des molécules qui, à mon sens, n'ont plus rien à y faire.

Je serai assez critique à l'égard de l'autorité européenne de sécurité des aliments. M. Gérard Bapt, qui a géré le dossier du bisphénol A, le sait bien, l'EFSA, se basant sur trois ou quatre études financées par l'industrie et mettant de côté toutes les études universitaires, a toléré des doses admissibles des milliers de fois supérieures à celles que l'ANSES considère comme sûres. Si cette même ANSES a vraiment intégré des éléments qui vont dans le sens de la protection de la santé publique, elle conduit l'évaluation des pesticides sur la base du cahier des charges européen. Puisque celui-ci n'exige pas d'études sur les effets chroniques des spécialités phytosanitaires, elle n'a pas le droit d'exiger des entreprises qu'elles fournissent ces études. Aussi l'évaluation des risques n'est-elle pas du tout satisfaisante.

Je veux, moi aussi, souligner les points positifs. Parmi les solutions qui marchent bien, il y a, en région Picardie, monsieur Jean-Louis Bricout, des réseaux de fermes qui s'appuient à la fois sur l'INRA et les chambres d'agriculture aidées par la région. Ces groupes obtiennent des performances intéressantes du point de vue de la réduction des herbicides et atteignent les objectifs du Grenelle de l'environnement depuis plusieurs années, sans perte de revenu, parfois même avec des revenus en légère augmentation. Si l'on constate des pertes faibles de rendement, la faiblesse des dépenses en intrants divers se traduit par une augmentation de la rentabilité. Rendement et rentabilité sont deux éléments à ne pas confondre.

S'agissant des mycotoxines, je vous renvoie au rapport de 2003 de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) qui a conclu à l'absence de différence notable entre productions biologiques et productions conventionnelles. D'autres études réalisées au plan européen montrent que la présence de mycotoxines est d'abord une question de précédent agricole, de rotation. Cultiver du blé derrière du maïs dans une région où la terre est battante et humide est plus propice aux mycotoxines que de cultiver une légumineuse qui favorisera le drainage du sol. La culture biologique n'engendre pas la prolifération de mycotoxines.

S'agissant des types d'exposition, il importe de les considérer dans leur ensemble, car l'organisme humain ne fait pas la distinction entre les pesticides à usage agricole ou domestique et les autres produits toxiques. Outre la prise en compte de l'exposome, le projet de loi relatif à la santé doit comporter un volet sur la santé environnementale.

Les OGM constituent-ils une solution pour diminuer l'usage des pesticides ? Sachant que 99 % des cultures OGM sont des plantes à pesticides – 75 % environ étant résistantes aux traitements herbicides, presque toutes les autres sécrétant une toxine insecticide –, cela ne semble pas évident. D'ailleurs, dans les pays où l'on cultive des OGM en plein champ, comme l'Argentine, le Brésil ou les États-Unis, on s'aperçoit que l'utilisation de pesticides augmente régulièrement.

M. Gérard Menuel demande si le tonnage est un indicateur pertinent. Dans le plan Ecophyto, l'indicateur de référence est le nombre de doses unités (NODU), qui fait abstraction de la masse utilisée par unité de surface. C'est donc la dépendance aux pesticides des systèmes de culture qui est évaluée. Il existe d'autres indicateurs complémentaires.

La transparence sur les études est un point essentiel. Du point de vue de Générations futures, dans le cadre de la procédure des autorisations de mise sur le marché, les industriels pourraient ne pas divulguer des éléments relevant du secret industriel, comme la composition précise du produit. En revanche, les résultats biologiques obtenus après des tests sur les rats sont des données médicales à fournir à l'ensemble des équipes scientifiques qui doivent pouvoir les expertiser, les critiquer. C'est de cette façon que la science progresse.

M. Olivier Falorni a évoqué la séparation entre le conseil et la vente. Effectivement, il est essentiel que le conseil agricole soit réellement indépendant pour éviter tout conflit d'intérêts. Trop souvent, les pesticides sont présentés comme la solution pour gérer les ennemis des cultures, maladies ou ravageurs. Ils peuvent l'être en dernier recours, après que d'autres solutions agronomiques ont été explorées. C'est d'ailleurs ainsi que procèdent nombre d'agriculteurs. Les rotations, la succession des cultures sur la parcelle, le choix des variétés, la préservation des abords des champs comme refuges pour les insectes utiles permettent déjà de diminuer considérablement les quantités de pesticides. En admettant que l'emploi de pulvérisateurs de dernière génération ou de techniques améliorées contribue à réduire l'utilisation des pesticides de 10 à 15 %, moins 5 % encore avec les produits de biocontrôle, on atteindra difficilement les 25 % si l'on n'explore pas d'abord les voies de l'agronomie. C'est la combinaison de ces différents facteurs qui satisfera la commande publique d'une réduction de 50 %.

Les VrTH sont des plantes tolérantes aux herbicides, c'est-à-dire qu'elles vont engendrer l'utilisation d'herbicides supplémentaires, ce qui ne réglera pas le problème.

Pour finir, d'aucuns considèrent que la France martyrise ses agriculteurs avec sa réglementation exigeante en matière de produits phytosanitaires. Mais les contraintes sont avant tout européennes, et elles sont les mêmes pour toute la zone où nous nous trouvons. On ne peut pas dire que l'on ne prend pas en compte les intérêts des agriculteurs français, le premier étant leur santé et celle de la population. Les agriculteurs qui sont déjà engagés dans les alternatives montrent que cela fonctionne ; ils sont l'exemple à suivre.

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