Pour ma part, en tant qu'agriculteur biologique, j'utilise des produits de biocontrôle seuls, et non en complément de la chimie comme l'indiquait Mme Pommaret.
Certains députés ont regretté l'absence des grands syndicats agricoles ; je remarque que les semenciers auraient pu également être présents. S'ils ne fournissent pas de variétés suffisamment résistantes aux divers parasites – maladies ou insectes –, on aura du mal à réduire l'utilisation des pesticides. Il est regrettable que la sélection variétale n'ait pas progressé dans la voie de la performance. À la décharge des semenciers, ils n'ont fait que suivre le modèle agricole qui a développé une logique de rendement par les pesticides plutôt que par l'acquisition de variétés plus résistantes.
On peut effectivement s'interroger sur l'efficacité des néonicotinoïdes. Pour avoir travaillé pendant dix ans comme ingénieur de recherche sur les traitements de semences pour le compte de Cargill et Monsanto, je peux vous dire que les agriculteurs n'ont pas l'impression d'avoir une nouveauté s'ils n'achètent pas des semences traitées. Il faut dire qu'ils y ont longtemps été incités, ce qui rend aujourd'hui extrêmement difficile pour un semencier de vendre des semences non traitées. Il faut donc changer les mentalités. Je suis agriculteur biologique depuis maintenant quinze ans. Je n'utilise plus aucun produit de traitement de semences, et je n'ai jamais eu d'accident. Je ne dis pas que le risque n'existe pas, mais il est si faible qu'il ne justifie pas l'utilisation des produits de traitement de semences.
Le problème soulevé par M. Olivier Falorni de la séparation entre le conseil et la vente est indéniable. Il fut un temps où les agriculteurs étaient organisés, d'un côté, en coopératives de collecte pour valoriser leurs récoltes, d'un autre côté, en coopératives d'achats. Les entités et les opérations économiques étaient bien séparées. Aujourd'hui, les deux types de coopératives ont fusionné. Lorsque le marché des céréales baisse, la coopérative prend une marge très faible sur la collecte pour montrer à l'agriculteur qu'elle le rémunère au maximum de ce qu'elle peut, mais pour équilibrer ses comptes, elle est obligée de faire une marge sur l'approvisionnement, et elle se rattrape en vendant davantage de produits.
M. Jean-Marie Sermier a dénigré l'agriculture biologique en évoquant le cas d'une production nulle en 2013 et 2014. Pourtant, on observe depuis quelques années un très fort développement de l'agriculture biologique. Si les exploitants ne récoltaient rien chaque année, cette forme d'agriculture disparaîtrait. À l'inverse, il arrive qu'on ne puisse rien produire en agriculture conventionnelle. À cause d'un problème de résistance aux sulfonylurées, un herbicide contre les graminées, mon voisin a dû mettre en jachère un champ de dix hectares qu'il exploitait selon une rotation colza-blé-blé ou colza-blé-orge, un système qui implique un retour relativement rapide des mêmes cultures, donc des mêmes herbicides. Au final, le ray-grass est devenu résistant à l'herbicide, rendant le champ incultivable. Non seulement l'agriculture biologique se développe, mais c'est un modèle qui marche. Un grand nombre d'exploitations en agriculture biologique sont extrêmement viables et compétitives.
Le coût du matériel agricole est une donnée importante. Si l'on veut modifier les pratiques, il faut envisager un système de mutualisation. En mode conventionnel, on ne peut pas à la fois avoir du matériel pour désherber chimiquement et du matériel pour désherber mécaniquement. Le développement de synergies entre agriculteurs permettrait de développer les techniques utiles à la réduction de l'utilisation des herbicides. C'est ainsi qu'un de mes voisins agriculteur conventionnel emprunte régulièrement ma bineuse pour désherber ses betteraves.
Un autre changement à introduire chez les agriculteurs est la référence au rendement. Le réseau DEPHY ne se développe pas davantage parce que le résultat économique n'est pas encore le critère de valeur sur une ferme. Quand deux agriculteurs se rencontrent, ils comparent leurs rendements, pas leur résultat économique.