Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 15 avril 2015 à 15h00
Renseignement — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Voilà pour le contrôle de responsabilité désormais exercé par le Parlement par l’intermédiaire de la délégation parlementaire au renseignement.

En juillet 2014, le Gouvernement a créé un outil qui manquait à l’État : une inspection du renseignement, comme il existe une inspection générale des finances, un contrôle général des armées ou une inspection générale de la police nationale. Jusqu’ici l’État ne disposait pas d’outil hiérarchique lui permettant de s’assurer du bon fonctionnement des services de renseignement. L’inspection du renseignement a été créée à cette fin.

Ce n’est pas un corps supplémentaire, puisqu’il s’agit de fonctionnaires appartenant à différents corps de contrôle de l’État, habilités à mener des audits et des investigations dans ce domaine. Le Premier ministre a annoncé lundi que la première mission de l’inspection du renseignement avait été lancée et qu’elle rendrait ses travaux avant l’été. Naturellement, la délégation parlementaire au renseignement y aura accès une fois ce travail achevé.

Pour compléter le contrôle hiérarchique assuré par l’inspection du renseignement et le contrôle parlementaire assuré par la délégation parlementaire au renseignement, il manquait un dernier élément : le contrôle de légalité, qui vérifie la proportionnalité du recours aux techniques de renseignement par les différents services de renseignement. C’est le rôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Sa composition a fait l’objet d’un long débat au sein de la délégation parlementaire au renseignement – à laquelle participent Jacques Myard, Philippe Nauche et Patricia Adam pour l’Assemblée nationale – notamment en ce qui concerne l’articulation entre cette nouvelle structure et la DPR.

Nous avions aussi l’exemple d’un système plutôt abouti, celui de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, créée en 1991, la CNCIS. L’assemblée plénière de la CNCIS est composée d’un magistrat, alternativement de la Cour de cassation et du Conseil d’État – il s’agit aujourd’hui de Jean-Marie Delarue, issu du Conseil d’État, qui s’est abondamment exprimé sur ce projet de loi avant le travail de la commission – et de deux parlementaires. Le Sénat y est aujourd’hui représenté par François-Noël Buffet et j’ai le privilège de représenter l’Assemblée nationale durant cette législature. Avant moi, Daniel Vaillant avait siégé dans cette structure, et avant lui Bernard Derosier, Henri Cuq, Jean-Michel Boucheron. Le Gouvernement a estimé que la composition de la nouvelle structure devait s’inspirer de ce dispositif tout en l’élargissant.

À titre personnel, je considère que les parlementaires n’ont rien à faire dans la nouvelle structure, justement parce que nous exerçons déjà un tel pouvoir de contrôle via la délégation parlementaire au renseignement. Cependant l’amendement que j’ai défendu en ce sens a été repoussé par la commission et je ne l’ai pas redéposé.

Je n’ai d’ailleurs déposé quasiment aucun amendement de fond. C’est que je considère que si le rôle du rapporteur est de défendre ses convictions devant la commission, une fois que la commission a tranché, il n’y a plus d’opinion du rapporteur : il n’y a plus que l’opinion de la commission. Les seuls amendements que j’ai déposés sont les amendements rédactionnels dont vous avez pu mesurer la portée sémantique hier, sur des questions de ponctuation ou de vocabulaire. Je n’ai déposé que deux amendements de fond, l’un relatif aux lanceurs d’alerte et le second sur le droit de communication entre administrations, visant à supprimer le risque d’interprétation a contrario d’une disposition adoptée hier par l’Assemblée nationale.

La commission des lois a donc à mon initiative émis un avis défavorable aux amendements de nos collègues Jacques Myard et Lionel Tardy et a soutenu toutes les propositions visant à assurer la présence de parlementaires au sein de la CNCTR. La délégation parlementaire au renseignement souhaite aussi que la CNCTR compte des parlementaires.

Les différents amendements que vous allez examiner ensuite constituent un long catalogue de propositions couvrant un champ assez vaste. Sergio Coronado va nous proposer de diviser par deux le nombre de parlementaires pour ne retenir qu’un député et un sénateur, l’un des deux devant naturellement être de l’opposition. Éric Ciotti va au contraire nous proposer de renforcer le poids de la représentation parlementaire, en passant à six parlementaires, trois députés et trois sénateurs, contre quatre dans le texte du Gouvernement. Pascal Cherki va nous proposer d’aller encore plus loin en prévoyant un parlementaire pour chaque groupe politique de l’Assemblée nationale et du Sénat. Et si notre collègue Bompard accepte de participer à nos débats, il proposera de remplacer les parlementaires par deux des chefs de corps des trois armées et deux chefs d’état-major des armées – je ne vois pas bien pourquoi ils sont ainsi mis dans la même catégorie que les parlementaires. Quoi qu’il en soit, un tel éventail de proposition devrait vous permettre de construire votre jugement.

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