Intervention de Yves Censi

Séance en hémicycle du 6 décembre 2012 à 9h30
Mieux protéger les indications géographiques et les noms des collectivités territoriales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Censi :

C'est dommage parce que nous abordons ici un très beau sujet avec un dispositif attendu depuis longtemps dans notre pays par des artisans, des industriels et bien sûr des consommateurs.

Tous sont attachés à deux choses essentielles : d'abord préserver l'héritage culturel et artisanal de nos terroirs et faire en sorte qu'il ne soit pas victime du pillage, de la dilution et de l'uniformisation ; ensuite, parce que c'est l'avenir qui nous intéresse : se donner les moyens d'innover et de transmettre aux générations futures nos savoir-faire artisanaux, les capacités de création issues de nos terroirs et bien sûr l'esprit d'excellence qui lui est associé.

Ce dispositif, sur le plan législatif, est simple. Il s'attache non seulement à la protection de l'artisanat, du savoir-faire de notre pays et de ses traditions mais il institue également une protection du nom des collectivités locales, et notamment des communes, en consacrant l'indisponibilité de leur dénomination.

En étendant la notion d'indication géographique protégée aux produits autres qu'alimentaires, ce texte permettra de valoriser l'industrie et l'artisanat de nos terroirs et de renforcer la protection et l'information des consommateurs qui sont attachés à l'authenticité et à la qualité de ce qu'ils achètent.

À travers ce dispositif, il s'agit de promouvoir une consommation de qualité en protégeant l'origine géographique des produits industriels et artisanaux.

Les artisans de toutes les régions de France réclament depuis de nombreuses années le droit de bénéficier du système en vigueur dans le secteur alimentaire.

Plusieurs rapports recommandent la mise en place d'un cadre juridique reconnaissant les IGP dans le secteur des produits manufacturés.

Le droit international permet une telle protection en prévoyant que les États peuvent instituer une protection pour des produits lorsque leur qualité, leur réputation ou autre caractéristique est attribuée essentiellement à leur origine géographique. Il est notamment incontestable qu'un produit qui porte le nom d'un terroir français tire sa valeur de l'histoire et de la réputation de ce même terroir.

Bien qu'il n'existe pas d'harmonisation communautaire sur ce sujet, madame la ministre, le droit européen n'y fait pas pour autant obstacle. Le traité instituant la Communauté européenne autorise les États membres à mettre en place une protection nationale pour les dénominations justifiée par la protection de la propriété commerciale.

Aussi, il nous est tout à fait possible de proposer un dispositif national de reconnaissance et de protection des indications géographiques assez simple.

Il repose d'abord sur une définition de l'IGP : il s'agit du nom d'une région ou d'un lieu permettant de désigner le produit qui y est fabriqué et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées au lieu en question.

Il repose ensuite sur une procédure de reconnaissance avec l'homologation par décret – madame la ministre, quoi de plus normal ? – d'un cahier des charges, qui définit la zone de production, les caractéristiques du produit ou son modèle de fabrication et enfin les modalités de contrôle du respect de ce cahier des charges.

Comme l'a rappelé Daniel Fasquelle, cette proposition de loi reprend pour partie certaines dispositions du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs qui n'a malheureusement pas pu aller au terme de son processus législatif sous l'ancienne mandature.

Par ailleurs, ce texte prévoit que les produits bénéficiant d'une IGP pourront utiliser la dénomination de cette appellation nonobstant l'existence du droit d'un tiers sur la marque. Cette disposition permet d'articuler le droit des marques avec les nouvelles IGP. Il est tout à fait normal qu'il y ait un rebondissement de l'un à l'autre.

Le but visé est clair : il ne faut pas que les personnes bénéficiant d'un droit sur une marque puissent bloquer la possibilité d'exploiter une IGP. Je ne donnerai qu'un exemple, qui a déjà été cité : celui de la marque Laguiole, détenue par un particulier qui en assure l'exploitation commerciale.

La commune de Laguiole est dans ma circonscription. Le code de la propriété intellectuelle prévoit qu'il n'est pas possible de déposer une marque nouvelle lorsque celle-ci porte atteinte à des droits antérieurs conférés par une appellation d'origine. Dès lors, les artisans et industriels installés dans le secteur de production et respectant le cahier des charges de l'IGP pourraient, en l'état actuel du droit, être empêchés d'employer ce nom sous prétexte qu'il existe une marque déposée. Les couteliers de Laguiole ne pourraient pas créer une IGP « Laguiole », une entreprise s'étant déjà approprié ce nom par le biais d'une marque.

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