La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
La parole est à M. Daniel Fasquelle, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, mes chers collègues, en ce jour de la Saint Nicolas, particulièrement symbolique puisque le nom de cette fête est au coeur d'une polémique à la suite de son dépôt en tant que marque commerciale,la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter concerne deux sujets distincts : d'une part, les indications géographiques appliquées aux produits artisanaux et manufacturiers, et, d'autre part, la protection des dénominations des collectivités territoriales. Ces questions sont connexes et s'inscrivent dans une même perspective, celle de renforcer la reconnaissance des savoir-faire des entreprises françaises en s'appuyant sur les identifiants forts pour les produits que sont les noms des collectivités territoriales, lesquels permettent une identification à un territoire, à une histoire ou à une renommée.
Tout se passe en effet comme si la mondialisation de l'économie et de la concurrence avait pour corollaire une appétence accrue des consommateurs pour la proximité, pour le local, l'identification des produits à leur origine et l'authenticité. Ces tendances peuvent s'analyser comme autant de défenses à l'encontre de l'uniformisation du marché global qui ne permet plus d'attacher un produit à un territoire, une entité géographique. La commission des affaires économiques a eu maintes occasions de dresser ce constat en traitant, par exemple, des droits de plantation, des couteaux Laguiole – à propos desquels nous avons procédé à une audition encore récemment – ou de l'AOC « gruyère ». Les vides juridiques sont bien identifiés et il est temps, désormais, d'y apporter remède.
Le texte que je vous présente s'inspire largement des débats que nous avons menés lors de l'examen, en 2011, du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, et dont j'étais le rapporteur. Il comportait un article relatif aux indications géographiques des produits non alimentaires, et la commission avait également adopté, à mon initiative et à celle de Christian Jacob, un amendement visant à mieux protéger les noms des collectivités territoriales des usages dévoyés ou déloyaux. Ce projet de loi n'ayant malheureusement pu aboutir, je vous propose aujourd'hui de revenir sur ces importantes questions qui concernent la plupart d'entre nous en abordant les différents articles de la proposition de loi. Celle-ci reprend également des préconisations de notre collègue Yves Censi, qui a largement contribué à alimenter le débat lors de l'examen du projet de loi en 2011. J'ai été amené, au fil des auditions et de mes réflexions, à modifier et à améliorer la proposition initiale. C'est pourquoi j'ai déposé plusieurs amendements, co-signés par Yves Censi, pour préciser, compléter et restructurer le texte.
En ce qui concerne tout d'abord la création d'indications géographiques protégées en faveur des produits artisanaux ou manufacturiers, il s'agit pour notre pays d'être précurseur tout en s'inscrivant dans un cadre européen. Le droit positif comporte en effet depuis fort longtemps un système de protection des produits alimentaires sous la forme des appellations d'origine définies à l'article L.115-1 du code de la consommation : ce sont les AOC. Mais, même si cet article n'exclut pas formellement les produits autres qu'alimentaires, la pratique, qui exige un lien fort entre terroir et savoir-faire, a conduit à ce que l'immense majorité des produits AOC soit des produits alimentaires. Il existe, certes, quelques contre-exemples tels que la dentelle du Puy, les mouchoirs et toiles de Cholet, la poterie de Vallauris, les émaux de Limoges et le monoï de Tahiti, mais il s'agit d'AOC très anciennes et les conditions actuelles de fabrication ne permettent plus aux produits artisanaux de satisfaire aux critères des AOC. Le droit européen, quant à lui, prévoit deux modes de protection de l'indication géographique des produits alimentaires : l'appellation d'origine protégée – AOP –, qui garantit un très fort lien avec le terroir et qui est l'équivalent de l'AOC française ; l'indication géographique protégée – IGP –, qui garantit un lien avec l'origine au moins à l'un des stades de la production, de la transformation ou de l'élaboration. La volonté européenne d'étendre la catégorie des IGP aux produits non alimentaires existe, des études préparatoires en ce sens ont été réalisées. Mais cette volonté n'a pas encore débouché sur un texte, et ce ne sera pas le cas avant plusieurs mois.
L'objet de l'article 1er de la proposition de loi est donc de reprendre le texte du projet de loi voté en 2011 en première lecture. Ainsi, il prévoit une procédure d'homologation par décret d'un cahier des charges rédigé à l'initiative des producteurs qui indique le nom du produit, délimite l'aire géographique, définit la qualité, la réputation ou les autres caractéristiques qui peuvent être attribuées à cette origine géographique, et précise les modalités de production, de transformation, d'élaboration ou de fabrication qui ont lieu dans cette aire géographique ainsi que les modalités de contrôle des produits. J'indique au passage, puisque j'ai été interpellé en commission par Mme Marie-Lou Marcel à ce sujet, que le Fonds monétaire international a déploré, fin janvier 2011, le retard pris par ce projet de loi qu'il estimait bénéfique pour la concurrence dans les services et qui comportait de nombreuses avancées en matière de commerce, d'énergie, de télécommunications et de logement.
Je me suis inspiré de cette remarque du FMI pour adresser une question écrite au Gouvernement lui demandant de hâter l'examen du projet de loi en deuxième lecture par notre Assemblée. Il s'agissait en effet d'un texte important pour nos concitoyens. Oui, la création d'IGP pour les produits non alimentaires est une avancée, et ce n'est sans doute pas M. Hamon, ministre en charge de la consommation que nous avons auditionné en commission, qui me contredira alors qu'il prépare un texte sur le sujet. Mme Pinel ici présente, ministre du tourisme, sera également, je le sais, convaincue de la pertinence de cette proposition de loi qui renforcera l'attractivité touristique de notre beau pays. Mais que de retard pris depuis que notre Assemblée traite ces questions alors qu'il y a urgence, mes chers collègues !
Le texte prévoit l'articulation entre une marque et une IGP portant sur une même dénomination, les deux dispositifs pouvant coexister, conformément aux principes du droit international en la matière. Ainsi, il pourrait exister une IGP pour les couteaux Laguiole qui ne remettrait pas en cause la marque actuellement déposée, mais ne se heurterait pas non plus à la prééminence actuelle du droit des marques. Bien entendu, la définition du cahier des charges sera fondamentale pour permettre l'identification des modes de fabrication et les exigences de qualité requises. À la suite du débat en commission, je souhaite insister sur plusieurs points : oui, j'ai tenu compte des avancées issues du Sénat en prévoyant que l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation d'un signe similaire comme appellation d'origine ou comme indication géographique ; oui, je préconise de s'appuyer sur les compétences de la DGCCRF pour gérer ces nouvelles IGP ; non, contrairement à ce que j'ai entendu à plusieurs reprises, ce texte ne laisse pas à l'État l'entière responsabilité de décider de l'opportunité de créer une IGP ! Conformément à l'esprit du projet de 2011, ce sont les producteurs souhaitant s'engager dans une telle démarche ou leur fédération professionnelle qui seront à l'origine et élaboreront les cahiers des charges. J'ajoute que ces documents devront s'attacher à un ensemble de critères à la fois historiques, économiques et industriels afin de coller à la réalité économique de nos territoires et de préserver leur histoire, comme l'a souligné, à juste titre et à plusieurs reprises, notre collègue André Chassaigne.
Le second volet de la proposition de loi concerne la protection des dénominations des collectivités territoriales à l'égard des marques commerciales. On constate en effet que la notoriété de certaines communes – Paris, Courchevel, Saint-Tropez et beaucoup d'autres – peut être utilisée par des entreprises implantées dans d'autres régions ou par des entreprises locales dans un sens contraire aux intérêts et à l'image de la collectivité – c'est le cas de l'affaire Saint-Nicolas –, voire par une autre collectivité – le maire du Touquet-Paris-Plage que je suis ne peut que se plaindre de la façon dont Paris a utilisé la dénomination « Paris-Plage » alors que nous étions déjà Paris-Plage il y a exactement un siècle.
Le texte de la proposition prévoit, pour éviter de tels conflits à l'avenir, une procédure d'information de la collectivité territoriale dès lors que sa dénomination est utilisée à des fins commerciales. Cette information lui permettra de faire, le cas échéant, opposition à l'enregistrement d'une marque auprès de l'INPI. Il ne s'agira pas pour la collectivité territoriale concernée d'un pouvoir discrétionnaire de refuser telle ou telle marque, mais bien de faire efficacement valoir les droits dont elle dispose au titre du droit de la propriété intellectuelle. Il ne s'agit pas de réécrire celui-ci mais de permettre aux collectivités de bénéficier pleinement de tous les avantages qu'il offre. Ainsi, l'opposition ne sera recevable que si la marque contrevient aux dispositions figurant aux articles L.711-2 à L.711-4 du code de la propriété intellectuelle. Les collectivités devront donc démontrer l'atteinte à leur nom, à leur image ou à leur notoriété. L'obligation d'information leur permettra d'intervenir beaucoup plus rapidement qu'aujourd'hui.
Par ailleurs, je souhaite mettre en valeur le dispositif de l'article 3 de la proposition, qui concerne l'usage exclusif par les collectivités territoriales de leur dénomination dans le cadre de leurs missions de service public. Il s'agit d'inscrire dans la loi un principe dégagé par la jurisprudence et de lui donner une meilleure visibilité en le plaçant en tête des dispositions relatives à la protection des dénominations. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens, qui ne peut que faire consensus dans cet hémicycle.
Enfin, pour compléter l'arsenal protecteur du nom des collectivités territoriales, je propose par amendement de créer à leur bénéfice une présomption de marque collective pour leur dénomination. Ce serait une nouveauté et une avancée. Elles pourront s'en prévaloir dès lors qu'elles auront adopté un règlement d'usage mentionné à l'article L.715-1 du code de la propriété intellectuelle. Cette disposition pourrait s'avérer d'une grande utilité pratique pour les collectivités qui souhaitent avoir une démarche proactive de l'utilisation de leur nom et de leurs signes distinctifs. Le principe essentiel gouvernant l'usage d'une telle marque réside dans le fait qu'elle pourra être utilisée par tout professionnel qui fournira des produits ou services répondant aux exigences imposées par le règlement d'usage. Bien entendu, une telle démarche ne pourra aboutir qu'en présence d'un consensus entre les différents acteurs économiques locaux, mais l'instauration d'une présomption de marque collective devrait simplifier la démarche des collectivités territoriales et des entreprises.
Voilà, mes chers collègues, un texte très attendu par tous les élus locaux soucieux de préserver les intérêts légitimes de leur collectivité face aux pratiques de parasitisme ou de captation d'une image ou d'une réputation reposant sur un savoir-faire et des compétences spécifiques. Les enjeux, vous l'avez compris, dépassent largement les clivages politiques traditionnels, et je pense avoir, en commission, répondu à toutes les objections et dissipé toutes les craintes. Il y a urgence. Le texte que nous vous proposons est un texte de consensus autour duquel j'espère que l'on se retrouvera ce matin.
La parole est à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je me réjouis de voir que l'Assemblée nationale se saisit de cette question importante. Je suis convaincue que l'objectif d'une proposition de loi visant à mieux protéger les indications géographiques et les noms des collectivités territoriales suscite un consensus entre opposition et majorité sur la nécessité de faire évoluer la réglementation. En effet, si un système de protection des produits alimentaires existe au niveau national et au niveau européen, les produits non alimentaires et manufacturés, à l'inverse, ne bénéficient pas d'une protection adaptée. Pourtant, l'information des consommateurs sur les produits qu'ils achètent est essentielle.
Or un certain nombre de produits que nous associons spontanément à un territoire en raison de la marque qui leur est apposée sont en réalité fabriqués ailleurs, alors même que les produits réellement fabriqués sur le territoire ne bénéficient pas d'une reconnaissance suffisante. Le cas de Laguiole est évidemment emblématique, et c'est la raison pour laquelle je m'y suis rendue il y a quelques semaines. Mais de nombreux autres noms géographiques associés à des produits ont aujourd'hui perdu le lien avec le territoire dont ils sont originaires. Les consommateurs sont trompés par l'utilisation d'indications géographiques fausses sur des produits qui ne sont ni fabriqués, ni originaires d'un territoire dont ils se revendiquent. De nombreux professionnels, attachés à l'authenticité et à la qualité de leurs produits, se sentent également désarmés face à ce type de concurrence. Enfin, les territoires peuvent subir une atteinte à leur image en raison de l'utilisation malveillante de leurs noms ou signes distinctifs : ce ne sont pas que les appellations des produits que nous devons protéger, mais également les noms des communes et des collectivités territoriales, l'exemple de Laguiole le démontre. Ce qui est arrivé en Aveyron, et notamment l'incapacité d'une petite commune à se prémunir d'une appropriation de son nom à des fins commerciales, justifie que des mesures de protection soient introduites et ces mesures doivent être coordonnées avec le droit des marques.
C'est donc une question essentielle sur laquelle je me suis mobilisée très rapidement pour y apporter des solutions. Le Gouvernement agit pour le redressement économique, industriel et productif du pays. Nous souhaitons protéger nos savoir-faire, notre production française.
Il nous faut donc nous donner les moyens de notre ambition. Nous devons absolument éviter que d'autres productions remarquables se trouvent dans la situation de celles des entreprises de Laguiole. Il existe des solutions pour éviter ces dérives. Je partage le diagnostic présenté dans cette proposition de loi : le texte pose une vraie question, je me permets d'insister sur ce point.
Toutefois, la proposition de loi présentée par Daniel Fasquelle et plusieurs de ses collègues ne me semble pas suffisamment mûrie pour être adopté aujourd'hui et cela pour trois raisons.
Tout d'abord, les dispositions envisagées ne sont pas suffisamment précises pour être efficaces.
La proposition telle qu'elle est rédigée est source de confusion puisqu'elle alterne dans le code de la consommation les dispositions relatives aux appellations d'origine et aux indications géographiques alors que leurs régimes juridiques varient en partie.
Elle est également incomplète et trop imprécise sur plusieurs points. Le texte introduit un cahier des charges sans définir qui a la charge de sa constitution, de son dépôt.
Le texte ne mentionne pas l'organisme en charge de la gestion des indications géographiques et du contrôle du respect du cahier des charges. Même si l'exposé des motifs mentionne l'Institut national de l'origine et de la qualité, le texte ne précise pas s'il en a la charge ou pas.
Le financement du dispositif n'est pas assuré.
Ensuite, le choix de définir chaque indication géographique par décret constitue une procédure lourde et laisse à l'État l'entière responsabilité de décider de l'opportunité de créer une indication géographique.
Les professionnels concernés ne sont donc associés qu'à la marge. Je souhaite que les professionnels puissent être associés dès le début de la procédure.
Cela se fait en matière alimentaire via les organismes de défense et de gestion, qui portent la demande de reconnaissance et participent à son suivi.
Je vous ai écouté, monsieur le rapporteur, dans le silence. Je souhaiterais la réciproque. Quant à vous, monsieur Censi, je vous écouterai tout à l'heure avec attention.
Je connais, monsieur le député, les règles de l'Assemblée nationale !
De quel groupe êtes-vous déjà, monsieur Censi, de l'UMP canal historique ?
Au-delà du texte lui-même, la proposition ne tient pas compte de l'environnement européen dans lequel elle s'inscrit. En effet, une réflexion est actuellement en cours à la Commission européenne et je souhaite, comme j'ai eu l'occasion de le dire il y a quelques semaines à Michel Barnier, que nous agissions en coordination avec les décisions de la direction générale du marché intérieur sur ce sujet.
La France doit jouer un rôle moteur, afin de donner un signal fort à la Commission européenne sur la nécessité de légiférer le plus rapidement possible. Pour cela, il faut échanger avec elle, prendre une initiative, mais également rechercher un accord a priori de la Commission, pour éviter que cette mesure ne soit remise en cause a posteriori.
Cela demande un peu de temps, et ne peut se faire via cette proposition de loi sans concertation et sans étude d'impact.
Je souhaite agir vite, sans attendre le texte lui-même, mais en prenant tout de même le temps de l'échange.
Je souhaite également mieux nous coordonner avec nos voisins européens qui partagent comme nous la volonté de protéger certains de leurs atouts et certaines de leurs productions de qualité.
Pour conclure, si cette proposition de loi pose une question intéressante, les solutions qu'elle envisage sont limitées, incomplètes et trop imprécises pour être réellement utiles à nos entreprises.
Je considère en effet qu'un tel dispositif, pour être pertinent et efficace, doit s'intégrer dans un texte plus global.
C'est pourquoi le Gouvernement va très prochainement, dans le cadre du projet de loi sur la consommation actuellement en préparation et prévu pour le premier semestre 2013, proposer au Parlement un texte complet et sécurisé sur le plan juridique.
L'introduction d'indications géographiques protégées pour les produits manufacturés constitue une garantie de transparence sur les produits pour les consommateurs et justifie pleinement l'intégration de cette mesure dans le projet de loi gouvernemental sur la consommation, préparé par mon collègue Benoît Hamon.
C'est un sujet auquel je suis particulièrement attachée. Le Gouvernement travaille à maintenir la vitalité économique des territoires, notamment en ce qui concerne le renforcement des commerces et des entreprises artisanales. Nous devons mettre en valeur nos savoir-faire artisanaux français ; ils s'inscrivent pleinement dans le projet du Gouvernement de renforcer la marque « France ».
La France doit se doter d'un outil fédérateur au service de la compétitivité des entreprises, d'une référence qui nous permette de promouvoir le fabriqué en France, l'excellence française, la richesse de notre industrie et de nos territoires, qui soit un véritable outil à l'export et un atout pour l'attractivité économique et touristique de la France. C'est bien tout cela qui est à l'origine de la stratégie de la marque « France ».
Je souhaite donc également que ces nouvelles indications géographiques protégées s'inscrivent dans cette démarche. Cela nous permettra de développer un aménagement du territoire axé sur l'emploi local et les productions associées aux terroirs.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite continuer à travailler sur cette question avec tous les parlementaires intéressés mais ne peut accepter en l'état cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, vous connaissez mon attachement aux propositions de loi et à la capacité que les parlementaires doivent avoir de faire des propositions sans forcément attendre que le Gouvernement prenne des initiatives. Je veux saluer tous ceux qui travaillent sur des textes de cette manière parce que, en effet, nous avons ce droit et nous avons raison de l'utiliser.
Pour autant, dans le contexte de cette journée, M. le rapporteur a oublié de préciser à la fin de son intervention que la commission n'avait pas adopté le texte qu'il porte. En qualité de président de la commission, je me permets de le dire et d'en donner les raisons.
Tout d'abord, monsieur le rapporteur, je veux saluer le travail important que vous avez fourni parce que cela fait plusieurs années que nous parlons de ce sujet dans cette assemblée. Cette préoccupation nous rassemble, c'est incontestable. Le sujet n'est pas forcément aussi facile que cela à traiter parce que nous n'avons pas encore mesuré complètement sa dimension européenne qui vous est chère, monsieur le rapporteur. La situation en cette matière est parfois un peu fluctuante. La France est très en pointe sur ces questions, mais il faut quand même sécuriser certains aspects.
Par ailleurs, la réflexion menée en commission a montré – je pense notamment aux interventions de notre collègue André Chassaigne – que le périmètre d'application de ces questions n'est pas toujours aussi stabilisé que nous voulons bien le dire entre nous. Le débat que j'ai organisé sur la marque Laguiole ou sur les châteaux qui sont des domaines viticoles a démontré que nous avons encore besoin de travailler pour pouvoir être unanimement en accord et totalement en conformité avec les textes européens.
Cette contribution de nos collègues, dont vous êtes le premier signataire, monsieur Fasquelle, est extrêmement importante et sérieuse. Ce n'est pas une simple proposition de loi d'appel, mais vous êtes allé au fond des choses le plus possible, en l'état actuel de la connaissance du sujet. Cela étant, nous avons de prolonger la concertation et de veiller à la bonne articulation avec le droit européen.
À l'inverse de ce qui a pu se passer sous l'ancienne majorité – je salue la présence de M. Jacob – le Gouvernement que nous soutenons va proposer un texte, porté par M. Hamon, qui ira jusqu'au bout et sera soumis à notre vote.
Nous, l'ancienne opposition, nous ne sommes pour rien dans le fait que le texte présenté par M. Lefebvre, qui comportait énormément de bonnes choses et nous a permis d'avoir des débats souvent consensuels sur beaucoup de questions et pas seulement sur celle des appellations – a été un peu mort-né. S'il n'est pas allé au bout, on ne peut pas en faire le reproche à l'actuelle majorité.
M. Hamon est venu devant la commission nous le confirmer : ce Gouvernement portera un texte qui traitera de cette question de façon globale, certains aspects étant notamment liés à l'information et la protection des consommateurs. Le sujet dont vous traitez y trouvera une meilleure place et sera beaucoup plus mature à ce moment-là.
S'il ne s'agit en aucun cas de décrédibiliser ou de rejeter d'un revers de main le travail extrêmement sérieux qui est présenté aujourd'hui, il va falloir remettre l'ouvrage sur le métier dans quelques semaines. Un peu de patience, monsieur Fasquelle. Dans quelques mois, je n'en doute pas, si votre contribution n'est pas couronnée de succès, elle vous vaudra au moins un hommage pour la pierre que vous aurez apportée à l'édifice.
Cependant, pour les raisons que je viens de donner, notre majorité ne votera pas pour votre texte : nous n'en sommes qu'à une étape du processus.
Après vous avoir écoutée, madame la ministre, me revient l'adage : quand on veut noyer son chien, on l'accuse de la rage.
Monsieur Brottes, j'allais vous rendre hommage : je préfère le ton que vous avez employé pour dire combien vous respectez le travail de la commission et de cette assemblée à la tonalité quelque peu méprisante de Mme la ministre sur le travail effectué dans le cadre de cette proposition de loi.
Vous ne m'avez pas écoutée !
C'est dommage parce que nous abordons ici un très beau sujet avec un dispositif attendu depuis longtemps dans notre pays par des artisans, des industriels et bien sûr des consommateurs.
Tous sont attachés à deux choses essentielles : d'abord préserver l'héritage culturel et artisanal de nos terroirs et faire en sorte qu'il ne soit pas victime du pillage, de la dilution et de l'uniformisation ; ensuite, parce que c'est l'avenir qui nous intéresse : se donner les moyens d'innover et de transmettre aux générations futures nos savoir-faire artisanaux, les capacités de création issues de nos terroirs et bien sûr l'esprit d'excellence qui lui est associé.
Ce dispositif, sur le plan législatif, est simple. Il s'attache non seulement à la protection de l'artisanat, du savoir-faire de notre pays et de ses traditions mais il institue également une protection du nom des collectivités locales, et notamment des communes, en consacrant l'indisponibilité de leur dénomination.
En étendant la notion d'indication géographique protégée aux produits autres qu'alimentaires, ce texte permettra de valoriser l'industrie et l'artisanat de nos terroirs et de renforcer la protection et l'information des consommateurs qui sont attachés à l'authenticité et à la qualité de ce qu'ils achètent.
À travers ce dispositif, il s'agit de promouvoir une consommation de qualité en protégeant l'origine géographique des produits industriels et artisanaux.
Les artisans de toutes les régions de France réclament depuis de nombreuses années le droit de bénéficier du système en vigueur dans le secteur alimentaire.
Plusieurs rapports recommandent la mise en place d'un cadre juridique reconnaissant les IGP dans le secteur des produits manufacturés.
Le droit international permet une telle protection en prévoyant que les États peuvent instituer une protection pour des produits lorsque leur qualité, leur réputation ou autre caractéristique est attribuée essentiellement à leur origine géographique. Il est notamment incontestable qu'un produit qui porte le nom d'un terroir français tire sa valeur de l'histoire et de la réputation de ce même terroir.
Bien qu'il n'existe pas d'harmonisation communautaire sur ce sujet, madame la ministre, le droit européen n'y fait pas pour autant obstacle. Le traité instituant la Communauté européenne autorise les États membres à mettre en place une protection nationale pour les dénominations justifiée par la protection de la propriété commerciale.
Aussi, il nous est tout à fait possible de proposer un dispositif national de reconnaissance et de protection des indications géographiques assez simple.
Il repose d'abord sur une définition de l'IGP : il s'agit du nom d'une région ou d'un lieu permettant de désigner le produit qui y est fabriqué et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées au lieu en question.
Il repose ensuite sur une procédure de reconnaissance avec l'homologation par décret – madame la ministre, quoi de plus normal ? – d'un cahier des charges, qui définit la zone de production, les caractéristiques du produit ou son modèle de fabrication et enfin les modalités de contrôle du respect de ce cahier des charges.
Comme l'a rappelé Daniel Fasquelle, cette proposition de loi reprend pour partie certaines dispositions du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs qui n'a malheureusement pas pu aller au terme de son processus législatif sous l'ancienne mandature.
Par ailleurs, ce texte prévoit que les produits bénéficiant d'une IGP pourront utiliser la dénomination de cette appellation nonobstant l'existence du droit d'un tiers sur la marque. Cette disposition permet d'articuler le droit des marques avec les nouvelles IGP. Il est tout à fait normal qu'il y ait un rebondissement de l'un à l'autre.
Le but visé est clair : il ne faut pas que les personnes bénéficiant d'un droit sur une marque puissent bloquer la possibilité d'exploiter une IGP. Je ne donnerai qu'un exemple, qui a déjà été cité : celui de la marque Laguiole, détenue par un particulier qui en assure l'exploitation commerciale.
La commune de Laguiole est dans ma circonscription. Le code de la propriété intellectuelle prévoit qu'il n'est pas possible de déposer une marque nouvelle lorsque celle-ci porte atteinte à des droits antérieurs conférés par une appellation d'origine. Dès lors, les artisans et industriels installés dans le secteur de production et respectant le cahier des charges de l'IGP pourraient, en l'état actuel du droit, être empêchés d'employer ce nom sous prétexte qu'il existe une marque déposée. Les couteliers de Laguiole ne pourraient pas créer une IGP « Laguiole », une entreprise s'étant déjà approprié ce nom par le biais d'une marque.
Cela ne s'applique pas à la coutellerie ! Vous avez une bien mauvaise connaissance du dossier.
Rangez vos couteaux, cher collègue. Il ne s'agit pas d'une lutte entre Thiers et Laguiole, mais de trouver une solution d'intérêt général !
On ne peut pas dire n'importe quoi en séance ! Les couteaux ne sont pas concernés.
Par cette précision, le texte veut empêcher l'appropriation privée d'un lieu. Il veut empêcher la dépossession par une entreprise du nom – qui est public – d'une commune à des fins commerciales – et privées, car c'est bien de cela qu'il s'agit.
Le régime des IGP, de son côté, offrira des garanties solides, notamment par le biais d'un cahier des charges et d'une procédure de validation finale par la puissance publique – je le répète, cela n'a rien de scandaleux – au travers d'un décret.
Par ailleurs, si l'IGP se justifie par son lien avec un territoire, il est bien évident qu'il n'est pas question de faire disparaître une activité simplement parce qu'elle n'est pas située dans le lieu géographique précis qui porte le nom du produit, cher André Chassaigne. Nous prônons une procédure qui favorise la transparence concernant la qualité, le lien au terroir qui fonde la valeur du produit. C'est donc un système gagnant-gagnant.
Ce que nous voulons surtout empêcher, c'est que des produits artisanaux, réputés français mais fabriqués à l'étranger, viennent inonder le marché sans respecter les savoir-faire locaux et la plupart du temps en mentant aux consommateurs sur leur origine. Les dégâts sont considérables. Je ne peux pas tous les citer mais enfin, nous savons tous qu'en fragilisant ainsi nos productions, ce sont nos territoires tout entiers qui sont en danger, et avec eux nos entreprises, nos emplois, notre tourisme, toutes nos capacités de développement… En fait nous nous privons de l'un de nos principaux leviers de création de valeur ajoutée.
Il n'est pas question de proposer une définition trop étroite des aires géographiques qui risquerait de priver du bénéfice de l'IGP certaines productions artisanales de qualité qui le méritent, comme la porcelaine de Limoges qui peut être peinte à Vierzon par exemple. À l'inverse, une définition trop large ferait perdre tout son sens au dispositif.
Le cahier des charges permettra justement de mettre d'accord l'ensemble des acteurs économiques du territoire national pour éviter que certaines activités – comme la fabrication de couteaux faits à Thiers mais portant le nom Laguiole – ne disparaissent et que certains territoires ne perdent leurs emplois.
Cette proposition de loi tend également à concilier le développement d'une entreprise qui a su s'appuyer sur un savoir-faire local et l'intérêt d'une commune. En effet, un maire pourra défendre l'honneur de sa commune si le nom de celle-ci était utilisé par une marque dans des conditions qui, pour une raison ou une autre, porteraient atteinte à son honorabilité ou à ses intérêts.
S'il ne crée pas un droit de blocage des collectivités sur le dépôt de marque, ce dispositif leur permettra au moins d'être informées et de faire connaître leur opposition si la marque porte atteinte à leur nom, à leur image ou à leur renommée.
D'une part, les collectivités concernées devront être informées de l'utilisation de leurs nom ou signes distinctifs lors de tout dépôt de marque. D'autre part elles auront la possibilité d'agir en amont en faisant connaître leur opposition, alors qu'actuellement elles ne peuvent agir qu'en aval en contestant la validité de la marque déposée. C'est un point qui me paraît majeur.
Enfin, l'article 3 de la proposition de loi, auquel je suis particulièrement attaché, consacre la disponibilité pleine et entière des collectivités territoriales sur leur dénomination. J'espère que ce point sera pris en compte, madame la ministre, dans le projet de loi qui devrait être déposé au premier senestre.
En effet, si la jurisprudence reconnaît qu'il est de l'intérêt général de préserver leur disponibilité, les noms géographiques ne font l'objet d'aucune protection spécifique, de sorte que, par exemple, le dépôt d'une marque portant le nom d'une commune confère à son titulaire un droit privatif. Dès lors, ce dépôt est susceptible d'anéantir les droits antérieurs dont dispose la commune sur son nom et de la priver de la possibilité d'exploiter son propre nom. Madame la ministre, je trouve déjà anormal qu'un individu puisse s'acheter le nom d'une commune pour quelques centaines d'euros alors que c'est un bien public. Mais il est carrément scandaleux qu'il puisse exiger de la commune des royalties lorsqu'elle crée une identité visuelle ou souhaite frapper des médailles ! C'est notre droit actuel. C'est pourquoi il est urgent de le modifier.
Ce nouveau dispositif sera donc un pas en avant considérable pour empêcher une entreprise de s'approprier le nom d'un territoire. En déposant ce nom dans toutes les classes de produits, une seule entreprise peut interdire à tout un territoire de développer librement des activités ! C'est une injustice, c'est une incohérence du droit, c'est un droit de spoliation auquel nous devons mettre un terme.
Mes chers collègues, en votant cette proposition de loi, vous rétablirez l'équité juridique, vous permettrez de créer de la croissance, vous donnerez un nouveau souffle à nos artisans, à nos terroirs et à nos régions, vous protégerez notre identité et notre singularité dans la mondialisation.
C'est un sujet qui doit dépasser les clivages politiques et rassembler toutes celles et ceux qui sont attachés à la défense de notre patrimoine artisanal, industriel et culturel. C'est pourquoi je vous remercie de voter tous ensemble ce texte dès ce matin. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)
Laguiole, Gruyère, Limoges, Cambrai… On peut faire un tour de France des villes connues pour leurs spécialités gastronomiques, artistiques ou industrielles.
Le 9 octobre, nous avons auditionné en commission des affaires économiques MM. Vincent Alazard, maire de Laguiole, et Michel Bras, chef d'un restaurant gastronomique et originaire de Laguiole. Je garde un souvenir ému de cette audition car elle sonnait comme un appel au secours d'amoureux de leur pays aveyronnais, qui sont dépossédés de leur village.
Depuis 1994, la municipalité enchaîne les actions en justice pour que ses artisans puissent continuer à utiliser le nom de leur commune. Pourquoi ne le peuvent-ils pas, me demanderez-vous ? Parce qu'un groupe industriel sans aucun lien avec l'Aveyron, qui fabrique des couteaux en Chine, a déposé en 1993 une marque « Laguiole » pour 38 des 45 classes de produits et services existant à l'Institut national de la propriété industrielle.
Ainsi, alors que le couteau laguiole est né à Laguiole, la justice estime que le caractère générique du mot « Laguiole » ne désigne qu'une forme de couteau. Elle considère également que la notoriété du village est faible alors que selon le sondage réalisé par TNS, le taux de notoriété spontané de Laguiole est de 47 %.
À ce jour, aux termes de l'article L.711-1 du code de la propriété intellectuelle, la marque est un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale et les noms géographiques peuvent notamment constituer un tel signe.
Le dépôt de la marque « Laguiole » se situe donc dans la droite ligne d'une jurisprudence constante. Il existe d'autres marques constituées de noms géographiques très connus évoquant des lieux paradisiaques, des villages charmants ou des contrées du bout du monde, et de grandes entreprises françaises ne se privent pas de déposer des noms de lieux géographiques français ou étrangers.
Le cas de Laguiole est un exemple parmi d'autres. On peut en effet recenser plus d'une centaine de marques, comme Mont-Saint-Michel par exemple.
Certes, la justice est indépendante, mais le législateur peut modifier la loi, comme l'a très bien rappelé notre président de commission, Et notre excellent rapporteur Daniel Fasquelle d'ajouter que là où il y a une volonté, il y a toujours un chemin.
C'est pourquoi nous sommes ici ce matin. La présente proposition de loi concerne deux sujets distincts : d'une part les indications géographiques appliquées aux produits artisanaux et manufacturiers et d'autre part la protection des dénominations des collectivités territoriales.
À l'heure de la mondialisation de l'économie et de la concurrence, ces deux problématiques sont connexes et s'inscrivent dans une même perspective : celle de renforcer la reconnaissance des savoir-faire des entreprises françaises en s'appuyant sur les identifiants forts que sont les noms des collectivités territoriales. Car ces noms permettent une identification des produits à un terroir, une histoire ou une renommée.
Actuellement, rien n'est prévu pour les produits non alimentaires, la législation européenne n'obligeant qu'à apposer l'indication géographique des produits importés dans l'Union, et ce pour de simples raisons d'ordre douanier.
Dans un pays comme la France célèbre pour sa porcelaine de Limoges, ses chaussures de Romans, sa coutellerie de Thiers ou ses tapisseries d'Aubusson, cet enjeu est particulièrement important tant sur le plan de l'économie que du point de vue de son rayonnement.
En 2011, consciente que les consommateurs ont un vrai désir de proximité et d'authenticité concernant les produits artisanaux et manufacturés, l'ancienne majorité soutenait un projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs dont notre ami Daniel Fasquelle était rapporteur.
Ce projet de loi comportait un article relatif aux indications géographiques des produits non alimentaires et la commission avait également adopté un amendement visant à mieux protéger les noms des collectivités territoriales à l'encontre des usages dévoyés ou déloyaux.
Ce texte n'a malheureusement pas abouti, et le problème persiste.
Il est donc important que nous soyons tous mobilisés aujourd'hui. Je ne peux d'ailleurs que regretter que la majorité et M. Hamon s'opposent à ce texte en préférant attendre le printemps prochain pour récupérer à leur compte une initiative des députés de l'opposition.
L'article 1er de la présente proposition de loi reprend donc le projet de loi de 2011 renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs qui avait été voté par les deux assemblées en première lecture. Il introduit dans le code de la consommation une procédure nationale de reconnaissance des indications géographiques conforme aux exigences communautaires.
Le texte prévoit l'articulation entre une marque et une IGP portant sur une même dénomination. Les deux dispositifs pourront coexister conformément aux principes du droit international en la matière.
Concrètement, l'existence d'une marque commerciale déposée ne sera pas remise en cause par la reconnaissance d'une IGP portant sur le même type de produits. En revanche, et par parallélisme avec ce que prévoit déjà l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle en faveur des appellations d'origine, ne pourra être adoptée une marque portant atteinte à une indication géographique protégée.
Comme nous l'avons vu avec l'exemple de Laguiole, les questions relatives aux indications géographiques, aux dénominations des collectivités territoriales et aux marques sont souvent imbriquées. C'est pourquoi il apparaît également nécessaire d'agir en faveur d'un rééquilibrage entre les droits attachés aux dénominations des collectivités territoriales et le droit des marques.
Les noms des villes et autres collectivités territoriales suscitent parfois la convoitise des opérateurs économiques qui souhaitent bénéficier de la renommée de la localité à leur profit. Il apparaît donc nécessaire de doter les collectivités territoriales de moyens plus efficaces pour défendre leur nom et les intérêts des entreprises locales.
L'article 2 de la proposition de loi prévoit donc de créer une obligation d'information au profit des collectivités territoriales dès lors que leur dénomination sera présente dans une demande d'enregistrement d'une marque auprès de l'INPI.
En effet, si les grandes villes, Paris en tête, ont une armée de juristes chargés de surveiller l'utilisation de leur nom, il n'en va pas de même pour les petites communes. Cette proposition de loi ne remet donc pas en cause le droit des marques mais propose uniquement de rééquilibrer les moyens des entreprises et des collectivités territoriales pour régler au mieux les conflits de dénomination de marques.
C'est pourquoi les députés du groupe Rassemblement-UMP, dont certains sont coauteurs de cet excellent texte, le voteront. (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi nous rajeunit de quelques mois, non sans nous inspirer, pour un certain nombre de raisons que l'on comprendra, quelque nostalgie. Elle nous ramène à l'examen du projet de loi qui visait à renforcer les droits, la protection et l'information des consommateurs ; vous en étiez déjà, monsieur Fasquelle, le rapporteur, et il n'avait pu être définitivement adopté, faute de suffisamment de temps en fin de législature.
En effet, cette proposition de loi reprend très largement les dispositions de l'article 7 du projet de loi Lefebvre, dans sa version enrichie par les débats parlementaires dans un esprit consensuel, au sein de notre assemblée comme au Sénat.
En ce sens, j'ai été particulièrement surpris d'apprendre la position du Gouvernement et de la majorité sur cette proposition de loi. Pourquoi ce qu'il était utile d'adopter pour l'ancienne opposition ne trouve-t-il soudainement plus grâce aux yeux de la nouvelle majorité ? Lorsque j'ai appris l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de nos travaux, ayant gardé en mémoire ceux de la législature précédente, je m'étais pourtant – sans doute naïvement – imaginé retrouver l'esprit consensuel qui avait présidé à l'examen de l'article 7 de ce projet de loi.
Où est passée la volonté unanime du Parlement de muscler notre arsenal juridique afin de mieux protéger les indications géographiques et les noms des collectivités territoriales s'agissant des produits manufacturés ?
C'est pourtant un sujet important qui nous réunit ce matin, une mesure attendue depuis longtemps dans notre pays par des artisans, par des industriels, par les consommateurs, par tous ceux qui sont attachés à notre patrimoine industriel, qui est aussi un patrimoine culturel.
À l'heure d'une mondialisation toujours plus accrue des échanges commerciaux, nous sommes tous témoins dans nos circonscriptions, du regain d'intérêt que suscitent les productions locales, les circuits courts, les produits dont l'origine géographique est bien identifiée par les consommateurs. Cette affection des Français pour le « made in terroir » est une tendance heureuse à l'heure où le mot « industrie » devient de plus en plus souvent synonyme de « délocalisation » dans l'esprit de nos concitoyens, et cela, hélas, trop souvent à juste titre.
Je suis donc convaincu que notre volonté de protéger et de valoriser l'origine des produits non alimentaires par l'attribution d'une dénomination liée à l'origine géographique permettra de renforcer l'industrie en général et l'artisanat de nos régions en particulier.
Comme cela a été dit par les précédents orateurs, notre droit national comporte depuis longtemps un système de protection des produits alimentaires sous la forme des appellations d'origine contrôlée, les AOC, définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation. Or, même si, théoriquement, cet article ne concerne pas uniquement les produits alimentaires, la pratique qui exige un lien étroit entre un terroir et un savoir-faire, a conduit à ce que la quasi-totalité des produits AOC soient des produits alimentaires.
En ce sens, mon soutien en tant qu'élu local à cette proposition de loi ne peut être que désintéressé, puisque ma ville de Cholet fait partie des rares exceptions à cette règle.
Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, et je vous en remercie. En effet, les mouchoirs – comme ce mouchoir rouge que je porte en pochette – et les toiles de Cholet bénéficient depuis longtemps d'une appellation d'origine contrôlée.
Je peux donc en témoigner : cette appellation constitue un atout économique majeur pour les produits reconnus et identifiés comme intégrant le savoir-faire et les spécificités d'un territoire bien défini. Elle favorise leur rayonnement en France, en Europe et dans le monde, tout en limitant les risques de contentieux avec certains industriels désireux de s'approprier les attributs et la réputation du produit protégé.
Le droit européen, quant à lui, prévoit deux modes de protection qui ne concernent pas les produits manufacturés : l'appellation d'origine protégé, ou AOP, équivalent de notre AOC, et l'indication géographique protégée, ou IGP, qui garantit un lien avec l'origine au moins à l'un des stades de la production, de la transformation ou de l'élaboration.
Prenant opportunément le parti de devancer les travaux européens en cours, la proposition de loi soumise à notre examen vise à étendre la catégorie des IGP aux produits non alimentaires français, en prévoyant la mise en place d'une procédure d'homologation par décret d'un cahier des charges indiquant toutes les caractéristiques du produit liées à son lieu de production. Ainsi, une protection nationale des noms géographiques pour les produits non alimentaires pourrait enfin voir le jour en France.
Grâce au vote de l'article 1er, les produits bénéficiant d'une appellation d'origine ou d'une IGP pourront utiliser la dénomination de cette appellation ou indication, même si un tiers dispose déjà d'un droit sur la marque. Ce rééquilibrage du droit au profit de nos terroirs nous semble aller dans le bon sens et, lorsque l'on connaît l'importance des contentieux, notamment ceux dont la commune de Laguiole, plusieurs fois citée par les précédents orateurs, a à connaître, on voit très vite l'intérêt d'insérer une telle disposition dans notre droit national.
Reprenant les apports du Sénat lors de l'examen du projet de loi consommation en 2011, votre proposition de loi prévoit également une protection particulière pour les noms et signes distinctifs des collectivités territoriales. En effet, ces dernières sont souvent victimes du détournement de leur nom ou de leurs spécificités. Actuellement, le dépôt d'une demande d'enregistrement d'une marque auprès de l'INPI ouvre une période de deux mois pendant laquelle toute personne intéressée peut formuler des observations. Dans ce même délai, le titulaire d'une marque peut faire opposition à la demande d'enregistrement. L'INPI décide si l'opposition éventuelle est fondée et si la marque remplit les conditions pour être déposée. Ces dispositions ne permettent pas toujours aux collectivités concernées de faire valoir leurs intérêts,…
…puisqu'elles ne peuvent intervenir qu'a posteriori, une fois la demande déposée.
Aussi, votre article 2, monsieur le rapporteur, nous semble ouvrir un droit nouveau intéressant pour nos collectivités, en leur permettant de s'opposer à l'utilisation de leurs noms et signes distinctifs en amont, grâce à l'information qu'elles seront tenues de recevoir de la part de celui ou de celle qui souhaite s'approprier leur nom ou leurs spécificités à des fins commerciales. Avec le vote de ce texte, plus aucun maire ne sera placé dans la situation de découvrir au détour d'un rayon de supermarché que le nom de sa commune a été utilisé par un industriel,…
Le vote de ce texte, nous le devons enfin aux consommateurs qui revendiquent légitimement d'être précisément informés de la provenance des produits qu'ils consomment.
J'en reviens donc à mes interrogations du début de mon intervention. Pourquoi le Gouvernement et sa majorité décident-ils de balayer ce texte d'un revers de main ?
Mes chers collègues de la majorité, j'ai le sentiment que les journées d'initiative de l'opposition se transforment en véritable concours Lépine de l'argument le plus fallacieux permettant de justifier le rejet d'un texte que vous auriez voté des deux mains s'il émanait de vos bancs.
En l'occurrence, les arguments fallacieux sont au nombre de deux.
Tout d'abord, le texte n'irait pas assez loin, ne serait pas assez complet. Eh bien, mes chers collègues, ne vous dessaisissez pas ainsi de vos prérogatives de législateurs ! Si un texte ne va pas assez loin, il ne tient qu'à la représentation nationale de le compléter, de l'améliorer.
Cet argument ne tient pas, d'autant que le rapporteur nous soumettra dans quelques instants des amendements tout à fait pertinents visant à compléter son dispositif.
Autre argument, ce sujet fera l'objet d'une disposition d'un projet de loi sur la consommation dont le calendrier d'examen mérite d'être précisé – il a été annoncé pour le printemps.
Et alors ? Adoptons cette proposition de loi et intégrons-la à votre futur projet de loi, si elle n'est pas définitivement adoptée avant l'examen de celui-ci. Votre argument est d'autant plus discutable que, quand cela vous arrange, vous savez l'oublier. Rappelons le vote d'un texte récent, celui supprimant le conseiller territorial, qui nous a fait revenir à la situation antérieure avec le conseiller général, dans l'attente d'un texte annoncé qui créera le conseiller départemental et qui remettra totalement en cause cette loi d'abrogation que nous avons adoptée. En résumé, quand l'initiative vient de la majorité, on n'attend pas le texte définitif et, quand l'initiative vient de l'opposition, on invente un texte définitif – j'espère qu'il verra le jour – dont on ignore la date précise. Belle logique !
Dans le cas que vous évoquez, il y avait un calendrier, des échéances fixées par le texte en vigueur !
Le véritable argument, que vous n'osez peut-être pas révéler dans cette enceinte, est que, en réalité, vous vous opposez à ce texte pour la seule raison qu'il émane non pas d'un groupe de la majorité mais d'un groupe de l'opposition.
Un tel manichéisme est regrettable, car ce texte avait fait l'objet d'un examen consensuel par le Parlement. C'est d'autant plus dommage que ce texte se situe à la confluence des intérêts de notre industrie non délocalisable, de nos élus et de leurs territoires, ainsi que de ceux des consommateurs en mal d'information sur les produits. Tous guettent un signal de notre part quant à la protection du patrimoine historique et culturel qu'ils ont la responsabilité de préserver et de défendre.
Vous choisissez donc de reporter ce débat important et attendu. Le groupe UDI le déplore et soutiendra cette proposition de loi – jadis consensuelle, j'y insiste – de notre collègue Fasquelle, tout en le félicitant pour la qualité de son travail.
Nous espérons que le futur projet de loi sur la consommation prendra toute la mesure de ce sujet essentiel pour le dynamisme de notre industrie et de nos territoires. Et alors, parce que le sectarisme n'est pas dans nos gènes politiques, nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs des groupe UMP et Rassemblement-UMP.)
Madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi sur les indications géographiques et les collectivités territoriales a un double objet : premièrement, l'extension de la mention indication géographique, jusqu'alors réservée aux seuls produits alimentaires, aux produits manufacturés respectant un cahier des charges ; deuxièmement, la protection du nom d'une collectivité territoriale contre son usurpation par une marque.
Je dois tout d'abord vous dire que cette proposition de loi se démarque des autres propositions de lois que nous allons étudier dans les prochaines heures : elle est de loin la plus censée !
Elle mérite que nous nous y arrêtions, et que nous y apportions des améliorations que je vous présenterai dans la deuxième partie de mon exposé.
Pour les écologistes, la montée en gamme des produits, qu'ils soient agricoles ou manufacturés, est une stratégie d'avenir. Les producteurs se positionnant ainsi sur la compétitivité hors coût des produits valorisent, par le prix, la reconnaissance de l'authenticité et de la qualité de leur production.
Vouloir jouer au mieux-disant sur le coût des produits est une illusion qui ne pourra perdurer longtemps. Nous avons tout à y perdre : nos savoir-faire, nos emplois qualifiés, nos filières structurées.
L'Union européenne l'a compris, et nous l'espérons, l'appuiera, sous l'influence d'un futur dispositif français, puisqu'il aura été adopté.
La qualité, la réputation et la reconnaissance des caractéristiques spécifiques doivent être liées à un territoire, c'est un aspect fondamental sur lequel je souhaite insister. Le lien au territoire dans l'indication géographique doit être très fort, et il doit être présent à chaque stade de la production. Le consommateur pense qu'un produit comportant une indication géographique a été entièrement conçu dans la zone donnée ; si tel n'est pas le cas, par exemple si l'on appose, au stade de la transformation, l'indication géographique « porcelaine de Limoges » sur des assiettes fabriquées en Chine, il y a tromperie.
Il faut lui donner davantage de garanties en établissant un cahier des charges plus exigeant.
Le risque est grand de voir démanteler tous les stades de la production, de la fabrication et de la transformation dans des endroits différents de la planète pour apposer l'indication géographique sur le produit finalisé. Or cette crainte ne me semble pas véritablement dissipée à la lecture de cette proposition de loi.
Il faut aller plus loin.
L'octroi d'une telle mention, mal encadrée et laissant la place à beaucoup de dérives, déprécierait toutes les entreprises entrées en démarche de qualité auprès des consommateurs.
Aller plus loin, c'est l'objet de mon premier amendement. Il s'agit de garantir que les produits sont produits, transformés, élaborés et fabriqués dans la zone concernée. Ce n'est pas au choix, c'est cumulatif.
On créerait peut-être moins d'indications géographiques, mais elles seraient mieux valorisées et plus crédibles. J'espère donc que vous allez entendre cette proposition.
Autre problème : une marque enregistrée antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi qui s'approprie le nom d'une ville ou d'un lieu géographique pourrait s'opposer à la création d'une indication géographique reprenant son nom. Ainsi le problème des couteaux Laguiole, déjà évoqué à plusieurs reprises, n'est-il pas réglé. Le consensus, monsieur le rapporteur, ne doit pas consister à donner des droits au groupe industriel qui bénéficierait de l'avantage d'un héritage non légitime.
Le deuxième amendement que le groupe écologiste soumet à votre examen vise à réparer cette injustice, qui reconnaîtrait au voleur du nom une légitimité de fait.
On pourrait encore proposer bien d'autres idées, comme par exemple d'ajouter des critères sociaux et environnementaux à la labellisation des produits. Valoriser les productions en mettant en avant le savoir-faire et les caractéristiques régionales, c'est bien, mais intégrer le facteur humain et environnemental, c'est encore mieux ! L'impact du mode de fabrication sur l'environnement doit être pris en compte, et pourrait même être un facteur très valorisant.
Je m'arrêterai là, et reprendrai ce raisonnement lors de la discussion du prochain projet de loi sur la consommation. Je vous remercie pour tout le travail effectué sur cette proposition de loi, qui est fort riche. Elle n'attend qu'à être complétée, car dans son état actuel, elle ne va pas assez loin pour permettre au groupe écologiste de la voter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, je sais votre attachement à la défense du commerce et de l'artisanat. Nous avons beaucoup apprécié les engagements que vous avez pris ce matin devant la représentation nationale. Je sais que vous les tiendrez.
Il est vrai que le parti radical se porte mieux que l'UMP ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RRDP et SRC.)
Pour nous, c'était en 1972 ; vous, c'est en 2012 ! Il est vrai que la scission de l'UMP m'apparaît beaucoup plus grave. Mais là n'est pas le propos.
La proposition de loi comporte deux sujets distincts. D'une part, l'extension de la protection des indications géographiques aux produits non alimentaires. D'autre part, la protection des dénominations des collectivités territoriales.
Bien entendu, les deux sujets ne sont pas étrangers l'un à l'autre. On peut cependant se demander si le fait que les auteurs de cette proposition de loi se soient sentis obligés d'inclure ces deux aspects dans un même texte n'apporte pas la preuve que de tels sujets doivent être analysés dans un cadre plus global. C'est bien ce qu'a dit Mme la ministre. Pour la clarté des débats, il semble donc utile de bien séparer les deux sujets, d'autant que les critiques pouvant être formulées à leur encontre sont distinctes.
J'aborderai tout d'abord la question de l'élargissement de la protection des indications géographiques aux produits non alimentaires. Nul doute que l'esprit de l'article 1 est partagé. Cette proposition de loi, on l'a déjà dit, a le mérite de soulever un problème sérieux. Aujourd'hui, les produits non alimentaires ne bénéficient pas d'un cadre juridique approprié et les contentieux liés à l'utilisation des noms géographiques de produits non alimentaires se développent. Les cas des couteaux Laguiole et de la porcelaine de Limoges sont bien évidemment ceux qui ont reçu le plus d'écho. D'autres cas existent cependant et d'autres pourraient voir le jour.
Par ailleurs, au moment où l'on cherche à rééquilibrer notre balance commerciale, il est bien évident que la puissance publique doit aider les entreprises exportatrices à défendre le nom de leurs produits. Il en va des retombées économiques sur le territoire national comme du prestige, cher au ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, du made in France.
Cependant, la clarté du constat dressé par le rapporteur ne saurait masquer les nombreuses lacunes de cette proposition de loi.
La vérité n'est pas toujours agréable à entendre !
La définition de l'origine géographique se limite aux seules collectivités territoriales…
Écoutez-moi ! Vous me contredisez alors que vous ne savez pas encore ce que je vais dire : écoutez-moi d'abord, ensuite vous pourrez me contredire.
La définition de l'origine géographique, disais-je, se limite aux seules collectivités territoriales et donc à des périmètres géographiques administratifs. Or, on sait que la production de certains produits qui seraient concernés par ces indications géographiques protégées est réalisée dans différentes communes voire différents départements.
Il semblerait que le texte proposé apporte aussi de la confusion quant aux dispositions relatives aux appellations d'origine d'une part, et aux indications géographiques d'autre part.
Le texte introduit un cahier des charges sans que soient définis ni l'organisme ni les acteurs chargés de sa constitution. L'implication des professionnels dans la définition d'un tel cahier des charges semble par ailleurs insuffisante.
L'organisme qui serait en charge de la gestion des indications géographiques non alimentaires, ainsi que du contrôle du respect du cahier des charges, n'est pas non plus défini.
Or, on le sait, l'Institut national de l'origine et de la qualité qui gère actuellement les indications géographiques alimentaires ne serait pas compétent en la matière. Enfin, le financement n'est pas prévu, ce qui pose évidemment un problème majeur.
La protection des dénominations des collectivités territoriales est tout à fait louable. D'ailleurs, les collectivités territoriales peuvent obtenir gain de cause lorsqu'elles agissent en justice contre une usurpation ou une utilisation abusive de leur dénomination.
La proposition de loi vise à aller plus loin en permettant aux collectivités territoriales d'être informées en cas d'utilisation de leur nom. Il me semble, si j'ai bien lu le texte, que cela figure à l'article 2. Elles pourraient s'y opposer en cas d'atteinte à leur nom ou à leur image. L'idée n'est pas mauvaise en soi, mais son application, là encore, pose de sérieux problèmes que la proposition de loi échoue à résoudre. On ne sait pas qui devrait être en charge d'informer les collectivités territoriales. On ignore d'ailleurs dans quels cas précis les collectivités territoriales devraient être informées. La mention de l'« utilisation » des noms ou de signes distinctifs est particulièrement vague. L'expression « signes distinctifs » est tout aussi floue.
Enfin, la proposition de loi cherche à consacrer la disponibilité pleine et entière des collectivités territoriales sur leur dénomination. C'est l'objet de l'article 3. En d'autres termes, cet article pose un principe général de protection et de libre usage de leur nom par les collectivités territoriales. Les conditions dans lesquelles une collectivité territoriale peut s'opposer à l'utilisation de son nom sont certainement trop limitées actuellement. Nous partageons tous ce constat. Mais le texte, tel qu'il est proposé actuellement, n'est pas applicable. En effet, si la propriété des marques préexistantes était remise en cause, il serait certainement anticonstitutionnel. Or, si elle ne l'était pas, l'impact d'une telle mesure serait trop faible.
De plus, nous ne pouvons manquer de soulever la question de la portée géographique du texte. En l'état, il ne serait applicable que sur le territoire français. Or, dans de très nombreux cas, les contentieux ont une nature européenne voire internationale. Il est évident que pour être pleinement efficaces, ces dispositions devraient être adoptées au niveau européen.
Nous pouvons donner une impulsion en adoptant cette proposition de loi !
En ce sens, il semble préférable d'attendre les conclusions de la Commission européenne. Depuis 2008, cette dernière réfléchit à élargir la protection des indications géographiques.
Comme l'indique le rapporteur, la Commission européenne a lancé en 2011 une étude de faisabilité pour les produits non agricoles et non alimentaires. Cette étude devrait rendre compte des cadres juridiques en vigueur dans les États membres et préciser les besoins. Elle devrait paraître avant la fin de l'année 2012 ou dans les premiers mois de l'année 2013, et les conclusions de la Commission européenne devraient suivre. Il est donc souhaitable que, si de telles dispositions étaient adoptées en France, elles puissent, sinon s'adosser aux recommandations de la Commission, du moins en tenir compte.
Et si c'était l'inverse ? Et si la Commission européenne s'inspirait de ce qui est fait en France ?
Pour conclure, le fait que des parlementaires de gauche aient, au cours de la précédente législature, soutenu des dispositions ayant pour but de répondre à ces enjeux prouve que le constat est partagé. Il arrive, cependant, que l'on soulève de vraies questions tout en y apportant des réponses inadéquates ou incomplètes. C'est le cas, chers collègues, de cette proposition de loi, déposée par feu le groupe UMP, qui a donné naissance au Rassemblement-UMP, ou à une UMP bis, on ne sait plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, vous venez de nous indiquer le dépôt d'un projet de loi relatif à la consommation au cours du premier trimestre de l'année 2013. Il serait donc souhaitable que ce projet de loi comporte des dispositions allant dans le sens de cette proposition de loi. Vous vous y êtes engagée.
Au vu des lacunes de ce texte et de l'impact limité qu'aurait une loi sur ce sujet si elle était mal conçue, il semble préférable de laisser le temps au Gouvernement de faire une proposition qui sera discutée dans cette assemblée. Tel est en tout cas le souhait du groupe RRDP qui ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons une nouvelle fois ici le sujet de l'extension des indications géographiques, et par conséquent de la protection et de la valorisation de nos productions nationales. Il s'agit aussi de l'information des consommateurs sur la qualité et l'origine des produits.
C'est un sujet essentiel qui nous concerne tous, mais qui concerne tout particulièrement des milliers d'artisans et d'industriels, dont les savoir-faire et les produits manufacturés sont partie intégrante de notre patrimoine culturel.
Valoriser l'origine des produits non alimentaires par l'attribution d'une dénomination liée à l'origine géographique doit bien entendu permettre de renforcer l'industrie et l'artisanat de nos régions. Cette évolution des indications géographiques doit aussi s'intégrer dans une politique bien plus large de soutien économique au développement des produits made in France, avec de nouveaux outils financiers, plutôt que vers le soutien d'une compétitivité financière sans lien avec l'économie réelle.
Pour l'essentiel, le texte présenté aujourd'hui reprend l'article 7 du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, examiné par notre assemblée en 2011 à l'initiative de la précédente majorité, qui n'avait toutefois pas conduit cet examen à terme.
Depuis 2011, nos échanges et les auditions de la commission des affaires économiques, notamment sur la question de l'utilisation des noms des collectivités à des fins commerciales, ont une nouvelle fois démontré que nous avons besoin de prendre en compte l'intégralité des situations et des difficultés, notamment juridiques, posées par l'extension des indications géographiques protégées. Je tiens, sur ce point, à saluer l'excellent travail du rapporteur, M. Daniel Fasquelle.
Je tiens à le rappeler : le développement des indications géographiques demande une approche réfléchie, évitant certains clichés que l'on rencontre trop souvent : n'est-ce pas, monsieur Censi ? Je pense en particulier à la définition des cahiers des charges, qui devront à la fois prendre en considération des données historiques, économiques et industrielles, en même temps que des précisions techniques et géographiques. Ce texte n'apporte d'ailleurs aucune précision nouvelle sur les autorités ou les organisations chargées de définir les cahiers des charges, pas plus que sur la ou les structures chargées de les avaliser, de les contrôler, ou sur les moyens à leur disposition.
Il ne précise pas non plus comment seront définis les porteurs de projet, ni quels liens ils entretiendront avec les autres acteurs : collectivités, administrations et professionnels, dans le cadre du dépôt d'une indication géographique. Je ne suis pas certain que le renvoi au règlement suffise à lever tous les obstacles. Pour surmonter les nombreuses difficultés, il faut aussi bien tenir compte de l'état actuel du droit.
Le droit international reconnaît les indications géographiques comme une forme de propriété intellectuelle, au même titre que les marques commerciales. Il s'agit de l'article 22 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, adopté dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.
Cet article précise qu'« on entend par indications géographiques des indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d'un État membre ou d'une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique ». Il faut insister sur la fin de cette phrase : « dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique ».
Le système européen de protection des indications géographiques mis en place en 1992 est plus contraignant. Il comprend deux types d'indication géographique : les AOP, appellations d'origine protégée, dont le lien avec le territoire est très fort, et les IGP, indications géographiques protégées, dont le lien avec le territoire est plus lâche.
Je rappelle également que l'article 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, anciennement article 30 du traité instituant la Communauté économique européenne, autorise les États membres à mettre en place une protection nationale pour les dénominations justifiées par la protection de la propriété commerciale. Cet article contient la précision suivante : « Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres. »
L'attribution d'une dénomination repose non seulement sur le lien avec l'origine, mais également sur des critères qualitatifs qui figurent dans un cahier des charges contrôlé par un organisme indépendant. Des différents alinéas de cet article 36 découle en effet le cahier des charges, un dispositif qui permet de bien encadrer l'attribution d'une indication géographique protégée.
En ce qui me concerne, je souhaite une nouvelle fois appeler votre attention sur deux points qui apparaissent dans le règlement du Conseil du 20 mars 2006, à l'article 14. Certes, cet article vise les produits alimentaires, mais on peut le prendre en compte puisque nous nous proposons d'étendre la protection aux produits non alimentaires et tout particulièrement aux produits manufacturés.
Le premier point concerne la dénomination antérieure, c'est-à-dire la prise en compte de la préexistence de dénominations qui sont une réalité avant même l'enregistrement dans la dénomination d'indication géographiquement protégée. L'article 14 est extrêmement clair à cet égard puisqu'il dispose : « Dans le respect du droit communautaire, l'usage d'une marque […] acquise par l'usage de bonne foi sur le territoire communautaire […] avant la date de protection de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique dans le pays d'origine […] peut se produire nonobstant l'enregistrement d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique… » J'insiste sur la fin de la phrase : « nonobstant l'enregistrement d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique. »
Je veux insister sur la dénomination antérieure en m'appuyant sur un exemple précis, qui n'est que superficiellement connu du grand public, mais qui l'est désormais certainement de nombreux députés. L'appellation laguiole, qui est très ancienne, se décline en de nombreuses marques. La première a été déposée à Thiers en 1868. Elle s'est développée dans la ville de Thiers, et ce bien avant que ne se stabilise un point d'accroche, depuis 1985 seulement, au village de Laguiole à la suite de l'achat d'une forge à Thiers. Il ne se fabriquait plus de couteaux depuis longtemps à Laguiole. Il existe actuellement cent soixante marques laguiole et 400 salariés du bassin coutelier de Thiers travaillent pour cette marque. Le laguiole français est fabriqué à 80 % à Thiers et il est, pour partie, vendu dans les boutiques du village du même nom. C'est dire l'inquiétude des artisans et des PME face au risque que représenterait pour eux une IGP laguiole limitée au village de Laguiole.
Ce serait un coup terrible porté à la coutellerie thiernoise : une concurrence déloyale s'instaurerait en contradiction avec le droit communautaire et le droit international. Une approche aussi réductrice ne résisterait pas aux contentieux qui ne manqueraient pas de se multiplier.
Le second point a trait à la dénomination générique. Des appellations de produits non alimentaires sont devenues des noms génériques. Cela ne concerne pas seulement le laguiole. Prenez le « vichy » : c'est une toile de coton dont vous trouverez le nom générique dans le dictionnaire. Il en est de même pour le « sèvres », une porcelaine ; le « chantilly », une dentelle au fuseau. Il y a donc des dénominations qui sont devenues génériques, c'est-à-dire des noms communs. Aussi faut-il être vigilant et prendre en compte ces cas particuliers.
L'article 2 de cette proposition de loi propose également d'introduire dans notre droit l'obligation de consulter les collectivités territoriales pour utiliser le nom d'une ville ou d'un département ou d'une région. La collectivité locale se verrait, ainsi, attribuer un pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser l'utilisation de son nom. Une nouvelle fois, je crois qu'il faut avancer avec prudence et raison sur ce sujet. Il peut déchaîner certaines passions, avec des réactions affectives, en lien avec des processus de patrimonialisation parfois excessifs. Un des problèmes majeurs que cet article soulève, je l'ai dit en commission, c'est celui de la rétroactivité. Pour illustrer mon propos, je reprendrai l'exemple du couteau. Une multitude de couteaux régionaux portent déjà des noms de ville alors qu'ils sont fabriqués uniquement par les artisans de Thiers. Je citerai d'abord le saint-amant, ayant été, moi-même, maire du petit village de Saint-Amant-Roche-Savine pendant vingt-sept ans. Désormais, faudra-t-il que les couteliers thiernois, qui fabriquent ce couteau, demandent une autorisation au maire de Saint-Amand-les-Eaux, mon camarade Alain Bocquet, et aux trente autres maires de Saint-Amand en France ? Je prendrai également le cas du montpellier, très beau couteau utilisé par les marins du sud et fabriqué également à Thiers. Faudra-t-il, là encore, demander une autorisation au maire de Montpellier ? Je citerai encore le roquefort qui, outre un fromage, est aussi un couteau fabriqué par plusieurs artisans thiernois. L'aurillac, fabriqué à Thiers, mais essentiellement commercialisé à Aurillac, devra-t-il, lui aussi, être soumis à autorisation ? Je pourrais encore citer le sauveterre, le langres, 1'issoire, l'yssingeaux. Vous voyez les couteliers de Thiers aller à Yssingeaux demander, tels les bourgeois de Calais, l'autorisation de continuer à fabriquer ce couteau ? (Sourires.) Il en va de même du rumilly, du châtellerault, ou encore des noms de couteaux qui se rapportent à des départements ou des régions, comme le corse.
Monsieur le rapporteur, vous le savez, je suis très attaché à cette question. Je partage avec vous, comme avec beaucoup d'autres députés, l'idée qu'il nous faut agir pour favoriser la valorisation et le développement de nos productions nationales à travers un élargissement des indications géographiques aux produits non alimentaires. Mais il est indispensable d'apporter des précisions sur le cadre juridique le plus pertinent sur lequel s'appuyer, avec un travail de définition en amont de ces IGP, un travail sur la méthodologie des porteurs de projet, sur les structures, les étapes et les moyens de leur contrôle.
Le Gouvernement s'est engagé à intégrer notre réflexion commune sur l'extension des IGP aux produits manufacturés dans un projet de loi plus complet sur la consommation qui serait présenté début 2013. Je renouvelle donc mon souhait que nous puissions pousser jusqu'au bout notre investigation sur les problématiques soulevées et participer pleinement à l'élaboration du projet de loi sur la consommation. Il s'agira, d'une part, de conforter le futur cadre juridique applicable en anticipant sur les décrets d'application qui suivront et ainsi éviter au maximum les contentieux et, d'autre part, de lever toutes les ambiguïtés qui persistent sur notre positionnement en faisant prévaloir la raison. En écoutant les différents intervenants, j'ai mesuré combien les ambiguïtés restaient fortes, ce qui a même conduit à des propos révélant une méconnaissance de la législation actuelle et de certaines réalités historiques et économiques.
J'aurais cependant pu voter ce texte, monsieur le rapporteur, considérant les avancées qu'il porte, mais je m'abstiendrai au regard des ambiguïtés qui restent à lever.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, la proposition de loi que nous examinons, aujourd'hui, évoque un certain nombre de sujets auxquels de nombreuses communes et territoires sont confrontés. Ces questions touchent à la protection des noms des collectivités territoriales et à la protection des produits manufacturés qui, contrairement aux produits alimentaires, ne bénéficient pas, actuellement, de certification. Ces deux sujets d'importance sont intrinsèquement liés.
Dans l'Aveyron, département dont je suis l'élue, nous sommes confrontés, depuis plusieurs années, à cette problématique. La commune de Laguiole, maintes fois évoquée aujourd'hui, berceau d'un artisanat coutelier particulièrement renommé pour la qualité de ses produits issus d'une longue tradition et d'un savoir-faire exigeant voit son image ternie par une entreprise qui galvaude ce savoir-faire en proposant des produits de médiocre qualité parce que son dirigeant peu scrupuleux a déposé à l'INPI le nom de cette commune et fait fabriquer des couteaux et autres produits dérivés en Asie ou ailleurs, tous estampillés laguiole. C'est l'image de tout un territoire, de tout un savoir faire qui est dégradée. Je crois donc, monsieur le rapporteur, que nous sommes d'accord sur le diagnostic et qu'il y a raison et matière à légiférer.
La dernière fois que nous avons tenté de le faire, c'était au cours de la législature précédente. M. Frédéric Lefebvre, alors secrétaire d'État chargé du commerce et de l'artisanat avait présenté un projet de loi visant à renforcer les droits, la protection et l'information des consommateurs. Lors des discussions au Sénat, un amendement portait, à l'article 7, sur la possibilité de bénéficier d'une IGP en dépit d'une existence d'une marque de dénomination similaire. Il s'agissait de l'amendement, n° 185 rectifié , d'Anne Marie Escoffier, actuellement ministre. Le but visé par cet amendement était clair : ne pas permettre à des personnes bénéficiant d'un droit sur une marque de bloquer la possibilité d'exploiter une IGP. Le cas du couteau de laguiole avait été pris en exemple. Alain Fauconnier, aveyronnais également, rapporteur de ce texte, avait appelé l'attention du secrétaire d'État sur le fait qu'il n'était pas acceptable qu'on autorise l'appropriation privée par une personne physique ou morale du nom ou de la réputation d'un lieu ou d'une zone de production. Cet amendement qui avait reçu un avis défavorable de M. Lefebvre, fut adopté. Le texte de loi, lui – je ne sais s'il y a un rapport de cause à effet – ne revint jamais en deuxième lecture devant notre assemblée. Alors légiférer sur ce sujet ne doit pas être un « copié-collé » de l'article 7 modifié du projet de loi Lefebvre même si, comme c'est le cas, il est complété par des dispositions de la proposition de loi n° 2882 qui n'a jamais été examinée en séance.
J'ai lu avec attention votre rapport, monsieur Fasquelle. J'ai bien noté que les modifications apportées par les élus de gauche au Sénat, lors de l'examen du projet de loi Lefebvre, avaient été prises en compte.
J'ai bien noté, également, que vous assumiez le fait que cette proposition de loi traite de deux sujets : la création d'IGP pour les produits non alimentaires et celui de la protection des noms de collectivités territoriales.
Il est vrai que, pour l'exemple de Laguiole, les deux problèmes sont intrinsèquement liés. C'est d'ailleurs, madame la ministre, ce que vous avez pu constater, lors de votre venue à Laguiole, en octobre dernier. Vous avez rencontré les élus et vous vous êtes également rendue à la manufacture Forge de Laguiole où M. Thierry Moysset, chef d'entreprise, vous avait dit : « Ce savoir-faire unique que les autres nous envient, il faut absolument nous aider à le défendre. » Il avait ajouté : « Ici, mes 117 salariés fabriquent une production 100 % laguiole. » Vous avez répondu, madame la ministre : « Vous pouvez compter sur ma volonté et ma détermination pour trouver une solution afin que les habitants de Laguiole puissent retrouver la possibilité d'utiliser le nom de leur commune à titre de marque et vendre ainsi des produits traditionnels de qualité, fabriqués sur leur territoire. » Vous avez également souligné « la nécessité d'étendre les indications géographiques protégées, réservées, pour l'heure, uniquement aux produits agricoles et viticoles, aux produits manufacturés ». Vous avez conclu en disant « la meilleure manière de défendre le savoir-faire traditionnel et ancestral d'un territoire passe, sans aucun doute, par une solution comprise dans un cadre européen. » Je sais que vous avez rencontré sur ce sujet Michel Barnier, commissaire européen.
Loin du mépris que d'aucuns vous imputaient tout à l'heure, madame la ministre, c'est un engagement fort que vous avez pris ce jour-là et que vous venez, aujourd'hui, de réitérer.
Lors de son audition par la commission des affaires économiques, Benoît Hamon, ministre délégué à l'économie sociale et solidaire et à la consommation a confirmé l'intégration de la proposition d'extension des indications géographiques aux produits manufacturés dans le futur projet de loi relatif à la consommation à partir d'un cahier des charges élaboré avec des professionnels, ce cahier des charges délimitant l'aire géographique, les caractéristiques attribuées à cette aire, ainsi que les modalités de production et de contrôle. Un organisme sera chargé de statuer sur les demandes d'indication géographique. Cela n'est guère approfondi dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, monsieur Fasquelle. En effet, l'exposé des motifs de ce texte, s'il mentionne le rôle essentiel de l'INAO dans la mise en oeuvre des appellations d'origine en matière alimentaire, ne précise pas quel organisme sera chargé de cette labellisation pour les produits non alimentaires, pas plus, du reste, qu'il ne précise comment ce nouveau dispositif de labellisation serait financé. Une question se pose : de qui doit dépendre ce rôle de labellisation ? Ne devrait-il pas plutôt dépendre de l'INPI qui est l'organisme compétent en matière de droit des marques et de propriété industrielle, à moins qu'il ne convienne de créer un nouvel organisme dédié strictement à ce travail ?
Cette question de l'organisme de certification ne doit pas souffrir d'à-peu-près ou de confusion. On retrouve cette confusion à l'article 1er de ce texte de loi.
En effet, la définition de l'indication géographique, telle que définie à l'article 1er, est réductrice. Elle ne tient pas compte des « zones géographiques » permettant de couvrir des bassins d'activité. Or un cahier des charges doit indiquer le nom du produit, doit délimiter l'aire géographique, doit définir la qualité, la réputation ou les autres caractéristiques qui peuvent être attribuées à cette origine géographique et préciser les modalités de production, de transformation, d'élaboration ou de fabrication qui ont lieu dans cette aire géographique ainsi que les modalités de contrôle des produits. C'est cette rigueur du cahier des charges qui a permis, dans le domaine alimentaire, à des consommateurs et des producteurs de gagner ce que l'on a appelé « la bataille du camembert » en faisant plier des grands groupes industriels qui cherchaient à assouplir les règles définies en 1983 pour l'obtention d'un label AOC. Ces groupes cherchaient à entretenir la confusion entre « camembert de Normandie » et « camembert fabriqués en Normandie ». La justice est passée. Seuls les camemberts élaborés, selon des règles très strictes, sur une zone géographique circonscrite, laquelle a d'ailleurs été redessinée et réduite, peuvent bénéficier de l'appellation « camembert de Normandie ».
Cette proposition introduit un cahier des charges mais ne précise pas qui a la charge de le constituer ni celle de le déposer. C'est regrettable.
En outre, d'autres confusions sont possibles puisque le texte alterne les dispositions relatives aux appellations d'origine et celles relatives aux indications géographiques.
Seul l'État, auquel vous avez ajouté, par voie d'amendement, les collectivités territoriales, aurait la responsabilité de décider de la création d'une indication géographique en n'associant que marginalement les professionnels concernés. Or il me paraît essentiel de les associer dès le début de la démarche comme cela a été fait dans le domaine alimentaire.
L'article 2 vise à permettre aux collectivités territoriales de s'opposer à l'utilisation de leur nom si celle-ci porte atteinte à leur nom, à leur renom ou à leur image en leur donnant la possibilité d'agir en amont alors qu'elles ne peuvent aujourd'hui agir qu'a posteriori.
Il n'est pas introduit de nouvelles voies d'opposition. Seul le droit d'opposition à l'enregistrement d'une marque est complété quand cette marque est couverte par une indication géographique homologuée.
Concernant l'article 3 portant sur la protection et le libre usage de leur nom par les collectivités territoriales, notre droit ne comporte aucune disposition leur conférant un droit absolu sur leur nom. Seul est reconnu un droit limité lié aux missions de service public et à la protection du nom, de l'image et de la renommée de ces collectivités.
Ce texte reprend les arguments de la proposition de loi n° 2282, qui, comme je l'ai dit précédemment, n'a jamais été examinée dans cet hémicycle.
Si je mesure les avancées que pourrait engendrer cet article, j'en mesure tout autant les effets qui pourraient en être induits.
Avec le texte que vous nous proposez, vous risquez, même si ce n'est pas dans vos intentions, de pousser certaines collectivités à surprotéger leur nom rendu célèbre par un produit dont la renommée a dépassé celle de la collectivité qui bénéficie en retour de cette renommée.
Pour toutes ces raisons, je pense qu'il n'est pas abouti.
Mme la ministre et M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, se sont engagés à travailler de concert pour intégrer ces problématiques dans le projet de loi relatif à la consommation en préparation.
Il est pour moi nécessaire que ces problématiques reposent sur un socle législatif plus large, avec une ambition affichée. C'est pourquoi le groupe auquel j'appartiens ne votera pas ce texte. Je vous invite, mes chers collègues de l'UMP,…
…à nous retrouver sur le futur projet de loi qui sera présenté dans les prochains mois, qui apportera des réponses précises aux questions soulevées afin que le consommateur achetant un produit qu'il pense lié à un territoire puisse être sûr que le mode de fabrication et la qualité répondent à ses attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous sommes amenés à discuter concerne la protection de deux sujets distincts, les indications géographiques des produits et les noms des collectivités territoriales, mais elle n'a qu'un seul but, sauvegarder nos savoir-faire et nos territoires.
Ces deux sujets sont intimement liés, car nous savons combien l'identité de nos produits se construit dans leur relation avec leur territoire d'origine. Mieux encore, leur qualité, leur réputation peuvent bien souvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique. En d'autres termes, non seulement le territoire façonne dans bien des cas l'identité du produit, mais il lui confère aussi sa qualité.
Malheureusement, le succès attirant les convoitises, certains sont tentés de profiter de l'attractivité et du potentiel commercial de nos savoir-faire. Ainsi, des entreprises peu scrupuleuses n'hésitent pas à s'accaparer la dénomination de nos localités afin de bénéficier de leur notoriété. Elles commercialisent alors des ersatz, des produits qui n'ont pas les caractéristiques originales ou qui proviennent d'un autre lieu de fabrication.
Ces pratiques se font au détriment de tous. Les consommateurs pensent acheter un produit authentique présentant des caractéristiques précises alors qu'il s'agit en réalité d'une imitation souvent de piètre qualité. Les producteurs légitimes perdent le bénéfice d'opérations commerciales en raison de la concurrence déloyale dont ils sont victimes. En plus, la renommée de leurs produits se voit mise en cause. Enfin, les territoires et leurs élus se retrouvent fragilisés et démunis face à ceux qui usurpent leur nom.
Ce texte est donc très attendu des élus locaux, pour qu'ils puissent enfin se défendre face à des utilisations frauduleuses et déloyales.
Il apparaît plus que nécessaire de protéger les produits de nos territoires, issus de notre histoire, de nos traditions.
Un système de protection existe d'ores et déjà pour les produits alimentaires, au niveau national avec le système des appellations d'origine prévu dans le code de la consommation, au niveau européen avec les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées.
Les autres produits ne sont pas exclus du dispositif, mais force est de constater que la législation actuelle ne permet pas de régler de manière satisfaisante les contentieux qui se développent.
On a donné toute la matinée l'exemple de Laguiole, et je sais, madame la ministre, que vous vous êtes rendue sur place. Je vous remercie, monsieur Chassaigne, d'avoir parlé de ma région, la Corse. Nous avons nous aussi un couteau de tradition, le stylet, avec une conception particulière. Malheureusement, les artisans doivent bien souvent faire face à un véritable pillage par des pays lointains, qui non seulement utilisent de mauvais matériaux mais fabriquent également, chacun le sait, dans des conditions peu scrupuleuses du droit du travail,…
…pour réaliser des produits de très mauvaise qualité qui usurpent l'identité du produit.
Le sujet doit donc tous nous rassembler.
C'est un véritable rééquilibrage entre les droits attachés aux dénominations de nos collectivités et le droit des marques dont nous avons besoin, et l'excellent travail de notre rapporteur l'a bien démontré.
Les trois articles de la proposition de loi permettent de pallier les difficultés juridiques. C'est pourquoi je salue cette initiative, qui propose un dispositif simple mais efficace, qui ouvre la voie. L'article 1er étend la protection des indications géographiques aux produits non alimentaires. Il donne une définition de l'indication géographique protégée. L'article 2 prévoit les conditions d'information de la collectivité territoriale lorsque son nom ou ses signes distinctifs sont utilisés. Ainsi, elles peuvent s'opposer à leur utilisation en amont, ce qui n'est actuellement possible qu'en aval. L'article 3 consacre la disponibilité pleine et entière des collectivités territoriales sur leur dénomination.
Plus largement, cette proposition de loi me donne l'occasion de revenir sur la compétitivité de notre pays. Souvent, nous entendons que l'effort doit porter sur les industries d'avenir comme les biotechnologies ou les secteurs en difficulté comme l'automobile. C'est vrai, mais n'oublions pas de miser sur d'autres domaines où nous excellons, et c'est le cas des produits de terroir, que cette proposition de loi entend défendre.
Avec Benoît Hamon, vous avez vous-même indiqué à plusieurs reprises, madame la ministre, votre souhait d'étendre la protection des indications géographiques aux produits manufacturés dans un prochain projet de loi relatif à la consommation. Je vous invite donc à nous soutenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise cherche à défendre nos savoir-faire et, plus largement, notre patrimoine. Cette inclinaison nouvelle pour la défense de nos intérêts nationaux est symptomatique de la mobilisation initiée par notre majorité, visant à protéger notre pays du pillage de ses savoir-faire. Il s'agit tantôt de défendre les emplois immédiatement menacés, tantôt de protéger ceux qui restent pour l'avenir.
Un tel dispositif, comme en témoigne l'audition récente sur cette question de la commission des affaires économiques, est très attendu. La France bénéficie d'une reconnaissance exceptionnelle en matière artisanale du fait d'une tradition d'excellence qui tire largement sa spécificité de son ancrage local.
C'est ce lien primordial entre territoire et excellence qui distingue la production de notre pays. Certaines désignations, par exemple, pour le vin, domaine, manoir ou château, renvoient à un terroir bien spécifique. Pour en bénéficier, le vin doit être produit à partir de raisins récoltés sur le territoire de l'exploitation, où la vinification doit entièrement se dérouler.
C'est pourquoi la conception de la protection des savoir-faire est inextricablement liée chez nous à la question de l'implantation géographique. Avec les IGP, la France s'est dotée d'un arsenal relativement contraignant en matière alimentaire.
Le législateur a tout fait pour qu'une appellation se mérite. Il est donc logique que ceux qui subissent ces contraintes de production pour mieux s'en réclamer et portent un label chèrement gagné se sentent dépouillés de leur savoir-faire. Que certains puissent utiliser cette notoriété durement conquise à des fins mercantiles dans d'autres domaines que ceux où elle bénéficie effectivement d'une protection, c'est inacceptable.
Ce texte a le mérite d'ouvrir le débat sur la reconnaissance des IGP non alimentaires car ces produits ne bénéficient pas encore de mesures de protection adaptées.
Je ne reviendrai pas sur votre dispositif, monsieur le rapporteur, il a déjà été détaillé par ma collègue Marie-Lou Marcel. Nous sommes tous conscients ici de la nécessité d'apporter une réponse à l'absence actuelle d'IGP pour les produits artisanaux et manufacturiers et, motivé par une indignation largement partagée dans cet hémicycle, vous vous attelez notamment à mieux protéger les collectivités territoriales contre les usages dévoyés de leur dénomination.
Nous sommes tous plus ou moins confrontés à ce problème dans nos circonscriptions. Dans la mienne, les Halles de Narbonne sont un lieu d'échanges commerciaux et sociaux renommé dans la ville. Une franchise de boucherie appelée « les Halles » se prévaut pourtant de cette dénomination au titre du droit des marques. En effet, celui-ci lui permet d'associer sa marque au nom du lieu où elle s'implante. Autant vous dire que cela ne fait pas du tout plaisir aux commerçants des Halles historiques de Narbonne, qui se retrouvent privés de l'usage de leur enseigne. Le pire pour les élus que nous sommes, c'est que le droit positif nous laisse totalement impuissants face à de tels agissements.
Personnellement, je voudrais susciter une réflexion sur ce sujet sensible et presque inextricable, la relation entre le droit des marques et la protection offerte par ces labels.
Il est bien d'étendre la protection des IGP à d'autres domaines, mais il ne faudrait pas que les personnes bénéficiant d'un droit sur une marque bloquent la possibilité d'exploiter ces nouvelles IGP. Doit-on permettre à une marque de s'approprier le nom d'un territoire, en interdisant de fait à celui-ci de se développer ? Plus fondamentalement, comment règle-t-on ce type de problèmes, qui ne manqueront pas de continuer à émerger ?
Dans cette optique, j'attire l'attention de chacun sur l'absence dans le dispositif qui nous est proposé de solution face à ce problème.
Le texte ne contient aucune précision quant à l'articulation du droit des marques avec les nouvelles IGP. Aucun gendarme n'y apparaît pour faire des arbitrages en cas de conflit. Aucun organisme similaire à l'INAO pour les IG non alimentaires n'est prévu, sans même évoquer l'absence de dispositions relatives à son hypothétique financement.
Le flou persistant sur ce sujet pourtant crucial ne me permet pas de soutenir cette proposition de loi, d'autant qu'elle me paraît un peu prématurée. La réflexion se poursuit à la Commission européenne et des propositions ne manqueront pas d'être formulées au terme de ce processus. Cela nous éviterait de nous retrouver en porte-à-faux avec nos différents partenaires européens et de livrer un dispositif trop vite ficelé et contreproductif.
Benoît Hamon et vous-même, madame la ministre, vous êtes déclarés favorables devant la commission des affaires économiques à une meilleure protection des produits non alimentaires. Aussi, il me semble raisonnable, dans un souci d'efficacité, d'attendre le texte que prépare le Gouvernement.
Étant donné le sujet, nous serions bien malvenus de nous emparer du fruit de votre travail parlementaire, monsieur le rapporteur. N'y verriez-vous pas une forme d'atteinte au label UMP, dont chacun peut constater qu'il est victime d'une concurrence déloyale et d'imitateurs, je n'ose dire de contrefacteurs, au sein même de cette assemblée ? (Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Vous me pardonnerez cette référence à l'actualité.
Chacun ici est bien conscient que la protection de notre patrimoine est une question trop sérieuse pour qu'on la traite à la va-vite. Aussi, je conclurai en me réjouissant que, face aux menaces qui pèsent sur nos producteurs nationaux, un projet de loi plus cohérent et plus complet nous soit bientôt présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi de nos collègues de l'opposition visant à protéger les indications géographiques et les noms des collectivités territoriales.
La volonté du texte est partagée par tous, sur les bancs de cette assemblée.
Nos savoir-faire, nos terroirs sont notre richesse, et nous ne pouvons pas accepter qu'ils soient pillés. La réponse que vous apportez, chers collègues de l'opposition, est intéressante, mais (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP) elle ne vient pas au bon moment. La Commission européenne réfléchit sur cette question ; ne peut-on attendre les décisions de la direction générale des marchés intérieurs avant de légiférer ?
Nous avons tous un objectif commun : la protection des consommateurs. L'information sur les produits qu'ils achètent est essentielle. Or, trop souvent, les consommateurs sont trompés par l'utilisation d'indications géographiques fausses sur des produits qui ne sont ni fabriqués sur un territoire ni originaires d'un territoire dont ils se revendiquent. De nombreux professionnels, attachés à l'authenticité et à la qualité de leurs produits, se sentent désarmés face à ce type de concurrence. Enfin, les territoires peuvent aussi subir une atteinte à leur image en raison de l'utilisation malveillante de leur nom ou de leurs signes distinctifs.
Cette proposition de loi ne vient pas à point nommé,…
…parce que deux ministres, Mme Sylvia Pinel, en charge du commerce et de l'artisanat, et Benoît Hamon, en charge de la consommation, se sont prononcés en faveur d'une reconnaissance des indications géographiques protégées pour les produits non alimentaires. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Gardez votre énergie pour les amendements !
Cette prise de position aura bien sûr des conséquences sur la rédaction du projet de loi relatif à la consommation que nous présentera Benoît Hamon. Plutôt que de légiférer sur un cas unique, nous préférons conduire une réflexion plus large…
…qui englobe la protection des IGP mais aussi celle du consommateur, pour qu'il soit mieux informé. Cette réflexion nous permettra d'aller beaucoup plus loin que vous. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
Le présent texte entend tout d'abord apporter une réponse à l'absence actuelle d'IGP pour les produits artisanaux et manufacturés. Il faut savoir que la réflexion de la Commission européenne est bien avancée sur le sujet et qu'une étude de faisabilité doit être rendue avant la fin 2012.
Il nous faudra réfléchir aux dispositifs de suivi de ces indications. L'Institut national de l'origine et de la qualité pourra jouer ce rôle, comme il le joue déjà pour les produits alimentaires.
Ce dispositif devra aussi être financé. C'est une autre lacune de votre texte, qui ne présente rien sur ce point.
Ce texte, même s'il fait le bon constat, n'esquisse que des pistes de réflexion et pas de solution pérenne. Il ne peut donc pas nous satisfaire. Les députés de la majorité ne pourront le voter, mais je suis sûre que vous accompagnerez M. le ministre dans la discussion du texte qu'il présentera prochainement.
Nous serons bien sûr attentifs aux propositions du Gouvernement, qui devra veiller à l'information des consommateurs sur la provenance et le mode de fabrication des produits manufacturés dont ils feront l'acquisition. Le texte devra protéger notre artisanat, qui fabrique de si beaux produits.
Le couteau de Laguiole est au centre de ce texte, il a souvent été cité. En tant que députée du Périgord vert, je ne peux résister à l'envie de rappeler l'existence du couteau de Nontron, qui mérite aussi d'être défendu.
Je voterai contre cette proposition de loi. Comme l'a souligné Mme la ministre, dans son propos liminaire, les dispositions proposées sont incomplètes et imprécises,…
…le texte ne prévoit pas l'organisme qui sera en charge de la délivrance des IGP, les professionnels n'ont pas été associés à ce travail, et le financement du dispositif n'est pas assuré.
Par conséquent, j'attendrai le texte du Gouvernement.
Je vous remercie beaucoup, chers collègues, de votre écoute et de votre attention ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Mes chers collègues, je remercie les uns et les autres pour leurs différentes interventions. Je souhaite vous répondre globalement, ainsi qu'à Mme la ministre.
Mme la ministre et certains d'entre vous ont affirmé qu'il n'y avait pas eu d'étude d'impact. C'est tout à fait faux puisque, comme cela a été souligné, nous avons repris des dispositions du projet de loi sur la consommation porté par Frédéric Lefebvre, qui a fait l'objet d'une étude d'impact. Les dispositions sur les IGP que nous reprenons ont donc bien fait l'objet d'une telle étude : je la tiens à votre disposition.
Nos collègues de la majorité souhaitent attendre un texte plus global. Des dispositions comme celles que nous proposons pourraient certes se rattacher à un texte sur le droit de la consommation, mais nous pourrions aussi attendre un texte sur le droit des marques et de la propriété intellectuelle, ou encore un texte sur le droit des collectivités puisque nous modifions le code général des collectivités territoriales. Nous pourrions de même attendre un texte sur l'Europe. Je ne comprends d'ailleurs pas très bien la position de la majorité : certains nous demandent d'attendre parce que l'Europe réfléchit, d'autres annoncent que les IGP figureront dans le projet de loi de M. Hamon, qui sera présenté au 1er semestre 2013, alors que nous n'aurons toujours pas le texte européen. Quand c'est notre proposition de loi, il faut attendre ce texte, mais quand c'est le projet de loi de M. Hamon, on n'a plus besoin de l'attendre ! J'ai du mal à comprendre la cohérence de cette position.
Ce sujet touche au droit de la consommation, madame Marcel, mais il va au-delà. C'est tout l'intérêt de cette proposition de loi que d'associer la question des IGP et celle du nom des communes. Ce texte est cohérent en lui-même.
Il n'y a donc aucune raison d'attendre un projet de loi sur la consommation, sur lequel les présentes dispositions ne viendraient que se greffer, comme elles le pourraient aussi bien sur un autre texte, ainsi que je l'ai souligné.
Par ailleurs, on nous reproche de ne pas désigner l'organisme chargé de délivrer les IGP. J'ai répondu sur ce point en commission et je l'ai répété ce matin : la DGCCRF s'intéresse depuis toujours à cette question, elle est d'ailleurs citée à plusieurs reprises dans l'étude d'impact. Elle a réalisé en 1995 une enquête montrant qu'une centaine de produits artisanaux était visée.
L'INAO est mentionnée dans l'exposé des motifs. Certains ont évoqué l'INPI mais je ne vois pas à quel titre, alors que l'INAO a été désignée compétente sur les produits alimentaires, cet institut interviendrait. Quant à la suggestion de créer un organisme supplémentaire, il me semble qu'il faut avoir le souci de nos finances publiques : créer un organisme pour traiter uniquement d'une centaine d'IGP serait hors de proportion. En revanche certains agents de la DGCCRF connaissent parfaitement ces questions, ne serait-ce que parce qu'elles ont été abordées par le biais du droit de la concurrence, notamment dans des affaires de concurrence déloyale : la DGCCRF pourrait donc parfaitement traiter ces dossiers d'IGP. Je ne vois pas l'intérêt de créer un nouvel organisme ou d'embaucher de nouveaux fonctionnaires pour cela.
Un autre point important, qui, me semble-t-il, recueille l'unanimité, est celui de la relation entre les IGP et les marques. La proposition de loi a repris à ce sujet, c'est vrai, certains amendements défendus par des sénateurs socialistes. Sur un sujet comme celui-là, il faut rechercher le consensus. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Si une bonne idée vient du parti socialiste, pourquoi ne pas la reprendre ? Cela arrive malheureusement trop peu souvent, mais je n'avais aucune raison d'écarter ces idées. Il est d'ailleurs dommage que cet esprit ne soit pas partagé sur l'ensemble des bancs ce matin, car nous aurions pu nous retrouver. Certaines idées, on le voit bien, sont écartées parce qu'elles proviennent de certains bancs, alors que nous devrions chercher à réunir l'ensemble des bonnes idées.
Vous êtes un homme de consensus, c'est bien connu, monsieur Fasquelle !
J'ai également retenu plusieurs propositions de M. Chassaigne à l'occasion du débat sur le projet de loi de Frédéric Lefebvre. André Chassaigne connaît parfaitement ce sujet et il a pointé certaines difficultés que notre proposition de loi vise à résoudre, en particulier s'agissant de l'articulation entre les IGP et les marques. Une IGP peut être plus large que le territoire d'une commune : l'IGP Laguiole peut ainsi dépasser les limites de la commune de Laguiole. Mais une IGP ne peut remettre en cause une marque préexistante, car ce serait en contradiction avec le droit des marques, dans ses dimensions nationale, européenne et internationale.
Si ce texte n'était pas assez précis, chers collègues, il fallait le préciser avec des amendements. Vous prétendez aussi, pour motiver votre rejet du texte, que les professionnels ne seraient pas suffisamment associés à la démarche. C'est faux, puisque le cahier des charges sera déposé par les professionnels eux-mêmes. On a donné l'exemple de camemberts. En tout cas, il y aura un débat, dans les territoires, entre professionnels, et ce sont eux qui déposeront un dossier, à charge pour la DGCCRF et le ministre d'accepter ou non l'IGP. La demande émanera du terrain, des professionnels.
Je crois avoir répondu sur chacun des points. Les zones d'ombre qui existaient dans les premières versions ont toutes été dissipées. Je suis convaincu que le projet de loi de Benoît Hamon présentera des dispositions sur les IGP qui ressembleront étrangement aux nôtres, car je ne vois pas comment améliorer encore ce texte. Si c'était possible, pourquoi n'avez-vous pas déposé quelques amendements ?
Nous manquons, ce matin, une belle occasion de consensus, sur un sujet qui concerne l'ensemble des territoires et qui nous trouve en réalité tous d'accord.
En effet, comme le dit Yves Censi, il y a urgence, nous sommes face à une forte attente du terrain.
C'est l'occasion de répondre tous ensemble à une demande unanime des artisans de nos territoires, et de faire preuve ainsi de maturité.
J'ai bien compris que le seul défaut de cette proposition, au-delà des arguments avancés, qui ne me semblent ni valables ni pertinents, est d'émaner de l'opposition. Nous allons manquer, malheureusement, une belle occasion de faire preuve de maturité et de montrer à nos concitoyens que nous sommes capables, sur un sujet essentiel, de nous retrouver. C'est vraiment dommage. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
Je voudrais tout d'abord remercier tous les députés qui se sont exprimés. Ils ont bien montré l'intérêt et la volonté de la représentation nationale de s'emparer de ce sujet important qui touche de nombreuses entreprises et de nombreux territoires, aujourd'hui confrontés à des difficultés. Le consensus s'est dégagé sur la nécessité d'adapter notre droit pour qu'il intègre les indications géographiques protégées. La discussion a permis de faire avancer le débat puisqu'un certain nombre de propositions, d'analyses, d'inquiétudes ont pu se faire jour. J'ai entendu, sur l'ensemble de ces bancs, nombre d'exemples tirés des territoires, ainsi que des propositions pour la future loi que nous préparons avec Benoît Hamon, sur la consommation, pour la partie qui concerne mon collègue, et les IGP, pour celle qui me concerne.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour la qualité du travail que vous avez mené, sur ce texte comme sur le précédent, mais je ne peux vous laisser dire certaines choses. Certes, une étude d'impact a été réalisée sur la loi présentée par mon prédécesseur mais ce n'est pas le cas de tous les amendements adoptés – et ils étaient nombreux –, notamment celui que vous signalez à l'article 7.
En effet, le Sénat avait considérablement modifié le projet de loi présenté par le gouvernement de l'époque…
Cela n'a pas de sens ! On ne fait pas une étude d'impact à chaque article !
…ce projet que vous reprenez en partie aujourd'hui.
Je suis d'ailleurs assez étonnée de vous voir soutenir aujourd'hui des mesures que le gouvernement précédent avait demandé de rejeter (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
Nous ne vous reprochons rien, mais nous souhaitons que les dispositions qui auront vocation à protéger les produits manufacturés s'inscrivent dans un texte plus global répondant à certaines lacunes, certaines insuffisances mises en évidence ce matin au cours des débats.
Vous prévoyez une homologation par décret, et laissez donc à l'État l'initiative de mettre en oeuvre, ou non, l'IGP. Vous m'avez dit assez fort, monsieur Censi et monsieur le rapporteur, que le décret n'était pas le début de la procédure. Cependant, votre texte ne dit pas qui gérera la préparation des dossiers, qui les avalisera, qui contrôlera le respect du cahier des charges.
Vous indiquez que la préparation du dossier sera traitée par la DGCCRF, qui est bien un service de l'État. Dans votre projet, c'est donc bien l'État qui doit porter la pleine responsabilité de la mise en oeuvre des IGP. Votre texte est donc incomplet, car on ne voit pas comment les professionnels concernés seront associés.
Vous êtes moins regardants avec la refonte de la TVA ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
L'enquête publique que vous proposez est une bonne mesure, mais elle est loin d'être suffisante et ne permettra pas à chacun d'exprimer ses besoins de protection de son savoir-faire local. L'élaboration du cahier des charges doit relever d'une initiative associant les professionnels – le Gouvernement y veillera – comme c'est le cas aujourd'hui pour les produits alimentaires.
Monsieur Cinieri, vous proposez d'informer en amont les communes ou les collectivités territoriales de la demande de dépôt d'une marque empruntant leur nom. C'est une initiative louable et je suis sensible à vos arguments relatifs aux petites communes, qui n'ont pas les moyens de se défendre. Cependant, cette proposition est en contradiction avec le fonctionnement actuel du droit de la propriété intellectuelle et pose des problèmes techniques assez ardus. Qui sera chargé d'informer, et avec quels outils ? Qui portera la charge financière de prévenir les collectivités ? Il faudrait que cet organisme dispose de l'annuaire de l'ensemble des collectivités territoriales françaises, voire européennes. Votre préoccupation de prévenir les petites communes en amont est légitime, et l'on peut d'ailleurs se poser la même question pour les petites entreprises propriétaires d'une marque. Toutefois, elle pose des difficultés sur le plan technique, c'est pourquoi je préfère prendre le temps d'en examiner les modalités…
On ne sait pas comment joindre les collectivités ? Mais elles sont dans l'annuaire !
Vous ne définissez pas qui sera chargé de le faire, c'est le problème.
Cette proposition est intéressante, mais nécessite une réflexion plus poussée.
Monsieur Censi, je regrette la posture que vous avez adoptée depuis le début de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Lorsque vous parlez de mépris pour le Parlement, je dois vous dire que je suis choquée. Ayant été moi-même sur ces bancs durant cinq ans, j'ai le plus grand respect pour le travail parlementaire…
…notamment pour les initiatives parlementaires, comme je l'ai souligné dans mon intervention liminaire.
Dans ce cas, prouvez-le ! Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour !
Je regrette votre vision politicienne, monsieur le député, et je vous invite à vous reporter à l'ensemble de mes votes durant la législature précédente. Vous pourrez constater que j'ai toujours fait le choix de l'intérêt général, de la défense de ce qui me paraissait juste…
…parfois en désaccord avec la position de mon groupe parlementaire. Votre attitude, et les leçons que vous entendez me donner, monsieur le député, sont donc totalement injustifiées au sein de ce débat, un débat important qui nous permet d'avancer sur des questions légitimes.
Cela mériterait un rappel au règlement ! Je n'ai jamais vu un ministre donner des leçons au Parlement comme vous le faites ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il faut bien que je vous réponde, monsieur le député : puisque vous m'avez reproché d'avoir traité l'initiative parlementaire par le mépris, je tiens à réaffirmer l'attachement du Gouvernement au travail parlementaire.
Pour ce qui est des moyens dont disposent les communes pour défendre leur nom, je rappelle qu'elles bénéficient déjà d'une protection légale et jurisprudentielle contre les utilisations abusives de leur dénomination, en particulier quand les marques portent atteinte à leur image. Certes, cette protection mérite d'être renforcée, mais il n'est pas exact de dire que les communes ne disposent actuellement d'aucun moyen de se protéger.
Monsieur Bourdouleix et monsieur Cinieri, vous soupçonnez le Gouvernement de vouloir attendre le printemps prochain pour reprendre à son compte l'initiative des députés de l'opposition. Je remarque avec beaucoup d'intérêt que vous avez vous-mêmes repris, dans votre proposition de loi, les amendements qui avaient été ajoutés au texte initial par les sénateurs de gauche, en particulier Anne-Marie Escoffier, et que le gouvernement de l'époque n'avait pas soutenus.
Quant à la nécessaire articulation avec le droit européen, évoquée tout à l'heure par le président de la commission des affaires économiques, il ne s'agit pas pour nous, comme je l'ai précisé lors de mon audition par les commissions des affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat, d'attendre la législation européenne, mais de transmettre le texte du Gouvernement et d'échanger avec la Commission européenne pour s'assurer de sa conformité avec le droit européen. Il s'agit aussi, pour le Gouvernement, de prendre une initiative à l'égard de nos principaux partenaires européens, qui rencontrent, comme nous, des difficultés pour protéger leurs produits manufacturés, leurs produits artisanaux, leurs savoir-faire, qui constituent un atout pour l'ensemble des territoires européens. Nous prendrons le temps de mener une réflexion sur ces questions, qui trouveront une réponse dans le projet de loi sur la consommation.
Madame Allain, je partage un certain nombre de vos remarques, et j'ai bien entendu vos inquiétudes quant à la nécessité d'être exigeants sur le contenu du cahier des charges s'appliquant aux produits protégés, en termes de qualité, de transparence, d'information du consommateur, de respect de critères sociaux et environnementaux.
Mesdames Marcel, Fabre et Langlade et monsieur Braillard, je vous remercie pour vos observations et vos remarques pertinentes. Le Gouvernement souscrit pleinement à vos analyses et partage les craintes que vous avez formulées. Nous devons mettre à profit le temps qui nous reste avant la présentation du projet de loi sur la consommation pour l'améliorer encore en remédiant à ses imperfections. Je compte pour cela sur l'ensemble des parlementaires et tiens à dire à M. Chassaigne, qui a évoqué ce point, que tous ceux qui le souhaiteront seront associés à ce travail de préparation, qui nous permettra d'aller plus loin dans la protection de nos produits et du nom de nos collectivités. Le Gouvernement tient à ce que, sur ce sujet majeur, nous puissions échanger afin d'apporter une réponse la plus sécurisée possible sur le plan juridique.
Si l'objectif initial de cette proposition de loi est bien d'améliorer la protection, conformément à ce que nous souhaitons tous, le Gouvernement et l'ensemble des groupes de la majorité ne peuvent aujourd'hui souscrire à un texte…
N'avez-vous pas entendu les avis exprimés lors de la discussion générale, monsieur le député ? De nombreux députés ont souligné que cette proposition de loi ne pouvait être adoptée en l'état, et le Gouvernement les rejoint sur ce point. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques.
Je veux simplement faire une remarque sur la méthode, à l'intention de M. Censi et de quelques-uns de ses collègues. Je remercie Mme la ministre de la longue explication qu'elle a donnée et des arguments qu'elle a développés, et je veux souligner que la majorité actuelle fait preuve d'un respect total à l'égard des « niches » parlementaires, auxquelles elle s'efforce de garantir un débat complet.
La dernière fois, lorsque nous avons examiné les textes proposés par le groupe UDI, nous avons travaillé jusqu'à deux heures du matin, alors que le Règlement nous aurait permis d'arrêter à une heure. De même, nous passons systématiquement au vote sur les amendements, alors que ce n'était pas le cas durant la législature précédente. Les ministres prennent le temps de répondre et sont compétents sur le fond alors que, durant les cinq années précédentes, nous n'avions souvent droit qu'à des réponses elliptiques, données par des ministres dont la compétence ne correspondait pas toujours à celle du texte en examen.
Que nous ne soyons pas d'accord est une chose, c'est le jeu normal de la confrontation politique, mais il me semble que nous pouvons tous nous féliciter que les propositions de loi soient débattues complètement et que les ministres prennent soin d'apporter de vraies réponses sur le fond. Ne soyons pas désespérés de constater que la méthode a quelque peu changé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
L'amendement n° 7 vise à donner davantage de garanties aux consommateurs en renforçant la territorialisation du produit dans le cahier des charges. Ainsi, la nouvelle rédaction propose de cumuler les critères : la production, la transformation, l'élaboration et la fabrication devront être réalisées dans la zone d'indication géographique en question.
Avis défavorable. En effet, en accumulant les critères, vous rendez quasiment impossibles les IGP non alimentaires. La question s'est déjà posée au sujet des AOC, notamment au sujet des mouchoirs de Cholet, comme l'a rappelé notre collègue Bourdouleix. Il y a eu, au début du siècle précédent, des AOC pour quelques produits non alimentaires, mais cette pratique ne s'est pas généralisée, parce que les critères sont trop stricts. En retenant votre amendement, les critères deviendraient de même trop stricts pour les IGP, ce qui fait que l'application aux produits non alimentaires resterait purement théorique.
Madame la députée, je vous demande le retrait de cet amendement qui prévoit d'imposer, dans chaque cahier des charges, le cumul des critères de production, de transformation, d'élaboration et de fabrication. Cette obligation risque de conduire à un degré d'exigence trop élevé au regard des situations particulières. Là aussi, c'est au cahier des charges propre à chaque produit et à ses spécificités de définir les règles qui devront s'appliquer.
Je tiens à vous remercier pour cette proposition qui nous rappelle à tous combien les exigences de transparence attendues des cahiers des charges sont importantes, mais je vous demande tout de même le retrait de votre amendement.
Au sujet de cet amendement, je veux donner un exemple relatif à la coutellerie. Que ce soit à Laguiole ou à Thiers, nous avons des forges qui vont transformer l'acier, mais nous n'avons pas d'aciéries sur place : on ne va pas produire, sur le territoire géographique de fabrication du couteau, l'acier qui est ensuite transformé.
Voici un deuxième exemple : la corne utilisée pour les manches des couteaux ne provient pas de chez nous car les vaches sont tuées trop jeunes, mais elle est importée de pays où elle est prélevée sur des vaches de 10 à 15 ans, de sorte que son épaisseur lui permette d'être travaillée.
Il est vrai en revanche que le cahier des charges doit être très rigoureux. J'avais fait passer un amendement, que j'ai retrouvé dans le texte, visant à exclure de l'IGP l'assemblage, afin d'éviter que les produits soient constitués de pièces que l'on irait chercher un peu partout ailleurs.
C'est précisément le problème que je voulais soulever avec cet amendement. À l'origine, c'est bien parce que l'on disposait localement de bêtes à cornes que l'on a pu fabriquer ces couteaux. Aujourd'hui, l'on voudrait une IGP qui garde trace de cet héritage, alors que la corne est désormais importée.
À ce compte, pourquoi ne pas produire des raisins en Afrique, élaborer le vin à Bergerac et conserver ainsi l'appellation « vin de Bergerac » ? Eh bien non, si nous voulons avoir des appellations ou des IGP d'origine qui correspondent à une réalité, il nous faut être vigilants !
(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)
Amendement de cohérence.
(L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Cet amendement va dans le même sens que celui de Mme Allain. Mais au vu des débats, et convaincue par les arguments de M. Chassaigne, je le retire.
(L'amendement n° 6 est retiré.)
Amendement de précision rédactionnelle.
(L'amendement n° 2 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 1er n'est pas adopté.)
Cet amendement restructure le texte et consacre la jurisprudence en prévoyant que les collectivités territoriales bénéficient de l'usage exclusif de leur dénomination et de leurs signes distinctifs dans le cadre de l'exercice des missions de service public qu'elles assurent.
Lors de la discussion générale, j'ai entendu des réticences à l'égard de cette disposition, alors qu'il s'agit simplement d'écrire dans le code des collectivités territoriales ce que dit la jurisprudence. Je ne comprends pas que nous ne puissions pas nous retrouver sur un tel texte.
Vous laissez entendre, monsieur Fasquelle, que cette disposition réglerait toutes les situations ; je ne le crois pas. De surcroît, les communes sont déjà en partie protégées par la loi contre l'utilisation abusive de leur dénomination par des tiers. L'adoption de cet amendement entraînerait une remise en cause des marques déjà déposées, et plus généralement du droit de la propriété intellectuelle. Il est problématique de faire peser un risque généralisé sur des entreprises qui ont fondé leur modèle économique sur l'identité de leur marque. En tout état de cause, l'articulation entre cette proposition et le droit de la propriété intellectuelle applicable aux marques n'a pas été suffisamment étudiée et approfondie. Avis défavorable.
L'amendement de M. Fasquelle est un amendement de bon sens et de clarification rédactionnelle. Je regrette que le Gouvernement y soit défavorable.
Je profite de cette occasion pour prolonger la volonté très louable du président de la commission de nous proposer un discours de la méthode. Je reste perplexe devant cette attitude systématique qui consiste à rejeter l'amendement n° 2 , par exemple, qui était rédactionnel, parce qu'il vient de ceux dont on ne veut pas le texte.
On peut très bien adopter un amendement rédactionnel et voter contre l'article auquel il s'applique, de même que l'on peut voter un article après avoir regretté qu'un amendement que l'on proposait n'ait pas été adopté. Il faut aller jusqu'au bout. Il n'y a rien de plus inquiétant pour ceux qui nous regardent que de constater que le vote est tellement systématique qu'il en devient caricatural, conduisant à rejeter des propositions de bon sens qui n'engagent à rien de plus.
Pour revenir à cet amendement, je veux dire combien je suis étonné de votre réponse, madame la ministre. J'aimerais que vous me donniez quelques précisions. L'amendement consiste à renforcer l'usage par les collectivités territoriales de leur propre nom – ce qui est la moindre des choses – face à une entreprise, une personne morale ou une personne physique qui aurait déposé ce nom en tant que brevet.
Vous dites que cet amendement pose problème car il pourrait gêner des sociétés commerciales. Je vous redonne l'exemple de la commune de Laguiole, qui contredit totalement ce que vous venez de dire. N'ayant pas déposé son nom, la commune se retrouve attaquée en justice par quelqu'un qui, lui, l'a fait. Elle ne peut frapper de médaille ni même créer une identité visuelle. Face à cet amendement, qui entend protéger les communes, votre réponse consiste à affirmer qu'il risque de poser un problème aux sociétés commerciales ! Mais c'est précisément l'objet du texte !
Cela signifie-t-il que vous ne ferez pas en sorte, dans le projet de loi que vous déposerez sur la protection des consommateurs et sur la protection des communes, de protéger le nom des communes ? On pourrait comprendre, à la limite, que vous soyez défavorable à cet amendement pour des raisons politiques. Mais ne pas vouloir le voter pour des motifs qui sont en contradiction avec les objectifs affichés est incompréhensible, venant de vous. J'aimerais obtenir des précisions, car je trouve cela très grave.
Que cherche-t-on à protéger, madame la ministre ? Lorsqu'un individu dépose une marque, c'est son sens de l'innovation et son intelligence que l'on protège. Celui qui prend de court une collectivité territoriale et dépose le nom de celle-ci se montre malin et un peu vicieux, mais il ne fait pas preuve d'une intelligence ou d'un sens de l'innovation particuliers. Je ne vois pas en quoi le protéger apporterait quelque chose du point de vue de l'intérêt général.
C'est le cas dans beaucoup de domaines, y compris dans la sphère politique, lorsque quelqu'un dépose le nom de son adversaire pour l'empêcher de créer un site web à son nom.
Est-ce bien de protéger de tels comportements ? Je ne le crois pas.
Par ailleurs, ce parlement est devenu extrêmement partisan. Il est déplorable que 577 députés soient rémunérés alors qu'en réalité, leur boulot pourrait être fait par trois personnes : une qui voterait toujours « pour », une qui voterait toujours « contre », et la dernière qui toujours s'abstiendrait. Rien voir, rien dire, rien entendre : je ne pense pas que l'on financera longtemps 577 danseuses si l'on ne laisse pas un peu de flexibilité dans le bal !
En l'occurrence, il est anormal que ces 577 intelligences réagissent comme un seul homme, comme si l'on était dans cette publicité où « on se lève tous » pour une crème chocolatée. Je vous invite, mes chers collègues, à montrer que vous êtes toujours les détenteurs de la souveraineté nationale, et qu'au-delà de votre affection partisane, l'intérêt général prévaut. Parfois, on peut s'émanciper de son maître ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je viens d'entendre des propos parfaitement inacceptables. Je le dis comme je le pense. Certains de nos collègues passent de temps en temps et nous avons beaucoup de plaisir à les entendre, mais il est dommage qu'ils ne suivent pas l'intégralité des débats : cela leur éviterait de proférer des inepties pareilles. Je pèse mes mots.
Nous avons connu des débats sur des propositions de loi où un seul représentant de la majorité siégeait face à un nombre important de députés de l'opposition, parce que rien n'était soumis au vote. J'ai expliqué tout à l'heure que nous suivions une méthode différente, qui consiste à aller jusqu'au bout des débats. Nous ne sommes pas obligés d'être d'accord sur tout – c'est la règle de la démocratie –, mais nous débattons. La ministre donne des arguments, la majorité présente les siens, le rapporteur défend son texte. Il se trouve que cette proposition de loi vient nourrir une réflexion qui débouchera très rapidement sur un projet de loi. Nous ne travaillons donc pas pour rien. Nous n'avons pas de leçon à recevoir de vous, cher collègue ! C'est ce que je voulais vous dire au nom de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Je voudrais ramener un peu de sérénité dans cette enceinte. Je reconnais les avancées qu'a soulignées le président de la commission des affaires économiques, et je veux le remercier de nous permettre de débattre de ce texte, y compris des amendements.
Mais encore un effort, s'il vous plaît : vous n'avez fait que la moitié du chemin ! Il conviendrait de tirer les conséquences de nos échanges, notamment sur le fond, et de nous retrouver sur un certain nombre d'amendements ou d'articles, si ce n'est sur l'ensemble du texte. Je constate quand même une attitude de fermeture complète du débat, franchement désagréable.
Avec cet amendement, je ne fais que reprendre une jurisprudence constante, dont voici un exemple. Le TGI de Paris, dans son jugement du 14 mars 2007, a condamné Gérard L., qui avait déposé la marque « Paris 2016 » pour en faire un usage commercial, donnant raison à la Ville de Paris et au Comité national olympique et sportif français, qui avaient utilisé l'appellation « Paris 2012 » pour la promotion de la candidature de la capitale aux jeux olympiques de 2012, dans le cadre, donc, d'une mission de service public.
On pourrait multiplier ainsi les exemples de cette jurisprudence, qui est constante, et que personne d'ailleurs n'a jamais remise en cause. Or elle n'apparaît pas dans le code des collectivités territoriales. Comment pouvez-vous rejeter un amendement qui ne fait que la consacrer et protège ainsi le nom des communes ? C'est une attitude aberrante sur le fond. Oui, ayons des débats, et merci de nous le permettre ! Mais tirez-en les conséquences et retrouvons-nous au moins sur des propositions qui ne sont que des dispositions techniques et de bon sens. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
Il me semble simplement que cet amendement a été insuffisamment travaillé et qu'il ne prend pas en compte toutes les situations. En effet, il faut également tenir compte des entreprises installées sur un territoire et qui ont déposé le nom de leur commune ou de leur zone géographique, par exemple la verrerie de Biot, les pastilles de Vichy ou les différentes eaux minérales commercialisées sous le nom de leur commune. Le modèle économique de ces entreprises repose sur cette identité géographique, et le nom de la commune participe de leur notoriété. Il faudra donc mieux harmoniser le nom des communes et les IGP ; ce sera fait dans le texte d'ensemble que proposera le Gouvernement.
Je ne vais pas polémiquer avec notre collègue Julien Aubert, mais je crois qu'il faut éviter de s'ériger en donneur de leçons. Je siège depuis dix ans dans cet hémicycle et, comme beaucoup d'autres, j'y suis au service de l'intérêt général. Soyons donc attentifs à ne pas alimenter par certains propos l'antiparlementarisme et les populismes qui se développent dans notre pays. C'est très important. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Souvent, nous avons su nous retrouver, malgré nos différences de sensibilité, sur des textes ou des amendements de bon sens, qui répondaient à l'intérêt général.
Par ailleurs, je me permettrai une petite pointe, sinon polémique, du moins plus politique ; pour dire que votre amendement, qui invoque les missions de service public, risque d'être un couteau sans manche qui aurait perdu sa lame : en effet, vous n'êtes pas par principe très favorables au développement des services publics et, si vous limitez cette disposition aux missions de service public, elle risque de se transformer en coquille vide. J'ai lu en effet certaines motions de votre parti politique, et j'ai pu constater que les missions de service public y étaient souvent considérées comme des missions devant être privatisées.
Je voulais enfin souligner, au-delà de cette petite pique, qu'il faut être attentif au fait que, dans les collectivités territoriales, les dénominations et certains signes distinctifs sont utilisés comme leviers du développement économique local. Il ne faut donc pas limiter l'utilisation de ces dénominations et signes aux seules missions de service public. Mais, là encore, tout dépend de la définition que vous donnez des services publics…
(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)
Sur l'article 2, la parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l'amendement n° 4 .
Sans rouvrir le débat sur l'amendement précédent, il me semble que sa portée et son périmètre ont fait l'objet ici d'une véritable incompréhension. En ce qui concerne l'amendement n° 4 , que je vous propose avec Yves Censi, j'espère qu'il en ira différemment, car il touche au coeur du dispositif de protection des communes, et c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité le récrire à l'issue des auditions.
Il pose premièrement l'obligation d'information des collectivités territoriales. On me dit, et ce n'est pas la première fois, que le texte n'est pas assez précis. Mais perdons l'habitude de tout prévoir dans la loi ! La loi doit fixer un cadre, à charge pour le pouvoir réglementaire d'en préciser les modalités d'application. Ce qui est important ce matin, c'est de poser ce principe d'information.
Combien de communes en effet auraient pu réagir mais n'étaient pas armées pour le faire ? On nous explique qu'elles n'avaient qu'à, comme les entreprises, surveiller les dépôts de marque à l'INPI. Mais ce n'est pas sérieux ! Mis à part quelques très grandes communes qui disposent de services juridiques et ont déjà rencontré ce genre de difficulté, quelle commune va payer un organisme ou un fonctionnaire pour surveiller l'enregistrement des marques à l'INPI ? Ça n'a aucun sens ! C'est pourquoi cette disposition constitue vraiment une avancée importante en faveur des communes, puisqu'elles seront informées si un dépôt de marque comporte leur nom.
Cette obligation d'information déclenche ensuite un droit d'opposition, dans le cadre du droit des marques, tel qu'il existe aujourd'hui. En effet, comme le rappelait André Chassaigne, il n'est pas envisageable, notamment par rapport au droit européen, de récrire ce droit des marques.
Ce droit d'opposition peut fort bien passer, en amont, par le dialogue. Lors du dépôt de la marque Saint-Nicolas, on aurait évité une bataille judiciaire, qui a coûté beaucoup de temps et beaucoup d'argent, si, alertées, les communes concernées avaient pu nouer entre elles un dialogue constructif.
Cet amendement précise donc l'obligation d'information, le droit d'opposition et la possibilité pour les communes de défendre leurs intérêts dans le cadre du droit des marques.
Avis défavorable, puisque le texte, même modifié, pose des difficultés d'ordre rédactionnel, dès lors qu'il mélange l'obligation d'information qu'entraînerait toute utilisation du nom d'une collectivité et le droit d'opposition, uniquement applicable au dépôt d'une marque.
À ce titre, l'amendement n'introduit pas de nouvelle voie d'opposition mais complète simplement le droit d'opposition à l'enregistrement d'une marque lorsque celle-ci est déjà couverte par une indication géographique homologuée et, désormais, dès que la marque touche à un signe géographique, ce dernier point constituant le seul apport de l'amendement.
Je souhaite que l'ensemble des options soient analysées en profondeur, et c'est ce que nous proposerons dans le texte sur la consommation.
Je n'ai pas vraiment compris l'argumentation de Mme la ministre. Cet amendement est très logique, puisque, dans un monde ultra-médiatisé où l'on ne peut être au courant de tout, il vise à permettre à une collectivité locale victime d'une tentative de dépôt de marque d'en être avertie et de pouvoir s'y opposer. Ce me semble être un principe de bon sens.
Sans doute pourrait-on considérer que cette disposition pose des problèmes pratiques dans sa mise en oeuvre ; cependant les arguments de la ministre concernent non ces difficultés pratiques, mais un problème rédactionnel. Or je ne vois pas ce qui, dans la rédaction, pose problème.
Ayant été interpellé par deux de mes collègues, je voudrais d'abord préciser au président de la commission que je suis là depuis le début de ce débat. Il est vrai que j'ai le malheur de siéger tout en haut, ce qui me rend moins visible, mais j'ai bien entendu tous les arguments avancés. Or l'argumentation qui consiste à dire que ce n'est pas le bon moment et qu'il faudra revoter plus tard, c'est la huitième ou la neuvième fois que le Gouvernement nous le sert. Je me demande donc si, finalement, nous n'aurions pas dû suspendre la session pour reprendre nos discussions en mars ou avril…
Ensuite, monsieur Chassaigne, si l'on veut éviter que l'antiparlementarisme se répande dans ce pays, il faudrait que le Parlement arrête de fonctionner de manière bipartisane. J'ai débattu d'une dizaine de textes dans cet hémicycle, et je n'ai jamais vu un amendement de l'opposition adopté par la majorité.
Je vous ferai une liste ! Il y en a eu au moins dix dans ma proposition de loi !
Que l'on ait parfois tort, cela arrive ; mais lorsqu'on a toujours tort, celui qui a toujours raison devrait sans doute se poser des questions, car avoir toujours raison, cela ne se peut pas, et j'ai moi-même déjà voté des amendements de la majorité.
Permettez-moi, chers collègues, de rappeler l'épisode où, sur les questions qui nous occupent aujourd'hui, nous avons cosigné des amendements avec André Chassaigne, ce qui prouve qu'au-delà de nos divergences le consensus est parfois possible, quoique trop rarement.
Les réponses de la ministre sur l'amendement précédent et sur celui-ci me laissent penser qu'il y a entre nous un malentendu, et si vous voulez rejeter ces amendements, madame la ministre, répondez vraiment sur le sujet !
Au sujet de l'amendement précédent, vous expliquiez qu'on risquait de donner trop de pouvoir aux collectivités par rapport aux sociétés commerciales, alors que l'amendement portait sur les missions de service public. N'est-il pas normal qu'une collectivité soit prioritaire pour un usage exclusif de son nom dans l'exercice de ses missions de services publics ? Bien sûr que si, mais vous ne l'avez pas vu, et je commence à me demander si vous avez lu la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
Quant à l'amendement n° 4 , vous dites, soit qu'il serait compliqué d'informer les communes, soit que cela ne changerait rien, soit que notre texte est incomplet, puis vous faites référence à l'IGP. Mais cela n'a rien à voir, madame la ministre, et nous sommes au-delà de l'IGP. Je pense donc que vous vous êtes trompée, soit d'amendement, soit de jour, soit de texte… (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
Vous avez beau protester, c'est la vérité, et je le dis avec courtoisie, sans avoir employé de termes désobligeants. Pardonnez-moi donc si cette opposition critique vient perturber votre sommeil et votre bonheur, mais permettez-moi quand même de faire mon travail, c'est-à-dire de m'opposer !
Pour en revenir au fond du sujet, pourquoi nous opposer des arguments qui n'ont strictement rien à voir avec cet amendement ? Est-ce être désobligeant que de le demander ou est-ce dire la vérité ?
Si ce sont les arguments que vous nous opposez aujourd'hui pour refuser ce texte, je crains le pire pour le texte que vous nous proposerez en mars-avril 2013… ou 2014, je ne sais. J'ignore si vous persisterez dans l'opposition à nos propositions, mais cela n'a rien à voir avec l'IGP et l'on ne peut pas s'opposer à ce que les communes soient informées avant le dépôt d'une marque, ce qui éviterait une judiciarisation qui leur coûte fort cher. Madame la ministre, souhaitez-vous donc, oui ou non, protéger les communes et leur éviter d'aller régler leurs problèmes devant les tribunaux grâce à cette loi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.))
Monsieur Fasquelle, vous avez évoqué tout à l'heure le droit d'opposition des marques, mais précisément, avec cet amendement, vous le renforcez. Or on ne doit pas faire prédominer le droit d'opposition des marques sur le droit d'identification géographique protégée, et une marque, même si elle en a usé la première ne doit pas, du fait de cette antériorité, pouvoir s'opposer à l'utilisation d'un nom dans une identification géographique protégée.
Le droit des marques est une chose, le droit des identifications géographiques, sur lequel nous travaillons aujourd'hui et sur lequel nous reviendrons dans quelques mois en est une autre.
Mon collègue Censi a raison de dire que cet amendement ne touche pas à l'IGP. L'IGP concerne un territoire géographiquement délimité et obéit à un cahier des charges.
Nous traitons ici de l'utilisation des noms de commune. Or il peut y avoir un problème lorsque ces noms de commune sont devenus des noms génériques, tombés dans le domaine commun. On pourrait à nouveau citer l'exemple du Laguiole, mais il y en a d'autres : le vichy, toile de coton, le Sèvres, porcelaine, le chantilly, une dentelle au fuseau. Cela signifie qu'un artisan, qui ne serait pas domicilié à Vichy, Sèvres, Chantilly ou Laguiole, ne pourrait pas déposer une marque qui associe le nom générique Vichy, Sèvres, Chantilly ou Laguiole à un nom qu'il va créer pour identifier sa production, par exemple Laguiole-le Berger. N'oublions pas en effet que ces artisans doivent sans cesse innover et s'astreindre à un travail continuel de recherche sur le design, le produit, la communication car il est indispensable de renouveler certaines marques pour pouvoir commercialiser le produit.
Prenons l'exemple du couteau Le Saint-Amant. Admettons que soit créé le St-Amant Therias, par exemple, du nom de l'inventeur de l'économe que vous utilisez tous – c'est parce que nous sommes économes, en Auvergne, qu'on y a inventé l'économe pour peler les pommes de terre. (Sourires). Devra-t-il écrire aux trente et une communes françaises qui s'appellent Saint-Amant pour les en informer et devra-t-il le faire en lettre recommandée ? Passons. Ces trente et une communes, une fois informées, auront-elles pour autant un droit de regard sur le dépôt de la marque ?
Je veux bien que l'on s'oppose à ce texte, mais que ce soit pour de bonnes raisons et dans le cadre d'un vrai débat. Cela devient parfois surréaliste. J'ai l'impression que vous ne vous opposez à ce texte que par principe et que vous cherchez des arguments pour le rejeter sans vous y être vraiment intéressé. Je le regrette. La séance de ce matin et la qualité de notre travail ne donnent pas une bonne image du Parlement, alors que nous aurions pu faire du bon travail et adopter, tous ensemble, cette proposition. Le Parlement en serait sorti grandi (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
C'est un sujet dont nous avons débattu je ne sais plus combien de fois ! Vous prétendez que vous allez améliorer le texte. D'accord, mais comment ?
En premier lieu, il faudrait instaurer un droit d'information des communes qui, faute de pouvoir suivre les enregistrements de marques à l'Institut national de la propriété industrielle, réagissent après coup, une fois qu'il est trop tard, ou bien s'engagent dans des procédures longues et coûteuses puisqu'elles doivent parfois engager des avocats même si elles n'ont que peu de moyens. On en connaît les conséquences : il suffit de voir dans quelle situation se retrouvent le maire de Laguiole ainsi que les élus et les habitants.
Il faudrait également créer un droit d'opposition, lequel n'existe pas aujourd'hui pour les collectivités.
Le texte que nous vous proposons avec Yves Censi, Christian Jacob, Alain Marc et beaucoup d'autres députés, instaure un droit d'opposition, qui serait valable pour l'avenir, cher André Chassaigne. Il ne remet bien évidemment pas en cause les situations passées.
Le droit d'opposition ne signifie pas forcément que la commune pourra empêcher le dépôt de la marque, mais elle pourra défendre ses intérêts dans le cadre du droit des marques, en s'appuyant notamment sur les articles L.711-2, L. 711-3 et surtout l'alinéa h de l'article L. 711-4 du code de la propriété industrielle qui dispose que la commune pourra réagir si le dépôt de la marque porte atteinte à son nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale.
Des dispositions existent donc déjà dans le code de la propriété industrielle mais les communes l'ignorent, d'où la nécessité de ce texte qui leur permettra de se prévaloir des mesures existantes auxquelles elles n'ont pas réellement accès aujourd'hui.
(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à compléter la loi pour qu'elle réponde pleinement aux objectifs qu'elle s'est fixés : qu'une collectivité puisse défendre le nom d'un savoir-faire reconnu face à une marque, comme l'a illustré le cas de la marque Laguiole.
En l'état actuel de la rédaction, une marque enregistrée précédemment peut faire obstacle à la création d'une indication géographique reprenant son nom. Nous proposons de limiter cette possibilité au seul cas où la marque répondrait aux mêmes exigences que celles de l'indication géographique en question. Ce « garde-fou » permettrait de préserver la légitimité et l'exigence d'un savoir-faire par son appellation.
Avis défavorable. Nous avons déjà eu ce débat. Il faut étendre les IGP aux produits non alimentaires pour qu'elles jouent pleinement leur rôle, mais on ne peut pas remettre en cause le droit des marques, ce qui serait contraire au droit français, européen et international.
Il fallait trouver un équilibre. Nous n'y sommes pas parvenus tout de suite mais nous avons pu aboutir grâce aux débats qui se sont tenus à l'Assemblée nationale et à ceux du Sénat, à la suite d'une proposition qu'un sénateur socialiste avait déposée contre l'avis du Gouvernement. Et alors ? Je me suis bien opposé à Frédéric Lefebvre sur certains points, en tant que rapporteur. Il faut dépasser ces clivages.
Ce texte mûr et abouti a trouvé le bon équilibre entre la marque et les IGP. Le directeur de l'INPI et le responsable du service juridique que j'ai auditionnés sont d'ailleurs d'accord avec moi sur ce point.
Or, cet amendement va beaucoup trop loin et n'est pas conforme au droit français, européen et international des marques.
Avis défavorable puisque l'amendement a une portée plus large que l'objectif poursuivi. Il définit le droit d'opposition aux marques en général et pas seulement aux IGP. Il conviendrait d'étudier plus en détail les effets indésirables de cette extension et sans doute de reformuler la proposition.
Je partage l'avis du rapporteur et du ministre. J'ai bien écouté également M. Chassaigne et je voudrais vous mettre en garde. Nous sommes là pour l'avenir, pour empêcher des dérapages futurs. Je crains que l'adoption d'un tel amendement ne pose plus de problème qu'elle n'en résoudra, car nous allons nous retrouver dans une situation inextricable quant aux relations entre les marques et les appellations géographiques.
Certains propos de M. Chassaigne m'ont un peu gêné. Si j'ai bien compris, il évoquait l'hypothèse d'un artisan qui, sans habiter Laguiole, voudrait tout de même fabriquer un couteau selon le savoir-faire Laguiole et l'appeler Laguiole. Indépendamment du fait que l'on régit l'avenir et non le passé, pourquoi ne pas encourager justement des artisans qui voudraient améliorer le savoir-faire Laguiole, et créer, ailleurs, un produit qui portera une autre appellation géographique ? Nous sommes là pour préserver notre patrimoine, certes, mais ce serait une manière de créer de nouvelles marques d'appellation géographique qui permettront de rayonner dans le monde entier. Ne vivons pas sur nos acquis. Ce qui compte, au fond, c'est de protéger notre made in France contre la concurrence étrangère. Je crains que votre point de vue ne soit un peu trop conservateur. Pourquoi limiter la fabrication des couteaux Laguiole à la région de Laguiole ? Je crois pour ma part en l'innovation, en la capacité des artisans de s'approprier des mécanismes de fabrication, de les transformer pour créer de nouvelles marques ailleurs.
C'est vrai, il est possible de créer des produits nouveaux. Les couteliers thiernois ont ainsi vécu pendant plus d'un siècle de la fabrication du Laguiole et de nombreux produits de région, qui portent le nom d'une région ou d'une commune mais qui sont toujours fabriqués à Thiers. Ils ont créé voici vingt ans Le Thiers, protégé par un cahier des charges, et qui commence à devenir aujourd'hui la première production de couteaux fermants sur la ville de Thiers. Je suis donc parfaitement d'accord : il faut encourager l'innovation.
Cela étant, l'IGP va donner une labellisation. À partir d'un cahier des charges très strict, sur un territoire déterminé, il autorisera certains producteurs à se réclamer de l'appellation IGP pour la commercialisation de leur produit. Si ce produit est tombé dans le domaine commun, d'autres pourront le fabriquer et le vendre, comme cela se passe pour les Laguiole ; mais ils ne pourront pas se réclamer de l'IGP.
L'IGP n'est pas un signe exclusif, mais un plus donné par rapport à la qualité d'un produit, lié à un territoire, à un savoir faire, à notre patrimoine.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je prends acte de la présence de notre collègue Aubert depuis le début de nos travaux, ce qui m'avait échappé tout à l'heure, je vous prie de m'en excuser.
Que M. Geoffroy se rassure par ailleurs : voici un amendement sur lequel le rapporteur et le Gouvernement partagent le même avis. Aucun comportement n'est systématique dans ce débat.
Compte tenu des positions de M. le rapporteur et de Mme la ministre, je retire cet amendement, mais je trouve tout de même anormal qu'une marque puisse faire obstacle au dépôt du nom d'une IGP alors qu'elle a usurpé le nom sans rien demander à personne. J'espère que nous pourrons revenir sur ce point dans une loi ultérieure.
(L'amendement n° 9 est retiré.)
(L'article 2 n'est pas adopté.)
La parole est au rapporteur pour soutenir l'amendement de suppression n°5.
C'est un amendement de conséquence du déplacement de ces dispositions après l'article 1er.
Madame Allain, j'en profite pour vous signaler que d'ores et déjà, dans la proposition de loi telle qu'elle est déposée, une marque ne peut pas empêcher la création d'une IGP.
(L'amendement n° 5 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 3 n'est pas adopté.)
J'ai rédigé cet amendement très important à la suite des auditions auxquelles j'ai procédé. Il tend à donner une arme supplémentaire aux collectivités territoriales pour défendre leur nom. Vous savez que je partage ce souci avec Christian Jacob, avec qui j'avais déposé un amendement dans le cadre du projet de loi de Frédéric Lefebvre.
Il s'agirait en l'espèce de puiser dans le code des collectivités territoriales une disposition qui s'applique aux marques collectives. Il existe les marques collectives et les marques collectives certifiées mais nous ne nous inspirerions que du régime des marques collectives. Le nom des collectivités territoriales serait par définition une marque collective. Pour actionner le droit des marques collectives, la commune devrait simplement adopter un règlement d'usage, la marque collective n'étant efficace qu'à condition de s'appuyer sur un règlement d'usage.
Il y a là une avancée importante. On s'appuie sur le droit des marques, on ne le défigure pas, mais on permet aux collectivités territoriales de bénéficier pleinement de la protection du droit des marques. Protection tout d'abord à titre individuel : c'était l'amendement précédent, avec l'information et le droit d'opposition. Mais aussi, avec cet amendement, une protection à travers le droit des marques collectives. Je le répète, on part du principe que le nom des collectivités est une marque collective et, pour actionner le code de la propriété intellectuelle, il suffit à la commune d'adopter un règlement d'usage.
Tel est l'objectif de cet amendement qui va dans le sens de la protection des collectivités territoriales. Chers collègues, nous pourrions nous retrouver sur le vote de cet amendement et ainsi bien terminer notre matinée !
Cet amendement semble intéressant. En tout cas, il pose une véritable question. Mais en l'état du débat et de notre expertise, le Gouvernement donnera un avis défavorable.
Vous créez une présomption qui pourrait être contraire aux principes fondamentaux du droit des marques. En effet, pour qu'une marque existe, elle doit être nécessairement enregistrée, ce que notre loi prévoit, conformément au droit européen et international. J'y vois donc une incompatibilité européenne et internationale, qu'il faudrait analyser davantage pour ne pas commettre d'erreur.
J'appuie l'amendement déposé par Daniel Fasquelle.
Il s'agit de protéger le nom des villes. La difficulté à laquelle nous pouvons être confrontés, c'est qu'une entreprise s'approprie en totalité ou partiellement le nom de la ville, l'utilise, puis le protège au titre de sa marque, empêchant ainsi d'autres entreprises du même secteur de pouvoir l'utiliser à leur tour. Voilà notre souci. Cet amendement y répond parfaitement, car il permet de protéger le nom de nos villes.
Il y a de plus en plus de situations de cette nature, qui sont compliquées à gérer pour les villes. Le souci d'une collectivité n'est pas d'intervenir dans telle ou telle action commerciale. Or une entreprise peut décider d'utiliser le nom de la ville où elle est implantée, interdisant de ce fait à toute autre entreprise de pouvoir également l'utiliser. La collectivité se trouve alors dans une situation extrêmement complexe.
Avec cet amendement, nous souhaitons protéger le nom des villes et faire en sorte qu'il ne puisse pas être utilisé de cette manière par des entreprises comme un moyen concurrentiel.
La situation que vient de décrire Christian Jacob n'est pas une simple possibilité. En réalité, c'est ce qui se passe actuellement et c'est scandaleux ! C'est pourquoi il est urgent de légiférer.
Chacun a évoqué le cas de Laguiole et l'on pense souvent aux couteaux. Mais il n'y a pas que cela. Une même personne a déposé la marque Laguiole dans un grand nombre de classes de produits. Aujourd'hui, si un habitant de Laguiole veut ouvrir une boutique qui s'appellerait « Linge de Laguiole », il sera immédiatement convoqué devant le tribunal. Il ne peut pas utiliser le nom de la commune, du terroir où il vit, pour créer une activité dans sa propre commune !
Ou des royalties, ou bien il est obligé d'aller devant le tribunal, ce qu'il ne fera pas. Une personne qui veut créer une petite affaire n'a pas l'intention de se payer un avocat pour aller devant un tribunal.
Petit à petit, on se livre ainsi à un travail d'intimidation sous couvert de la loi. C'est pour cela que, tout à l'heure, j'ai parlé de spoliation, car normalement, ce bien est public. Comme le précise l'amendement que nous avons déposé avec Daniel Fasquelle, c'est un bien collectif, d'où l'idée particulièrement intéressante de parler de présomption de marque collective.
Tout à l'heure, madame la ministre, j'ai vu que vous le contestiez. J'aimerais que vous gardiez cette idée dans un coin de votre tête – je le dis de façon tout à fait respectueuse –, plutôt que de la rejeter avec des arguments qui, apparemment, ont dépassé votre pensée, notamment lorsque vous avez parlé des principes fondamentaux du droit des marques.
Je suis prêt à prendre des cours, car je suis sans doute un peu inculte, mais je n'ai jamais entendu parler des principes fondamentaux du droit des marques ! C'est peut-être une nouveauté, mais je vous conseille, au nom de ces principes qui n'existent pas, de les mettre de côté et d'être un peu plus ouverte à nos propositions. Si vous ne l'êtes pas aujourd'hui, je vous implore, madame la ministre, parce qu'il s'agit de la survie de certains de nos territoires, d'être un peu plus ouverte intellectuellement lors du prochain examen d'un texte concernant la protection du nom des communes.
Je connais les principes fondamentaux des lois de la République, mais pas les principes fondamentaux des lois des marques !
Madame la ministre, vous avez fait référence au droit européen et au droit international. Je suppose qu'en droit international, vous faites référence aux ADPIC, c'est-à-dire à l'accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce – en anglais, le TRIPS.
Partir du global pour aller au local en attendant que le droit international ou le droit européen vienne fixer la loi pose d'abord une question de principe. En bon souverainiste, j'ai tendance à considérer que c'est au Parlement de voter la loi. Je n'ai pas envie d'être une chambre d'enregistrement et d'attendre que cela se passe d'abord au niveau de Bruxelles. Et même d'un point de vue pratique, madame la ministre, le problème qui se pose aujourd'hui est avant tout un problème typiquement français. Il est évident que la France, terre d'artisanat, terre de lieux connus dans le monde entier, célèbre pour son savoir-faire, est aux avant-postes de ce problème. Il y a des pays où le problème ne se pose pas.
Par conséquent, pour qu'une loi mondiale naisse dans le magma de la mondialisation, il faudrait que tout le monde subisse ce problème. Or, comme ce n'est pas le cas, les seuls qui ont intérêt à être protégés pour l'instant, c'est nous et quelques autres pays qui ont encore un savoir-faire. Si nous attendons vingt ou trente ans, ce savoir-faire et ces marques auront été totalement broyés par la machine de la mondialisation et par le fait que nous aurons laissé sans protection les avantages que nous avions à protéger. L'argument consistant à dire « il faut attendre que le droit des marques évolue pour venir influer sur le droit français » est à mon avis un très mauvais chemin.
Faisons plutôt le chemin inverse, madame la ministre ! Adoptons une loi ! Et si la Chine, la Pologne ou je ne sais quel autre pays ne sont pas contents de notre application du droit des marques, l'organe de règlement des différends de l'OMC aura le temps de se réunir. En attendant, dans le doute, nous aurons appliqué le fameux principe de précaution et nous aurons sauvé notre artisanat et nos marques. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
Chacun a raison dans l'argumentation qu'il développe, mais il ne faudrait pas que nous bercions d'illusions ceux qui suivent nos débats.
Je ne sais pas si ce principe est fondamental, mais en théorie, il n'y a pas de rétroactivité de l'application d'une loi que l'on vient de voter, personne ne le conteste.
La proposition évoquée ici est tout à fait astucieuse. J'en conviens, la capacité que nous aurions à construire une muraille de Chine – pardonnez l'image – autour du nom des collectivités est intéressante.
Mais cela veut dire que l'on conforte pour l'éternité ceux qui auront utilisé et abusé de l'usage des collectivités préalablement au vote du texte. (« Non ! » sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) On les met dans une situation acquise et figée, alors qu'on neutralise l'usage pour la suite. Voilà pour ma première remarque.
Deuxième remarque, j'ai envie de vous dire, chers collègues : « Faute avouée est à moitié pardonnée ». Au cours des dix ans qui viennent de s'écouler, c'est une disposition que nous aurions pu prendre plus en amont pour que les dérives déjà constatées ne soient pas au rendez-vous aujourd'hui, s'agissant de l'abus d'usage des noms de nos collectivités. Donc, le fait que l'application ne pourrait pas porter sur l'antériorité pose un vrai problème.
Vous avez déposé un amendement intéressant qui porte une idée astucieuse, à laquelle il faut que nous réfléchissions, tout en veillant à la manière de traiter de la question de l'antériorité. Faute de quoi, nous risquons de figer des positions acquises de façon scandaleuse, comme vous l'avez tous dit.
Je veux remercier le président de la commission de ce qui me semble être un entrebâillement de la porte – je n'irai pas jusqu'à parler d'ouverture…
Sauf erreur de ma part, je lui rappelle que la rétroactivité en droit est impossible en matière pénale et qu'elle est extrêmement complexe en matière de droit des personnes, en particulier quand cela touche à l'état civil. Toutefois, dans toutes les autres matières, elle est possible pourvu qu'elle soit aménagée.
J'entends, monsieur le président de la commission, que, moyennant que le travail soit fait, vous ne seriez pas défavorable à ce genre de disposition. Cela devrait pouvoir éclairer un peu nos débats du printemps, puisque visiblement, il faudra que nous attendions quelques mois.
Non, il n'est pas perfectible. C'est ce que vous ne cessez de répéter depuis le début de la matinée. Vous dites que le texte est perfectible, mais vous n'avez déposé aucun amendement pour l'améliorer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Il ne serait pas assez précis selon vous. Eh bien, s'il n'est pas assez précis, précisez-le ! Et cessez de nous répéter toujours la même chose ! Sur le fond, aucun de vos arguments ne tient.
Votre seul argument consiste à dire qu'un projet de loi sera déposé au premier semestre 2013 et que notre texte n'est pas assez précis. D'accord, mais alors précisez-le ! Vous ne dites jamais en quoi il n'est pas assez précis. Si au moins nous pouvions le savoir, nous pourrions avancer !
S'agissant de l'antériorité, la disposition que nous proposons n'est valable que pour l'avenir puisqu'il y a une présomption de marque collective, et cela n'est déclenché que par le dépôt d'un règlement d'usage. Ce règlement d'usage, évidemment, n'est valable que pour l'avenir.
En ce qui concerne la rétroactivité, monsieur Brottes, j'attends avec impatience le projet de loi de Benoît Hamon. S'il remet en cause les marques déjà déposées, je crois que nous aurons beaucoup de plaisir dans cet hémicycle…
S'il y a bien un principe du droit des marques qu'il faut rappeler ce matin, c'est celui selon lequel on ne peut pas remettre en cause des marques précédentes. C'est d'ailleurs ce que vous-même et les sénateurs socialistes avez souhaité, avec lesquels vous devriez…
Nous avons eu ce débat, monsieur Brottes, mais vous n'avez pas été assez attentif. Le débat a eu lieu également au Sénat et j'ai précisément repris une proposition socialiste du Sénat qui prévoit que quand on crée une IGP, celle-ci ne remet pas en cause une marque précédente, mais qu'en même temps, une marque précédente ne permet pas le dépôt d'une IGP. Donc, sur l'articulation entre IGP et marque, ou entre marque collective et marque, le texte est abouti et suffisamment précis. Ne soulevez pas de difficulté là où il n'y en a pas !
En réalité, depuis le début de la matinée, vous avez une posture politique, vous avez décidé de vous opposer à notre proposition de loi parce qu'elle vient de l'opposition, alors qu'en réalité, le texte est mûr, il est prêt. C'est malheureusement une occasion manquée ce matin de nous retrouver autour de propositions pour lesquelles il y a urgence en matière de protection des artisans et de nos territoires. C'est vraiment dommage et les Français qui nous regardent ce matin ne peuvent que regretter le spectacle que nous leur offrons, car ce n'est pas celui que l'on attend d'une assemblée qui aurait pu s'accorder ce matin sur des sujets aussi importants et aussi vitaux pour nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.
L'Assemblée ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi ainsi que les articles additionnels, il n'y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la conférence des présidents.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Proposition de loi sur l'encadrement des grands passages et procédure d'évacuation forcée ;
Proposition de loi sur l'usage légal de la force armée par les représentants de l'ordre ;
Proposition de loi sur la création d'une médaille d'honneur du bénévolat.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron