Par cette précision, le texte veut empêcher l'appropriation privée d'un lieu. Il veut empêcher la dépossession par une entreprise du nom – qui est public – d'une commune à des fins commerciales – et privées, car c'est bien de cela qu'il s'agit.
Le régime des IGP, de son côté, offrira des garanties solides, notamment par le biais d'un cahier des charges et d'une procédure de validation finale par la puissance publique – je le répète, cela n'a rien de scandaleux – au travers d'un décret.
Par ailleurs, si l'IGP se justifie par son lien avec un territoire, il est bien évident qu'il n'est pas question de faire disparaître une activité simplement parce qu'elle n'est pas située dans le lieu géographique précis qui porte le nom du produit, cher André Chassaigne. Nous prônons une procédure qui favorise la transparence concernant la qualité, le lien au terroir qui fonde la valeur du produit. C'est donc un système gagnant-gagnant.
Ce que nous voulons surtout empêcher, c'est que des produits artisanaux, réputés français mais fabriqués à l'étranger, viennent inonder le marché sans respecter les savoir-faire locaux et la plupart du temps en mentant aux consommateurs sur leur origine. Les dégâts sont considérables. Je ne peux pas tous les citer mais enfin, nous savons tous qu'en fragilisant ainsi nos productions, ce sont nos territoires tout entiers qui sont en danger, et avec eux nos entreprises, nos emplois, notre tourisme, toutes nos capacités de développement… En fait nous nous privons de l'un de nos principaux leviers de création de valeur ajoutée.
Il n'est pas question de proposer une définition trop étroite des aires géographiques qui risquerait de priver du bénéfice de l'IGP certaines productions artisanales de qualité qui le méritent, comme la porcelaine de Limoges qui peut être peinte à Vierzon par exemple. À l'inverse, une définition trop large ferait perdre tout son sens au dispositif.
Le cahier des charges permettra justement de mettre d'accord l'ensemble des acteurs économiques du territoire national pour éviter que certaines activités – comme la fabrication de couteaux faits à Thiers mais portant le nom Laguiole – ne disparaissent et que certains territoires ne perdent leurs emplois.
Cette proposition de loi tend également à concilier le développement d'une entreprise qui a su s'appuyer sur un savoir-faire local et l'intérêt d'une commune. En effet, un maire pourra défendre l'honneur de sa commune si le nom de celle-ci était utilisé par une marque dans des conditions qui, pour une raison ou une autre, porteraient atteinte à son honorabilité ou à ses intérêts.
S'il ne crée pas un droit de blocage des collectivités sur le dépôt de marque, ce dispositif leur permettra au moins d'être informées et de faire connaître leur opposition si la marque porte atteinte à leur nom, à leur image ou à leur renommée.
D'une part, les collectivités concernées devront être informées de l'utilisation de leurs nom ou signes distinctifs lors de tout dépôt de marque. D'autre part elles auront la possibilité d'agir en amont en faisant connaître leur opposition, alors qu'actuellement elles ne peuvent agir qu'en aval en contestant la validité de la marque déposée. C'est un point qui me paraît majeur.
Enfin, l'article 3 de la proposition de loi, auquel je suis particulièrement attaché, consacre la disponibilité pleine et entière des collectivités territoriales sur leur dénomination. J'espère que ce point sera pris en compte, madame la ministre, dans le projet de loi qui devrait être déposé au premier senestre.
En effet, si la jurisprudence reconnaît qu'il est de l'intérêt général de préserver leur disponibilité, les noms géographiques ne font l'objet d'aucune protection spécifique, de sorte que, par exemple, le dépôt d'une marque portant le nom d'une commune confère à son titulaire un droit privatif. Dès lors, ce dépôt est susceptible d'anéantir les droits antérieurs dont dispose la commune sur son nom et de la priver de la possibilité d'exploiter son propre nom. Madame la ministre, je trouve déjà anormal qu'un individu puisse s'acheter le nom d'une commune pour quelques centaines d'euros alors que c'est un bien public. Mais il est carrément scandaleux qu'il puisse exiger de la commune des royalties lorsqu'elle crée une identité visuelle ou souhaite frapper des médailles ! C'est notre droit actuel. C'est pourquoi il est urgent de le modifier.
Ce nouveau dispositif sera donc un pas en avant considérable pour empêcher une entreprise de s'approprier le nom d'un territoire. En déposant ce nom dans toutes les classes de produits, une seule entreprise peut interdire à tout un territoire de développer librement des activités ! C'est une injustice, c'est une incohérence du droit, c'est un droit de spoliation auquel nous devons mettre un terme.
Mes chers collègues, en votant cette proposition de loi, vous rétablirez l'équité juridique, vous permettrez de créer de la croissance, vous donnerez un nouveau souffle à nos artisans, à nos terroirs et à nos régions, vous protégerez notre identité et notre singularité dans la mondialisation.
C'est un sujet qui doit dépasser les clivages politiques et rassembler toutes celles et ceux qui sont attachés à la défense de notre patrimoine artisanal, industriel et culturel. C'est pourquoi je vous remercie de voter tous ensemble ce texte dès ce matin. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)