Intervention de Dino Cinieri

Séance en hémicycle du 6 décembre 2012 à 9h30
Mieux protéger les indications géographiques et les noms des collectivités territoriales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDino Cinieri :

Le 9 octobre, nous avons auditionné en commission des affaires économiques MM. Vincent Alazard, maire de Laguiole, et Michel Bras, chef d'un restaurant gastronomique et originaire de Laguiole. Je garde un souvenir ému de cette audition car elle sonnait comme un appel au secours d'amoureux de leur pays aveyronnais, qui sont dépossédés de leur village.

Depuis 1994, la municipalité enchaîne les actions en justice pour que ses artisans puissent continuer à utiliser le nom de leur commune. Pourquoi ne le peuvent-ils pas, me demanderez-vous ? Parce qu'un groupe industriel sans aucun lien avec l'Aveyron, qui fabrique des couteaux en Chine, a déposé en 1993 une marque « Laguiole » pour 38 des 45 classes de produits et services existant à l'Institut national de la propriété industrielle.

Ainsi, alors que le couteau laguiole est né à Laguiole, la justice estime que le caractère générique du mot « Laguiole » ne désigne qu'une forme de couteau. Elle considère également que la notoriété du village est faible alors que selon le sondage réalisé par TNS, le taux de notoriété spontané de Laguiole est de 47 %.

À ce jour, aux termes de l'article L.711-1 du code de la propriété intellectuelle, la marque est un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale et les noms géographiques peuvent notamment constituer un tel signe.

Le dépôt de la marque « Laguiole » se situe donc dans la droite ligne d'une jurisprudence constante. Il existe d'autres marques constituées de noms géographiques très connus évoquant des lieux paradisiaques, des villages charmants ou des contrées du bout du monde, et de grandes entreprises françaises ne se privent pas de déposer des noms de lieux géographiques français ou étrangers.

Le cas de Laguiole est un exemple parmi d'autres. On peut en effet recenser plus d'une centaine de marques, comme Mont-Saint-Michel par exemple.

Certes, la justice est indépendante, mais le législateur peut modifier la loi, comme l'a très bien rappelé notre président de commission, Et notre excellent rapporteur Daniel Fasquelle d'ajouter que là où il y a une volonté, il y a toujours un chemin.

C'est pourquoi nous sommes ici ce matin. La présente proposition de loi concerne deux sujets distincts : d'une part les indications géographiques appliquées aux produits artisanaux et manufacturiers et d'autre part la protection des dénominations des collectivités territoriales.

À l'heure de la mondialisation de l'économie et de la concurrence, ces deux problématiques sont connexes et s'inscrivent dans une même perspective : celle de renforcer la reconnaissance des savoir-faire des entreprises françaises en s'appuyant sur les identifiants forts que sont les noms des collectivités territoriales. Car ces noms permettent une identification des produits à un terroir, une histoire ou une renommée.

Actuellement, rien n'est prévu pour les produits non alimentaires, la législation européenne n'obligeant qu'à apposer l'indication géographique des produits importés dans l'Union, et ce pour de simples raisons d'ordre douanier.

Dans un pays comme la France célèbre pour sa porcelaine de Limoges, ses chaussures de Romans, sa coutellerie de Thiers ou ses tapisseries d'Aubusson, cet enjeu est particulièrement important tant sur le plan de l'économie que du point de vue de son rayonnement.

En 2011, consciente que les consommateurs ont un vrai désir de proximité et d'authenticité concernant les produits artisanaux et manufacturés, l'ancienne majorité soutenait un projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs dont notre ami Daniel Fasquelle était rapporteur.

Ce projet de loi comportait un article relatif aux indications géographiques des produits non alimentaires et la commission avait également adopté un amendement visant à mieux protéger les noms des collectivités territoriales à l'encontre des usages dévoyés ou déloyaux.

Ce texte n'a malheureusement pas abouti, et le problème persiste.

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