Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 16 avril 2015 à 9h30
Accord d'association union européenne-moldavie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, l’accord d’association avec la Moldavie que nous examinons aujourd’hui est un texte important, non seulement pour ce pays, mais aussi pour notre Union européenne. En effet, il pose la question de la poursuite, ou non, du processus d’élargissement, donc celle des limites de l’Union européenne et de ses finalités. Avant de présenter ce pays attachant qu’est la Moldavie, puis les clauses de l’accord, je voudrais donc rappeler son contexte institutionnel et géopolitique.

Ce contexte, cela a été dit par Mme la secrétaire d’État, c’est le Partenariat oriental de l’Union, initié en 2009. Il est tourné vers six pays de l’espace post-soviétique : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine. Il a consisté à proposer à ces pays une association politique à l’Union, assortie d’une intégration économique à celle-ci, cela passant par la conclusion d’accords d’association comportant un volet économique très étoffé.

Aujourd’hui, cette démarche est légitimement critiquée, pour deux raisons principales. D’abord, du fait des divisions internes sur la question, l’Union européenne a laissé planer une grande ambiguïté sur les perspectives d’évolution future des relations avec les pays concernés. Ce partenariat constitue-t-il oui ou non une offre d’adhésion ? Par ailleurs, les accords d’association proposés et finalement signés avec trois de ces pays, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine, prévoient tous, à quelques différences minimes près, le même cadre exigeant d’intégration économique, avec reprise de l’acquis communautaire, sans tenir compte des spécificités des pays concernés ni des intérêts des pays tiers, à commencer, en premier lieu, par la Russie.

On sait que dans le cas de l’Ukraine, c’est la décision de l’ancien président Viktor Ianoukovitch de ne finalement pas parapher le projet d’accord d’association au sommet du Partenariat oriental à Vilnius en novembre 2013 qui a entraîné la révolution dans ce pays. L’application qui a été faite du Partenariat oriental a donc joué un rôle déclencheur dans la crise ukrainienne actuelle, même si les causes profondes de cette crise sont internes au pays.

Les choses se présentent heureusement mieux en ce qui concerne la Moldavie. Ce petit pays a pourtant été confronté, suite à son indépendance en 1991, à plusieurs handicaps. Le premier est celui de son identité complexe, fragile et récente. Au moment de l’indépendance, la majorité roumanophone du pays était travaillée par des mouvements favorables à la réunification avec la « grande Roumanie », ce qui a encouragé, en réaction, les tendances séparatistes de la minorité gagaouze, qui parle une langue turque mais qui est en fait largement russifiée, et surtout de la population majoritairement slavophone de la région de Transnistrie. Après une sécession violente et soutenue militairement par la Russie, la Transnistrie est devenue un État de facto, dépourvu de reconnaissance internationale, et le conflit n’a toujours pas été réglé. Quant à la Gagaouzie, l’élection du gouverneur local le 22 mars dernier a vu le triomphe d’une candidate au slogan explicite : « Ensemble avec la Russie ».

Viennent ensuite les faiblesses économiques et démographiques. Économie agricole dont le vin et les fruits sont traditionnellement les principaux produits d’exportation, la Moldavie reste le dernier pays d’Europe pour la richesse par habitant et même l’un des derniers dans l’ex-URSS. Seuls le Kirghizistan et le Tadjikistan sont encore plus pauvres.

Du fait de cette situation économique, la situation démographique est extrêmement difficile : pour 3,5 millions de personnes vivant dans les limites de la République de Moldavie – dont 500 000 dans la région séparatiste de Transnistrie que le pouvoir central ne contrôle pas – il y a au moins un million de Moldaves qui sont partis à l’étranger. Durant les dix dernières années, entre les recensements de 2004 et 2014, la population résidente a diminué de 14 % – j’insiste sur ce chiffre : quel autre pays de l’Europe a vu sa population diminuer, en dix ans, dans de telles proportions ? – et les actifs sont aujourd’hui moins nombreux que les retraités. Dernier chiffre frappant : 27 % du PIB provient des envois d’argent des Moldaves de l’étranger.

C’est d’ailleurs principalement en raison de cette situation démographique que la Moldavie est le premier – et pour le moment le seul – pays du Partenariat oriental à bénéficier depuis avril 2014 de la levée de l’obligation de visa pour les séjours de moins de trois mois dans l’espace Schengen. Sa pauvreté et son engagement proeuropéen valent aussi à la Moldavie un niveau très élevé d’aide européenne, actuellement de l’ordre de 100 millions d’euros par an.

Malgré ces handicaps, la Moldavie peut revendiquer plusieurs réussites.

D’abord, dans un espace post-soviétique où ce n’est pas si fréquent, c’est une véritable démocratie parlementaire et l’un des pays les plus avancés de la zone s’agissant du rapprochement avec les standards occidentaux d’État de droit et de gouvernance. Si le système politique moldave a une faiblesse, c’est plutôt de ressembler à notre IVe République ou à la Belgique actuelle. Les crises politiques sont fréquentes et parfois interminables. L’actuel Président de la République a ainsi été élu après plus de deux années de vacance du poste. Les dernières élections législatives ont eu lieu le 30 novembre 2014 et ce n’est que le 18 février qu’un nouveau gouvernement a été mis en place pour succéder à celui de Iurie Leanca, à qui je souhaite rendre hommage, parce que si cet accord d’association a été signé, c’est aussi en grande partie grâce à son implication. De plus, ce gouvernement repose sur une coalition assez improbable entre deux partis proeuropéens et le Parti communiste, qui le soutient sans y participer, et son avenir est incertain. Remarquez, il y a aussi en France des partis qui soutiennent sans participer, ça peut donc tenir.

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