Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 16 avril 2015 à 9h30
Accord d'association union européenne-moldavie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

C’est de surcroît un discours de vérité vis-à-vis de nos partenaires du Partenariat oriental, car les conditions ne sont évidemment pas remplies pour leur adhésion. Tout d’abord, ces pays à la démocratie balbutiante, encore gangrenés par la corruption et au niveau de vie très bas, sont loin de respecter les critères politiques, juridiques, démocratiques et économiques requis. Ensuite, dans la période de crise que nous traversons, les opinions publiques européennes ne sont pas prêtes à absorber un nouveau choc économique et psychologique consécutif à une adhésion. Enfin, priorité doit être donnée aux pays ayant déjà obtenu le statut de candidat officiel ou potentiel, notamment ceux des Balkans occidentaux, étant entendu qu’aucune nouvelle adhésion ne saurait intervenir avant cinq ans au minimum. Je rappelle que c’est la position du président Juncker.

L’Union européenne ne saurait cependant rester sourde à l’attente de la Moldavie, qui a besoin de nous pour encourager ses institutions démocratiques et soutenir son développement économique et social, entravé par plusieurs facteurs de fragilité. Fertile mais dépourvue de ressources naturelles et peu industrialisée, son économie a pâti de l’effondrement de l’URSS. Outre le traumatisme moral, la sécession de fait de la Transnistrie, son principal bassin industriel, a aggravé ses difficultés économiques. C’est malheureusement le même type de combat que dans le Donbass. En dépit de la prise de conscience des pouvoirs publics, la corruption, ennemie de la démocratie et amie de la pauvreté, y sévit encore, notamment dans le système judiciaire. La Moldavie souffre d’une instabilité politique chronique, due à la polarisation entre proeuropéens et prorusses et à une Constitution que l’on peut qualifier de baroque – je ne suis pas d’accord avec le rapporteur, cela ne ressemble en rien à ce qui existe en Belgique –, qui conditionne l’élection du Président de la République à une majorité de 60 % des suffrages des 101 députés. Elle est privée de l’essentiel des forces vives des classes d’âge actives, qui émigrent en masse pour échapper à la pauvreté. Enfin, sa population étant éclatée entre plusieurs nationalités dont les trajectoires historiques se percutent, elle est en proie à un profond trouble identitaire.

Cet accord d’association, qui fait suite à la levée de toute obligation de visa pour les voyages touristiques en avril dernier, constitue une bonne formule intermédiaire. Il ne donne pas d’espoirs illusoires d’adhésion, mais un signal clair de la volonté de l’Union européenne de se montrer solidaire, en envisageant sur le long terme un développement des échanges commerciaux ainsi qu’une coopération politique, administrative et économique privilégiée.

N’oublions pas que la question européenne est au coeur du débat politique moldave, au point que les coalitions au pouvoir pendant vingt ans se sont baptisées « Alliance pour l’intégration européenne » puis « Coalition pour un gouvernement proeuropéen ».

Les élections législatives du 30 novembre dernier ont toutefois offert à la Moldavie un paysage politique inédit, puisque l’éclatement des proeuropéens en deux camps, sur fond de problèmes de corruption, a conduit à l’investiture d’un gouvernement minoritaire, bénéficiant du soutien sans participation du Parti communiste.

Reste que les efforts de la Moldavie pour faire avancer son agenda européen sont régulièrement salués par les institutions européennes. Dans son rapport annuel sur la mise en oeuvre de la politique européenne de voisinage en Moldavie publié il y a trois semaines, la Commission européenne constate la bonne situation en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales, ainsi que les progrès réalisés pour se conformer, avant même son entrée en vigueur, aux dispositions de l’accord d’association relatives à la libre circulation des marchandises, aux réglementations communautaires sectorielles, aux tarifs douaniers, aux normes sanitaires et au droit des affaires. Tout cela fait de la Moldavie une bonne élève de la politique de voisinage.

Après M. le rapporteur, je vous invite par conséquent, mes chers collègues, à accueillir positivement le présent projet de loi de ratification.

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