Intervention de Chantal Guittet

Séance en hémicycle du 16 avril 2015 à 9h30
Accord d'association union européenne-moldavie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Guittet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des affaires européennes, chers collègues, nous sommes saisis du projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la République de Moldavie, signé le 27 juin 2014 à Bruxelles. La Moldavie, très souvent réduite à la Syldavie de Tintin, qu’elle aurait inspiré, est au carrefour de l’Union européenne et de l’ancien espace soviétique.

Plusieurs raisons nous conduisent à soutenir le rapprochement entre cette ancienne république de l’URSS, indépendante depuis 1991, et l’Union européenne.

En premier lieu, ce rapprochement fait écho à une volonté exprimée démocratiquement, à plusieurs reprises, par les Moldaves. Il y a vingt ans, déjà, en 1994, un accord de partenariat et de coopération avec l’Union européenne a été signé. Puis, en 2004, la Moldavie a été incluse dans le champ de la politique européenne de voisinage. En 2005, elle a même accepté le déploiement d’une mission d’assistance de l’Union européenne sur sa frontière commune avec l’Ukraine, entre Tiraspol et Odessa. L’orientation européenne de la Moldavie a commencé très tôt, alors même que le Parti communiste était toujours au pouvoir. Le président Voronine a poursuivi et accompagné cette démarche, au cours de ses deux mandats.

En 2009, l’orientation européenne du pays a été accentuée avec l’arrivée au pouvoir d’une coalition proeuropéenne. La même année, la Moldavie s’est engagée dans le Partenariat oriental proposé par l’Union européenne. Elle est aujourd’hui, je crois, l’État le plus avancé dans ce Partenariat, puisqu’une partie importante de l’accord d’association est appliquée, à titre provisoire, depuis le 1er septembre 2014, et qu’une dispense de visa pour les courts séjours dans l’espace Schengen est effective depuis le mois d’avril 2014. L’orientation proeuropéenne de la Moldavie a été confirmée par les élections de novembre 2014. Les Moldaves ont reconduit une coalition proeuropéenne, malgré une crise politique de trois ans, après laquelle le président Nicolae Timofti a été élu.

Deuxièmement, nous devons soutenir le rapprochement avec la Moldavie pour stabiliser le voisinage de l’Union européenne à l’est. La Moldavie, depuis son indépendance, a connu plusieurs conflits, dont celui de la Transnistrie qui est réputé gelé. Par ailleurs, la région autonome de la Gagaouzie, située au sud-est du pays, à quelques dizaines de kilomètres seulement de l’Ukraine, est fortement peuplée de russophones. Dans le cadre d’un référendum illégal, elle s’est prononcée en faveur d’une union douanière avec la Russie plutôt qu’avec l’Union européenne. Il est important de stabiliser cet espace, un espace important de déstabilisation, à proximité de la Crimée, notamment d’Odessa, dans une zone que la Russie considère comme l’une de ses zones d’intérêt privilégiées.

L’accord d’association fixe un cadre pour la coopération. Il prévoit, dans de très nombreux domaines, un programme complet de rapprochement progressif de la législation moldave avec les acquis européens. La Moldavie a déjà engagé de nombreuses réformes : réforme du secteur judiciaire, dispositions anti-corruption. Elles doivent se poursuivre et je pense que le dialogue politique prévu par l’accord d’association y contribuera.

L’accord de libre-échange, qui est le pilier de l’accord d’association, vise à supprimer quasiment tous les droits de douane, en valeur commerciale, pour la Moldavie. Cet accord pourrait, de ce fait, susciter une volonté d’avancer dans la résolution du conflit de Transnistrie, puisque l’accord dispose qu’il ne s’appliquera à cette région que lorsque le contrôle de l’État moldave sur ce territoire sera effectif.

L’intérêt économique pourrait, dans un contexte où la démarche politique n’a pas abouti, être plus fort que les armes, plus fort que le conflit. Il faut aller jusqu’au bout de cette démarche. L’accord d’association doit permettre d’accompagner la Moldavie dans les réformes indispensables que ce pays a encore à accomplir, afin de créer un espace de stabilité et de prospérité autour des frontières de l’Union européenne. C’est un enjeu majeur pour l’Europe.

Enfin, en troisième lieu, nous devons soutenir ce rapprochement pour consolider nos relations avec le pays le plus francophone d’Europe orientale, comme M. le rapporteur l’a rappelé.

D’un point de vue strictement commercial, la portée de l’accord est limitée, dans la mesure où le montant de nos échanges avec la Moldavie est relativement faible. Les échanges commerciaux bilatéraux demeurent limités, même s’ils sont en hausse, puisqu’ils sont passés de 75 millions d’euros en 2012 à 101 millions d’euros en 2013. La France compte parmi les principaux investisseurs étrangers en Moldavie. M. Mariani a cité les principales entreprises présentes dans le pays : Orange Moldova, Lafarge, Lactalis et la Société générale, qui est l’actionnaire majoritaire de la Mobiasbanca, la cinquième banque moldave. Ces entreprises devraient bénéficier d’une amélioration du climat dans ce pays, tandis que d’autres pourraient, nous l’espérons, envisager de s’y installer.

Mais surtout, il faut soutenir le développement économique du pays le plus francophone d’Europe orientale, devant la Roumanie. Pour des raisons historiques et culturelles, plus de 50 % des élèves moldaves choisissent d’apprendre le français, qui reste la première langue étrangère enseignée devant l’anglais. Notre dispositif de coopération culturelle et linguistique repose sur l’Alliance française de Chiinau, premier établissement culturel d’importance dans la capitale, qui a fêté ses vingt ans en 2012. Elle dispense de nombreux cours de français.

Notre coopération a donc pour objectif le renforcement de la francophonie, mais aussi la formation des nouvelles élites, la promotion de la diversité culturelle et le soutien aux institutions publiques via des actions de formation des fonctionnaires. Des cofinancements sont organisés avec des bailleurs francophones – l’Agence universitaire de la francophonie ou l’Assemblée parlementaire de la francophonie. La coopération culturelle prévue dans le cadre de l’accord d’association pourrait constituer un outil, parmi d’autres, de promotion des échanges entre nos pays. En l’absence d’une volonté politique forte, le déclin prévisible et annoncé de la francophonie au sein des jeunes générations moldaves sera difficile à enrayer. Il faut être très attentif à ce point.

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