Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à saluer l’opportunité que nous avons de débattre ce matin, en procédure ordinaire, d’un accord qui a toute son importance. En effet, à travers ce projet de loi, c’est de l’avenir de nos relations avec la Moldavie, mais aussi de l’avenir de l’Union européenne avec la Russie, que nous parlons. Il s’inscrit dans le contexte du Partenariat oriental de l’Union, par lequel, je le rappelle à mon tour, il a été proposé à six pays, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine, une association politique, assortie d’une intégration économique. C’est d’ailleurs la décision de l’ancien Président ukrainien de ne pas parapher le projet d’accord d’association, en novembre 2013, qui a entraîné la révolution dans ce pays. C’est dire son importance.
La Moldavie est un territoire méconnu, à l’identité complexe. Les occasions pour la représentation nationale de parler de ce pays sont trop rares. Il représente pourtant pour la France et pour l’Union européenne de vrais enjeux.
Figurant parmi les pays les plus pauvres du continent européen, le rapporteur l’a rappelé, la Moldavie a d’importantes faiblesses économiques et démographiques. Sa pauvreté et son engagement pro-européen lui valent un niveau très élevé d’aide européenne. Il convient de souligner qu’en dépit de crises politiques fréquentes, elle est une véritable démocratie parlementaire et bénéficie aujourd’hui d’une croissance assez dynamique. Elle est aussi l’un des pays les plus avancés de la zone s’agissant du rapprochement avec les standards occidentaux d’État de droit et de gouvernance.
À la fois ancienne république soviétique et jeune démocratie, la Moldavie semble sans cesse divisée entre ses orientations européennes et pro-russes. Cette division domine depuis plusieurs années les débats politiques et les campagnes électorales. Partagée entre son histoire et ses espoirs européens, la Moldavie est tiraillée entre ce proche étranger qu’est la Russie et la promesse d’un partenariat économique que représente l’Europe. La crise en Ukraine, qui impacte fortement la Moldavie, est venue renforcer cette division, illustrée par la situation de la Transnistrie. C’est en effet à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie, en mars 2014, que la Transnistrie a multiplié les demandes de reconnaissance de sa volonté séparatiste vis-à-vis de la Moldavie. La dépendance de ce pays, tant économique que politique, à l’égard de la Russie est encore très prégnante. Nous savons que la signature d’accords d’association avec d’anciennes républiques soviétiques fait l’objet de réserves de la part de la Russie. Pour autant, l’avenir de la Moldavie n’a pas vocation à devenir un facteur de rupture entre les deux parties de l’Eurasie : il doit plutôt favoriser le partage, les échanges et les synergies.
Par cet accord, nous n’avons pas à opposer la Russie à l’Union européenne. Au contraire, la dualité moldave peut être considérée comme une richesse, une source de complémentarité qui nous permettra de créer une meilleure synergie entre la Russie et l’Union européenne.
Sur le terrain de l’économie, principal objet de l’accord, la Moldavie peut devenir l’un des éléments d’un renouvellement des relations entre les deux branches de l’Eurasie.
Bien entendu, si l’accord précise qu’il ne préjuge en rien d’une éventuelle perspective d’adhésion de la Moldavie, la question de l’élargissement de l’Union s’inscrit en filigrane dans ce débat. Nous savons d’ailleurs que le souhait de la Moldavie de rejoindre l’Union européenne a constitué une ligne rouge pour certains États membres lors des négociations. Si elle n’a pas à ce jour fait clairement le choix de l’Europe, la Moldavie s’en est néanmoins rapprochée depuis quelques années. En effet, l’arrivée au pouvoir, en 2009, d’une majorité pro-européenne a accéléré le processus d’alignement de ce pays sur les standards européens et occidentaux s’agissant de l’État de droit. Nous pouvons nous en réjouir. Dans un climat ambiant d’euroscepticisme, des États souhaitent rejoindre l’Union européenne et ainsi prendre part à l’accomplissement d’un projet européen.