Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe socialiste, républicain et citoyen souhaite, pour diverses raisons, l’adoption de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Moldavie. Je vais en rappeler quelques-unes. Approuver n’interdit pas pour autant de se poser, de vous poser, quelques questions pour l’avenir – l’avenir de la relation de ce petit pays d’Europe orientale avec la France, l’avenir de ses rapports avec l’Union européenne et l’avenir de ses relations de voisinage avec la Roumanie, l’Ukraine et la Russie, tout comme son avenir au sein de la famille francophone.
La République de Moldavie et l’Union européenne ont en partage une proximité géographique, une proximité de valeurs, un attachement identique à la paix et à la coopération. Le partenariat négocié entre les deux parties acte une situation qui était déjà inscrite dans le quotidien de leurs relations. Démocratie, droits de l’homme, libertés fondamentales, État de droit, état de paix, tout cela nous est commun. Cette communauté de principes entre l’Union européenne et un État, la Moldavie, qui lui est frontalier conduisait logiquement à cet accord.
Ce traité a, par ailleurs, une importance qui va bien au-delà de la Moldavie, cela a été rappelé. Il illustre la nécessité de consolider notre continent comme continent de paix et de coopération. Les marches européennes sont, comme l’Orient, bien compliquées. Des Balkans à la Crimée, en passant par la Moldavie, nous avons là un front, ou plutôt des fronts, d’incertitude. La fin de la guerre froide n’a pas suspendu le cours de l’histoire et de ses contradictions comme certains esprits le pensaient. L’Europe est redevenue une région à conflits, parfois dévastateurs et tragiques.
La construction de partenariats là où il y avait des murs, est évidente, mais c’est une évidence difficile à mettre en oeuvre. L’Europe peine à définir collectivement sa politique à l’égard de l’ancienne puissance régionale tutélaire, l’ancienne URSS, la Russie. Il convient, en effet, de ne pas creuser de nouveaux fossés d’incompréhension, porteurs d’antagonismes. La Moldavie est frontalière de l’Union – car frontalière de la Roumanie –, mais aussi de l’Ukraine, qui traverse un moment particulièrement difficile de sa jeune histoire d’État pleinement indépendant.
Aux confins de la Moldavie et de l’Ukraine, la Transnistrie, cela a été rappelé, sur la rive gauche du Dniestr, est peuplée majoritairement de Russes. Les autorités locales veulent s’unir à la Russie, et le conflit militaire ouvert en 1991-1992 a dérivé en contentieux diplomatique toujours non résolu. L’Union européenne a entrepris de favoriser un dialogue. Une mission d’observation a été déployée en Transnistrie, en concertation avec les trois pays concernés – la Moldavie, la Russie et l’Ukraine. Un Partenariat dit « oriental » d’association économique a été proposé à la Moldavie, comme à cinq autres pays des confins européens et russes. Cette voie relève du réalisme et de la sagesse diplomatique. Il est difficilement envisageable, aujourd’hui, d’aller au-delà et d’offrir à la Moldavie, comme aux autres partenaires orientaux, une adhésion pleine et entière, cela a été rappelé.
Tout cela me conduit, madame la secrétaire d’État, à vous demander quelques éclaircissements sur le devenir de ces accords d’association. La Russie, de toute évidence, a interprété la démarche de l’Union européenne comme une initiative agressive visant à réduire son influence en Europe orientale et dans le Caucase. L’interprétation est sans doute excessive et erronée. Malgré tout, elle est la traduction d’un grand vide diplomatique. L’Union européenne a-t-elle, madame la secrétaire d’État, une approche positive de sa relation avec la Russie ? Les initiatives prises depuis plusieurs mois par la France et l’Allemagne sur le dossier ukrainien sont les bienvenues. Paris et Berlin n’ont-ils pas agi en urgence pour pallier une carence collective européenne ? Il n’y aura pas d’équilibre européen conforme au double esprit qui nous tient à coeur, celui du partenariat et de la paix, sans définition d’une architecture diplomatique collective. Celle-ci, bien entendu, comprend tous les pays membres de l’Union européenne, les pays du partenariat oriental – donc la Moldavie – mais aussi, sous une forme mutuellement acceptée, la Russie. Je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, avoir votre sentiment, et donc celui du Gouvernement, sur ce sujet.
Je souhaiterais enfin rappeler ici que le lien nouveau qui va unir un peu plus la Moldavie à l’Union européenne est un lien du coeur, un lien particulier avec la famille francophone. Ce traité devrait nous permettre de renforcer une connivence linguistique que j’ai moi-même pu vérifier à l’occasion d’une réunion de l’Assemblée parlementaire de la francophonie à Chiinau, il y a deux ans. Le français est un élément constitutif de l’identité moldave, un élément choisi volontairement. La France a donc une responsabilité d’autant plus grande à l’égard de ce pays et de son processus de rapprochement avec l’Union européenne. Ce sera là ma dernière question, madame la secrétaire d’État : compte tenu de cette amitié et de ces liens consentis, la France va-t-elle accompagner de façon active le processus d’association de la Moldavie avec l’Union européenne ?
Quoi qu’il en soit, madame la secrétaire d’État, le groupe SRC considère que ce traité doit être adopté pour les raisons que j’ai signalées. Il le votera donc à l’issue de nos débats.