Le second point a trait à la dénomination générique. Des appellations de produits non alimentaires sont devenues des noms génériques. Cela ne concerne pas seulement le laguiole. Prenez le « vichy » : c'est une toile de coton dont vous trouverez le nom générique dans le dictionnaire. Il en est de même pour le « sèvres », une porcelaine ; le « chantilly », une dentelle au fuseau. Il y a donc des dénominations qui sont devenues génériques, c'est-à-dire des noms communs. Aussi faut-il être vigilant et prendre en compte ces cas particuliers.
L'article 2 de cette proposition de loi propose également d'introduire dans notre droit l'obligation de consulter les collectivités territoriales pour utiliser le nom d'une ville ou d'un département ou d'une région. La collectivité locale se verrait, ainsi, attribuer un pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser l'utilisation de son nom. Une nouvelle fois, je crois qu'il faut avancer avec prudence et raison sur ce sujet. Il peut déchaîner certaines passions, avec des réactions affectives, en lien avec des processus de patrimonialisation parfois excessifs. Un des problèmes majeurs que cet article soulève, je l'ai dit en commission, c'est celui de la rétroactivité. Pour illustrer mon propos, je reprendrai l'exemple du couteau. Une multitude de couteaux régionaux portent déjà des noms de ville alors qu'ils sont fabriqués uniquement par les artisans de Thiers. Je citerai d'abord le saint-amant, ayant été, moi-même, maire du petit village de Saint-Amant-Roche-Savine pendant vingt-sept ans. Désormais, faudra-t-il que les couteliers thiernois, qui fabriquent ce couteau, demandent une autorisation au maire de Saint-Amand-les-Eaux, mon camarade Alain Bocquet, et aux trente autres maires de Saint-Amand en France ? Je prendrai également le cas du montpellier, très beau couteau utilisé par les marins du sud et fabriqué également à Thiers. Faudra-t-il, là encore, demander une autorisation au maire de Montpellier ? Je citerai encore le roquefort qui, outre un fromage, est aussi un couteau fabriqué par plusieurs artisans thiernois. L'aurillac, fabriqué à Thiers, mais essentiellement commercialisé à Aurillac, devra-t-il, lui aussi, être soumis à autorisation ? Je pourrais encore citer le sauveterre, le langres, 1'issoire, l'yssingeaux. Vous voyez les couteliers de Thiers aller à Yssingeaux demander, tels les bourgeois de Calais, l'autorisation de continuer à fabriquer ce couteau ? (Sourires.) Il en va de même du rumilly, du châtellerault, ou encore des noms de couteaux qui se rapportent à des départements ou des régions, comme le corse.
Monsieur le rapporteur, vous le savez, je suis très attaché à cette question. Je partage avec vous, comme avec beaucoup d'autres députés, l'idée qu'il nous faut agir pour favoriser la valorisation et le développement de nos productions nationales à travers un élargissement des indications géographiques aux produits non alimentaires. Mais il est indispensable d'apporter des précisions sur le cadre juridique le plus pertinent sur lequel s'appuyer, avec un travail de définition en amont de ces IGP, un travail sur la méthodologie des porteurs de projet, sur les structures, les étapes et les moyens de leur contrôle.
Le Gouvernement s'est engagé à intégrer notre réflexion commune sur l'extension des IGP aux produits manufacturés dans un projet de loi plus complet sur la consommation qui serait présenté début 2013. Je renouvelle donc mon souhait que nous puissions pousser jusqu'au bout notre investigation sur les problématiques soulevées et participer pleinement à l'élaboration du projet de loi sur la consommation. Il s'agira, d'une part, de conforter le futur cadre juridique applicable en anticipant sur les décrets d'application qui suivront et ainsi éviter au maximum les contentieux et, d'autre part, de lever toutes les ambiguïtés qui persistent sur notre positionnement en faisant prévaloir la raison. En écoutant les différents intervenants, j'ai mesuré combien les ambiguïtés restaient fortes, ce qui a même conduit à des propos révélant une méconnaissance de la législation actuelle et de certaines réalités historiques et économiques.