Intervention de Didier Migaud

Réunion du 15 avril 2015 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, président du Haut conseil des finances publiques :

Je ne referai pas l'historique des traités européens, mais si les concepts de croissance potentielle et de déficit structurel ont été imaginés, c'est aussi pour répondre à un certain nombre de préoccupations partagées par les responsables politiques quant aux interprétations à donner aux déficits réels ou nominaux. Parfois, estimaient-ils, des situations particulières pouvaient amener à ne pas raisonner seulement à partir du conjoncturel.

Nous partageons les préoccupations qui se sont exprimées concernant ces concepts et les parts respectives du conjoncturel et du structurel. Cela dit, comme votre rapporteure générale l'a souligné, la croissance potentielle n'a pas d'impact sur le déficit nominal. Les débats sur le partage entre conjoncturel et structurel permettent en tout cas aux économistes de s'en donner à coeur joie. Disons que les points de vue sont divers.

Pour ce qui concerne ce que j'aurais pu dire ou pas, et ce que l'avis peut contenir, je me permets de vous renvoyer à la source. J'ai par exemple clairement indiqué dans mon exposé liminaire que « les baisses d'impôts et de cotisations pour les entreprises mises en oeuvre dans le cadre du CICE et du pacte de responsabilité et de solidarité contribuent à baisser le coût du travail ». J'espère que cela donne satisfaction à M. Fauré. Quant à la lecture attentive de l'avis du Haut Conseil, elle rassurera M. Hammadi.

Pourquoi évoquons-nous les risques financiers ? Il est vrai que l'intégration de la sphère financière dans les prévisions macroéconomiques est très partielle, que ce soit dans le scénario du Gouvernement ou dans les hypothèses que retient la Commission européenne. Il faut cependant reconnaître que le Gouvernement intègre une remontée des taux courts de 0,1 % à 1,7 % entre 2015 et 2018, et des taux longs qui passeraient de 0,8 % à 3,3 %. Il n'intègre pas en revanche l'ensemble des risques financiers, ce que personne ne fait faute d'instruments adéquats. Ces risques sont néanmoins identifiés : le FMI évoque leur accroissement éventuel, et nous avons auditionné des économistes qui les mentionnent en se fondant sur la faiblesse des taux d'intérêt et la constitution de nouvelles bulles – certains n'écartent pas le risque systémique. Nous devons toutefois faire la part des choses : ces mêmes économistes, qui ont parfois échoué à anticiper la crise financière de 2008, sont sans doute extrêmement attentifs à l'ensemble des paramètres actuels, et ils ont tendance à insister sur ces risques. Leurs analyses sont néanmoins à prendre en considération car ce qui se passe sur les marchés financiers peut être facteur de risques.

En 2014, l'hypothèse de croissance potentielle du Gouvernement et de la Commission était de 1 %, chiffre qui se retrouvait dans la loi de programmation des finances publiques. En 2015, le Gouvernement a retenu l'hypothèse initiale de la Commission de 1,1 %, mais cette dernière a modifié sa prévision pour la fixer à 1 %. Pour 2016, l'estimation de la Commission est de 1,1 %, et celle du Gouvernement de 1,5 %, après qu'il l'a modifiée par rapport à la loi de programmation, qui la fixait à 1,3 %. Pour 2017, la Commission n'a pas de prévision et le Gouvernement prévoit une croissance potentielle de 1,5 %, qui se situerait à 1,4 % après 2017. Le Gouvernement se situe plutôt dans la fourchette haute des estimations de la croissance potentielle.

Mme Berger a rappelé qu'il appartenait à la Commission européenne d'apprécier la croissance potentielle ; il n'en demeure pas moins que de nombreux gouvernements avancent des estimations différentes. C'est le cas de la France. Le Haut Conseil considère que le concept de croissance potentielle peut être utile mais qu'il comporte beaucoup d'incertitudes, en particulier dans une période atypique de longue stagnation – notre PIB se situe à peine au-dessus de celui enregistré en 2007. Ces dernières années, les importantes révisions à la baisse de la croissance potentielle et de l'écart de production rendent l'utilisation du concept difficile. Nous avons commencé à travailler sur le sujet ; nous y reviendrons dans le cadre de l'avis que nous donnerons sur le projet de loi de programmation.

Le Haut Conseil ne prétend pas que le nouvel ajustement budgétaire de 4 milliards d'euros annoncé par le Gouvernement n'aura pas d'influence sur le scénario macroéconomique ; il dit qu'il ne devrait « guère » en avoir. Ce n'est pas pareil ! Le Haut Conseil se fonde sur la nature de cet ajustement qui, d'après ce qui a été annoncé par le Gouvernement, repose essentiellement sur des économies de constatation.

Monsieur Lefebvre, nous ne considérons pas que l'effort structurel ne sera pas celui qui est annoncé par le Gouvernement. Nous constatons seulement que ce dernier relève son estimation de l'effort structurel. Elle passe de 0,3 %, dans la loi de programmation, à 0,5 %, ce qui ne correspond pas à demande la Commission européenne, soit 0,8 %, et crée un débat avec elle. La hausse de l'effort structurel est liée la croissance potentielle mais aussi aux mesures complémentaires annoncées pour 2016.

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