Il est très difficile d'évaluer la pertinence de l'action de la BPI à partir des documents officiels disponibles. Ce que l'on peut dire, en revanche, c'est qu'elle axe clairement sa communication sur le fait qu'elle est rentable et affiche des performances comparables à celles du privé.
Quant à son rôle de cofinanceur, c'est une manière pour elle d'écarter toute idée de concurrence avec le secteur privé, dont elle s'affirme le partenaire, arguant du fait qu'elle n'est pas une banque à proprement parler mais un établissement de coopération, qui offre cofinancement et garanties. Cela revient, de manière indirecte et implicite, à subventionner des projets qui ne trouvent pas preneurs, et il me semble qu'il serait plus approprié dans ce cas d'agir par des moyens plus directs, par exemple en baissant l'impôt sur les sociétés. Mais le fait que la BPI n'affiche pas de pertes semble indiquer qu'elle n'assume pas réellement sa doctrine, selon laquelle elle est censée financer des projets à très fortes externalités mais médiocres en termes de cash-flow direct.
Par ailleurs, au lieu de se spécialiser dans un domaine très précis, la BPI est présente partout, témoignant d'une implication croissante de l'État dans le domaine du capital-investissement – private equity –, ce qui n'est nullement nécessaire compte tenu du niveau de développement qu'a atteint dans notre pays ce secteur, qui n'a pas besoin de coup de pouce particulier.
Le fait que la BPI s'engage dans un grand nombre d'affaires est un choix tout à fait judicieux pour assurer sa pérennité, car vous trouverez très peu d'acteurs privés prêts à la critiquer publiquement, par peur d'être mis sur la touche. Reste qu'au bout du compte il n'est pas certain que le secteur privé bénéficie réellement de l'action de la BPI car, si celle-ci affiche des profits, c'est bien le signe qu'elle les confisque pour partie aux investisseurs privés. C'est toute la faiblesse de son positionnement actuel, et je m'interroge sur sa pertinence à présent que nous sommes sortis de la crise systémique pendant laquelle les banques n'étaient plus en mesure de remplir leur rôle.
On est, bien sûr, toujours à la merci de chocs systémiques, et il est important que l'État puisse intervenir, mais il est tout aussi important qu'il le fasse grâce à des dispositifs « biodégradables », c'est-à-dire qui peuvent s'éteindre une fois la crise passée. Or le risque est que ces institutions cherchent à organiser leur propre pérennité, à l'exemple du Plan, judicieusement mis en place au moment de la reconstruction de l'après-guerre. C'est donc là-dessus qu'il faut interroger la BPI : Doit-elle continuer d'exister lorsque l'économie retrouve son rythme de croisière ? En affichant des objectifs contracycliques, elle semble reconnaître elle-même qu'elle a vocation à prendre de l'importance dans les périodes de crise et à réduire la voilure en temps normal.