Intervention de Christian Vigouroux

Réunion du 16 avril 2015 à 9h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Christian Vigouroux, président de la section de l'intérieur du Conseil d'état :

Je n'utilise pas le terme de ZAD. Ce n'est pas parce que les manifestants se qualifient d'une certaine manière que nous sommes obligés de reprendre leurs termes. Pour moi, les ZAD sont les zones d'aménagement différé des années soixante. Du côté des manifestants comme de celui des forces de l'ordre, on tire sur le vocabulaire, car le vocabulaire c'est le droit, la qualification juridique.

Je suis sensible à ce que vous dites, monsieur le rapporteur, sur les procédures rapides. C'est pour des considérations du même ordre que la loi de 2000 a créé la procédure de référé devant le juge administratif, qui sert beaucoup pour les interdictions de manifestations. La nécessité, en matière de libertés publiques, de procédures rapides existe pour le juge judiciaire et, depuis 2000, aux articles 511 et suivants du code de justice administrative, pour le juge administratif.

Les occupations de terrains privés ne sont toutefois pas un phénomène nouveau. La jurisprudence Couitéas du Conseil d'État, de 1923, sur le refus des autorités de mettre les forces de l'ordre à disposition du propriétaire qui avait pourtant obtenu un titre de justice, montre bien les difficultés, depuis des années, de l'application du droit en ce domaine. Une chose est d'obtenir un titre de justice pour récupérer son terrain – et la propriété est défendue par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen –, autre chose d'obtenir des autorités civiles la mise à disposition de la force publique pour réaliser l'évacuation, à cause de certaines circonstances. Le juge administratif a reconnu ce pouvoir d'appréciation à l'autorité civile, avec pour conséquence l'indemnisation du propriétaire pourvu d'un titre de justice.

Des procédures rapides ne seraient pas plus contraires que le référé administratif à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme. Il existe déjà des procédures particulières d'évacuation de terrains occupés : la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, revue le 5 mars 2007, a prévu des procédures de mise en demeure et d'évacuation. Il est vrai qu'elle a été en partie censurée par le Conseil constitutionnel en 2011, sur le chapitre de l'exécution forcée qui est le point sur lequel vous m'interrogez. Pour créer un dispositif législatif rapide, il faut donc ne pas perdre cette décision de vue ; c'est possible mais la voie est étroite.

S'agissant de la mise en cause de fonctionnaires pour des agissements au cours d'opérations de maintien de l'ordre, il y a deux ou trois affaires par an au Conseil d'État, vingt ou vingt-cinq devant les tribunaux et les cours d'appel.

En ce qui concerne l'interdiction individuelle de manifester, nous sommes dans un domaine très sensible car une telle restriction de la liberté d'aller et de venir est une version diluée de l'assignation à résidence, qui est elle-même une version diluée de la prison.

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