Intervention de Christian Vigouroux

Réunion du 16 avril 2015 à 9h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Christian Vigouroux, président de la section de l'intérieur du Conseil d'état :

Je n'y vois pas d'objection constitutionnelle, compte tenu des réponses du Conseil sur les deux versions existantes du dispositif. Que votre hypothèse soit une mesure administrative de police ou une décision prononcée par le juge, il faut que ce soit strictement défini. L'Allemagne s'est dotée d'un dispositif, validé par la Cour fédérale, qui exerce un contrôle très strict. Le Royaume-Uni également. Le législateur a une marge de manoeuvre.

Les opérations de maintien de l'ordre, monsieur le président, ne sont pas le domaine où la France est le plus condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, ce domaine étant le milieu pénitentiaire, au titre des articles 2 et 3 de la Convention. En matière d'ordre public, il existe une demi-douzaine de condamnations de la France, dont la plus célèbre est l'arrêt Saoud contre France du 9 octobre 2007 pour une mort par asphyxie au moment d'une interpellation. Dans la condamnation Douet contre France de 2013, concernant des lésions suite à l'usage de bâtons télescopiques par les gendarmes qui ont procédé à l'arrestation de la personne alors que celle-ci avait adopté une attitude de résistance passive, la Cour analyse de très près les faits. Quand elle estime qu'il y a disproportion entre l'attitude du manifestant et les blessures subies, il lui arrive de condamner l'État. Dans l'arrêt Darraj contre France, le requérant a été conduit au commissariat pour un contrôle d'identité, ce qui peut arriver en fin de manifestation, et une fois isolé les policiers ont fait un usage disproportionné de la force à son endroit. En revanche, il n'existe pas, comme en jurisprudence administrative française, de jurisprudence déterminante sur l'usage des grenades, des flash-balls ou des Tasers.

Si la protection du fonctionnaire n'existe plus, le barrage au dépôt de plainte est souvent l'identification du fonctionnaire, la responsabilité pénale n'étant pas collective. La Cour européenne des droits de l'homme, dans ses deux arrêts célèbres contre l'Italie en 2011 et 2015, a reconnu que la responsabilité de l'État italien et la responsabilité pénale du fonctionnaire étaient très difficiles à mettre en oeuvre dans la mesure où la police faisait bloc en affirmant que la personne responsable des gestes en cause, au sein de l'équipe d'intervention, n'était pas identifiée. Il faut donc le plus souvent porter plainte contre X. Ce sont les investigations pénales, souvent menées par l'inspection générale de la police nationale, qui détermineront l'identité de l'individu. Une procédure particulière qui faciliterait la plainte contre un agent de police n'existe pas.

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