Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 7 avril 2015 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international :

Je confirme, monsieur Rochebloine, que MM. Porochenko et Iatseniouk n'ont pas la même vision des choses. J'expliquerais l'inflexion américaine par la question qui taraude de nombreux chefs d'État – quel héritage laisserai-je ?

Monsieur Chauveau, l'AIEA peut et doit faire toutes sortes de contrôles… jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus. Si un pays décrète qu'il ne respecte plus les engagements auxquels il a souscrit, on ne peut rien. Cela dit, il faut aller vers plus de transparence.

La présence de la France à Moscou le 9 mai est un sujet sur lequel on peut réfléchir, monsieur Mariani. À propos du boycott, les pays européens – singulièrement l'Allemagne, puis la France – sont beaucoup plus pénalisés que les États-Unis car ils commercent beaucoup plus avec la Russie. C'est tout le problème des sanctions.

Il est très compliqué, monsieur Destot, de brider la recherche et développement.

La France, monsieur Janquin, est soutenue par la justesse de sa cause. C'est pourquoi je n'ai pas de difficultés à dire, même si Américains et Iraniens négocient certaines dispositions entre eux, que telle clause prévue ne me convient pas. Ce langage est entendu.

L'Iran, madame Ameline, agit pour ses propres intérêts et il serait illusoire de penser que, sous prétexte qu'un accord a été atteint sur le programme nucléaire, un renversement d'alliances se produirait ; on en est très loin.

Monsieur Loncle, M. Ramtane Lamamra, mon homologue algérien, m'a dit ce matin penser que les groupes du Nord Mali vont parapher l'accord d'Alger – ce qui n'est pas le signer ; j'ai indiqué que la France aiderait à la signature qui s'impose, car quand un travail a été bien fait, on ne saurait faire la fine bouche.

M. Lellouche a raison, on ne peut avoir de certitude absolue sur la suite des événements. Si les Iraniens ont l'intention de fabriquer une bombe nucléaire, deux motivations seulement peuvent les faire reculer. La première est la conclusion d'un accord, dans une certaine mesure et pour un certain temps, comme je vous l'ai dit. La seconde est l'idée que le président américain, puisque la dissuasion relève du chef de l'État, dira que s'il en est ainsi, il déclenchera une opération militaire.

Schématiquement, monsieur Myard, M. Porochenko voudrait pour le Donbass un statut décentralisé et M. Poutine l'autonomie au sein de l'Ukraine. Je rappelle que, en Europe, des sanctions unilatérales ne peuvent être décidées qu'à l'unanimité des Vingt-Huit, une unanimité d'autant plus difficile à atteindre que l'Iran trouvera probablement au sein de l'Union européenne quelques pays clients ou amis – pas nécessairement les plus grands. Les États-Unis pourraient décider d'imposer à nouveau à l'Iran des sanctions économiques, mais elles gêneraient beaucoup moins les Iraniens que ne le font les sanctions décidées par les Européens. L'Union européenne a donc une grande responsabilité : on peut difficilement concevoir que le Conseil de sécurité, constatant une violation de l'accord par l'Iran, décide de rétablir des sanctions et que les Européens ne fassent rien sur le plan économique ; mais y aura-t-il vraiment unanimité pour ce faire ?

Je partage l'opinion de M. Amirshahi ; si un accord est signé, nous ne devons pas être les derniers à en bénéficier. Les Iraniens, qui ont le souvenir d'une coopération ancienne avec la France, voudraient d'ailleurs que nous travaillions avec eux.

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