Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue tout d’abord le travail de mes collègues François Loncle et Claudine Schmid, auteurs du rapport d’information sur l’évaluation du réseau culturel de la France à l’étranger dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Il convient de signaler d’emblée qu’on a parfois tendance, à l’heure de la diplomatie économique, à oublier que la présence française à l’étranger repose pour l’essentiel sur deux grands piliers, le réseau éducatif français qui compte environ 500 établissements dans le monde et le réseau des Alliances françaises qui compte plus d’un millier d’établissements et constitue le coeur même de notre présence culturelle et notre rayonnement à l’étranger. La France doit certes demeurer une puissance d’influence au service du redressement économique de notre pays mais la France doit surtout avoir pleinement conscience de l’importance de la culture dans sa diplomatie d’influence. Défendre et promouvoir la langue et la culture françaises doit constituer le coeur de cette politique.
Sa diplomatie d’influence doit être au service d’une diplomatie européenne afin de favoriser l’émergence d’une Europe plus solidaire et oeuvrer à une meilleure gouvernance de la planète ayant l’enjeu climatique pour priorité à l’heure de l’accueil de la COP 21. Or le dispositif français, qui comporte plusieurs agences réparties entre un réseau public et le réseau privé des alliances françaises, demeure complexe, dispersé et encore mal coordonné. Il est parfois le fruit de réformes avortées ou inabouties comme c’est malheureusement le cas de l’Institut français. Il est tout aussi regrettable que réformes et restructurations s’accumulent sans que soient proposés des changements de fond alors que les financements diminuent régulièrement. Des réductions budgétaires sont appliquées à l’ensemble du réseau, de sorte que tous les intervenants dénoncent un budget sinistré.
Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit un budget de 2,8 milliards d’euros au titre de l’action extérieure de l’État, mais il accuse une fois encore une légère baisse par rapport à 2014.
Le modèle français garde néanmoins des objectifs pragmatiques. Il ambitionne de s’adapter aux nouveaux défis mondiaux, non seulement par la redéfinition des missions des différents organismes, mais également par leur répartition. La mission « Action extérieure de l’État » comprend ainsi quatre programmes, dont deux accusent un budget en baisse, et un tout nouveau, en prévision de la Conférence Paris Climat 2015.
Dans cette mission d’information et d’évaluation, les rapporteurs préconisent une redéfinition des priorités pour renforcer l’effet de levier des actions, mais aussi une meilleure organisation des baisses budgétaires.
Pour ma part, je constate que le rapport d’information indique clairement que « l’enseignement du français reste plus que jamais une priorité ». Les cours de français et les certifications représentent 75 % des ressources propres du réseau, et ils demeurent la première modalité d’action du réseau culturel à l’étranger. Je tiens néanmoins à souligner que le budget de l’AEFE, qui gère 488 établissements – 75 gérés directement, 156 établissements conventionnés et 257 établissements partenaires – est en baisse constante depuis plusieurs années, ce qui crée de fortes tensions entre les lycées français à l’étranger et les partenaires locaux, qu’il s’agisse des associations de parents d’élèves ou des fondations qui sont les véritables gestionnaires.
Je note également que le rapport propose de concilier les deux missions du réseau d’enseignement à l’étranger : l’accueil des enfants français et le rayonnement de la culture. Toutefois, je m’interroge sur les mesures recommandées en la matière, puisqu’il préconise des redéploiements dans les pays prioritaires, la recherche active de mécènes et une meilleure gestion des ressources humaines. Je crains que cette proposition ne soit annonciatrice de coupes budgétaires qui entraîneront notamment une diminution des effectifs, des fermetures de centres culturels ou encore la recherche quasi systématique de cofinancement des actions culturelles.
Nous ne pouvons que regretter la fermeture de nombreux instituts culturels ces dernières années. 19 centres ont ainsi été fermés en Europe occidentale entre 2000 et 2006. Rappelons que fin 2013, le Quai d’Orsay avait décidé de déménager l’Institut français de Berlin pour des raisons budgétaires, et que ce n’est qu’au prix d’une mobilisation citoyenne que cette décision a été abandonnée.
Mes chers collègues, alors que nous fermons, d’autres pays imitent notre système : la Chine avec ses centres Confucius, qui s’installent partout dans le monde, mais également l’Espagne avec les centres Cervantes, même si ce réseau reste moins important que le nôtre.
Pour ma part, représentant les Français de l’Amérique latine et des Caraïbes, je mesure au quotidien l’influence des Alliances françaises, de ce réseau culturel unique au monde, mais également la puissance du réseau éducatif. À l’heure de la diplomatie économique, n’oublions pas que la présence française se fonde essentiellement sur ces deux piliers.
Voilà de nombreuses années que le réseau culturel français à l’étranger souffre de la rigueur budgétaire des gouvernements successifs. Or, l’attrait pour l’international représente une chance pour notre pays dans le contexte de la globalisation. Ne laissons pas s’éteindre ces foyers d’influence française qui rapportent beaucoup à notre pays en termes touristiques comme en termes d’influence politique et de rayonnement culturel.