Intervention de Laurence Rossignol

Séance en hémicycle du 13 mai 2015 à 15h00
Respect du principe de laïcité dans l'accueil des mineurs — Présentation

Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur Alain Tourret, messieurs les députés, nous sommes amenés à nous exprimer sur la proposition de loi rédigée par la sénatrice Françoise Laborde visant à étendre l’obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer ainsi le respect du principe de laïcité.

Il ne s’agit pas aujourd’hui de recommencer les grands débats qui ont abouti à l’affirmation de la laïcité comme valeur fondatrice de notre République, même si j’ai conscience que cette perspective puisse être tentante. La laïcité est une belle valeur, elle est la nôtre. Chaque parlementaire a, quotidiennement, dans l’exercice de son mandat, à coeur de la porter et de la défendre.

Alors que notre pays a plus que jamais besoin d’unité, la laïcité doit être pour nous une valeur d’apaisement et de rassemblement. Je souhaite donc que le débat que nous allons mener dans les heures à venir soit empreint de sobriété et de responsabilité, qu’il ne provoque pas la surenchère et qu’il respecte l’objet du texte que nous allons examiner ensemble.

L’objet de cette proposition de loi est bien de clarifier le principe de neutralité religieuse au sein des établissements accueillant de jeunes enfants, parce que le besoin s’en est fait sentir, parce qu’il faut répondre aux évolutions et aux mutations de notre société et en tirer les conséquences dans la loi.

La laïcité est une valeur contemporaine. Elle est un principe fort, historiquement marqué et vivant. Je dirais même qu’il nous incombe de la faire vivre. C’est ce que fait la loi de 2004 en encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. C’est ce que nous faisons aujourd’hui.

Pour cela, nous avons un socle, un texte fondateur : la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État.

Les débats que cette loi a occasionnés ont été, vous le savez, très vifs. Ils ont vu s’affronter différentes conceptions de la laïcité, dont certaines ne faisaient pas preuve d’une grande tolérance à l’égard des religions. Mais ce n’est pas cette conception qui s’est traduite dans la loi. La laïcité, telle que notre République l’arbore depuis plus de cent ans, c’est celle de Jaurès et de Briand.

C’est une laïcité qui n’est pas sourde à la religion, aux religions ; une laïcité qui repose sur deux piliers, dont il est bon de rappeler qu’ils sont indissociables. Le premier est la liberté de conscience pour chaque citoyen, c’est-à-dire la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer, un peu, moins ou pas du tout, et, pour celui qui croit, la garantie de pouvoir exercer librement son culte. Le second est la neutralité religieuse de l’État.

La neutralité religieuse de l’État se traduit, dans la mise en oeuvre du service public, par la neutralité des agents du service public dans leurs propos, dans leurs comportements, et par l’absence de signes ostentatoires. L’État s’est doté, notamment par la loi, de moyens, de règles pour s’assurer que ses agents demeurent les garants de cette neutralité religieuse.

Les crèches, qui constituent pour le Gouvernement une priorité de la politique de la petite enfance, dans le cadre d’un soutien affirmé aux familles, en sont un lieu.

L’accueil collectif demeure la solution d’accueil que les parents souhaitent majoritairement privilégier, parce qu’elle représente une première expérience de socialisation avant l’entrée à l’école maternelle. Le Gouvernement a d’ailleurs souhaité accorder une place importante à l’accueil collectif, en renforçant le soutien financier de la branche famille à la création de nouvelles places en crèches et en décidant notamment l’octroi de 2000 euros supplémentaires pour toute place dont la création est programmée en 2015.

Il y a quelques années, l’accueil collectif des jeunes enfants relevait quasi exclusivement du service public ; mais progressivement, de nombreuses structures associatives et privées se sont développées. Parce qu’ils répondent à un besoin, ces établissements associatifs ou privés bénéficient, pour une très grande partie d’entre eux, de financements publics, qu’il s’agisse d’aides à l’investissement ou au fonctionnement, qu’ils émanent des communes, des conseils généraux, de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, ou lorsque la caisse d’allocations familiales – CAF – leur verse une prestation de service unique, la PSU.

Ce développement du secteur privé, associatif ou commercial, s’est accompagné de l’émergence dans ce secteur des questions liées à la neutralité religieuse. Nous avons tous en mémoire l’histoire de cette crèche privée, gérée par l’association Baby Loup, dont la directrice adjointe portait le foulard dans l’exercice de son activité professionnelle alors que le règlement intérieur de la crèche ne le permettait pas. Les négociations avec l’employeur n’avaient pas permis de résoudre la situation et la salariée avait été licenciée. Il s’ensuivit cinq années de procédure judiciaire, qui ont finalement abouti à l’arrêt du 25 juin 2014 de l’assemblée plénière de la Cour de cassation, retenant que le licenciement était justifié.

C’est dans ce contexte que s’inscrit cette proposition de loi. En effet, cette initiative parlementaire a débuté son cheminement à un moment marqué par une incertitude juridique. Elle arrive à l’ordre du jour de votre assemblée alors que la jurisprudence Baby Loup a été rendue.

1 commentaire :

Le 05/10/2015 à 10:52, laïc a dit :

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"La laïcité est une valeur contemporaine. Elle est un principe fort, historiquement marqué et vivant. Je dirais même qu’il nous incombe de la faire vivre."

On aura rarement vu un principe aussi bafoué et incompris que ce principe de laïcité, et aussi récupéré "oralement" par la classe politique pour tenter de justifier qu'elle agit bien pour le faire respecter.

De toute façon, tout le monde sait bien que lorsqu'on entend "laïcité", il faut traduire par "islam dans la cité", car c'est bel et bien le rapport de l'Etat à l'islam qui a relancé le débat sur la laïcité en 1989.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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