Intervention de Philippe Doucet

Séance en hémicycle du 13 mai 2015 à 15h00
Respect du principe de laïcité dans l'accueil des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Doucet :

La laïcité française repose, au fond, sur les deux premiers articles de la loi de 1905. Que disent-ils ? Son article 1er dispose que « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » La République assure donc la liberté de conscience. Elle est tolérante et protège. Mesurons le chemin parcouru depuis la Révolution : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ne contenait qu’une vision négative de la liberté de conscience. On y lisait en effet : « Nul ne sera inquiété pour ses opinions, même religieuses ».

Depuis 1905, la République laïque non seulement reconnaît la liberté de conscience de chaque individu, mais assure cette liberté, de même qu’elle garantit le libre exercice des cultes. La République assure, garantit et protège, à égalité, tous les non-croyants comme tous les croyants. C’est ce message qu’il faut marteler auprès de nos concitoyens qui s’inquiètent d’une laïcité trop souvent ressentie comme une nouvelle religion d’État dirigée contre les croyants, et, disons le, plus particulièrement contre une catégorie de croyants.

La laïcité française consacre, au contraire, une liberté individuelle inaliénable : celle de croire ou de ne pas croire, celle de pratiquer, ou non, un culte. Pour garantir la liberté et l’égalité entre tous les cultes, la loi de 1905 en tire toutes les conséquences à la première phrase de son article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » On peut difficilement être plus clair.

Que les individus aient des croyances religieuses ou non, ce n’est désormais plus l’affaire de l’État. Par conséquent, toutes les religions sont sur un pied d’égalité : il n’y a plus, en France, une religion officielle subventionnée par l’État, et des religions minoritaires qui ne toucheraient pas 1 centime. La République ne reconnaît aucun culte, c’est à dire pas plus un que tous les autres.

Pour faire le lien entre ces deux principes fondateurs de notre laïcité, et la situation de déséquilibre à laquelle nous sommes confrontés, un point me semble fondamental : la première phrase de cet article 2 ne veut pas dire, et n’a jamais voulu dire, dans l’esprit de nos illustres prédécesseurs, que la République méconnaît l’existence des cultes.

Cette lecture inexacte de la loi de 1905 est, à mon avis, trop présente dans le débat public et participe largement de l’incompréhension générale. Nous ne pouvons pas, au prétexte que l’État n’intervient pas dans le fonctionnement des cultes, faire comme si les cultes et les croyants n’existaient pas, et comme si les problèmes que peuvent rencontrer les cultes et les croyants ne se posaient pas quotidiennement aux maires, dans nos communes, dans les services publics comme dans les entreprises.

Cette position hypocrite n’est pas tenable : elle nous empêche d’avancer. C’est d’ailleurs le sens des propos tenus par le Premier ministre Manuel Valls à l’Université de Strasbourg le 3 mars 2015, lorsqu’il a annoncé une réforme de la formation des imams de France. « La laïcité n’est pas un obstacle, c’est une méthode. La laïcité, ce sont des droits et des devoirs, mais ce n’est pas un dogme qui interdit à un gouvernement de répondre à des inquiétudes ou de relever des défis ». Vous l’aurez compris, je partage cette position. Je considère que si le libre exercice des cultes n’est pas garanti dans la société française, alors la République ne tient pas sa promesse et l’article 1er de la loi de 1905 n’est pas respecté !

À l’inverse, s’il apparaît que des actions ou des revendications de croyants ou d’organisations cultuelles sont manifestement contraires aux principes de la loi de 1905, notamment lorsqu’elles contribuent à déstabiliser la concorde et l’ordre public, la République doit, là aussi, prendre ses responsabilités.

Notre présence dans l’hémicycle l’illustre d’ailleurs parfaitement : si le politique détourne le regard et considère, au nom d’une vision erronée de la laïcité, que tout ce qui a trait aux cultes ne le concerne pas, alors c’est vers le juge que les revendications se portent. Or il me semble qu’en la matière, les épisodes successifs de la procédure Baby Loup ont montré que nos magistrats se trouvaient bien embarrassés à dire le droit. La République n’y a rien gagné : c’est donc au législateur d’y remédier.

Nous voici donc face à une proposition de loi dont notre collègue Alain Tourret est l’éminent rapporteur, qui vise à étendre l’obligation de neutralité à des structures privées accueillant des mineurs de moins de six ans et à assurer le respect du principe de laïcité.

Je veux tout d’abord saluer le travail de notre rapporteur. Nous connaissons tous ici l’attachement fondamental des radicaux à la question laïque. Sur ce sujet délicat, partant d’une proposition de loi initiale qui présentait plusieurs difficultés, notamment des risques d’inconstitutionnalité, Alain Tourret a su faire preuve, à l’image de l’ensemble du groupe RRDP, dont je salue le président, Roger-Gérard Schwartzenberg, de la hauteur de vue nécessaire pour aboutir à une solution de consensus. Nous ne pouvons que l’en remercier, et, avec lui, les collaborateurs des groupes RRDP et SRC qui ont contribué à cette issue favorable.

En rappelant à l’article 1er, dans la rédaction dont nous débattrons dans quelques instants, l’obligation pour les structures publiques d’accueil de petite enfance de faire preuve de neutralité religieuse, la proposition de loi participe de ce travail de pédagogie nécessaire à la compréhension par tous de la laïcité.

En inscrivant dans la loi, pour les structures privées, la jurisprudence issue de la Cour de cassation dans l’affaire Baby Loup, la proposition de loi permettra, je l’espère, d’enrayer un phénomène de judiciarisation excessif, qui ne doit pas devenir le mode de régulation des situations où la pratique de la laïcité peut être conflictuelle. Nous allons, je le crois, dans la direction d’une clarification attendue par tous.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera ce texte.

1 commentaire :

Le 15/05/2015 à 08:53, laïc a dit :

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"Je considère que si le libre exercice des cultes n’est pas garanti dans la société française, alors la République ne tient pas sa promesse et l’article 1er de la loi de 1905 n’est pas respecté !"

Depuis quand la liberté religieuses consiste-t-elle à assurer la formation des imams, et donc sans doute la subventionner ? Le pouvoir politique coule avec l'islam et la laïcité. Si la charia est anti-républicaine, il suffit d'envoyer une mise en garde aux imams, leur signifiant que s'ils font la promotion de la charia dans leurs discours dans les mosquées, ou la promotion de la haine de l'autre non musulman, leur mosquée sera fermée.

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