…une loi simple, concise, efficace, qui crée l’une de nos plus belles exceptions françaises, la laïcité, clé de voûte de notre République, une laïcité qui ne juge pas, ne condamne pas, ne rejette pas, une main tendue, une limite et une ouverture, une mise en garde et une invitation.
Aujourd’hui encore, alors que nous nous apprêtons à discuter de l’opportunité d’imposer la neutralité aux personnes et aux structures qui accueillent des mineurs, c’est cette conception de la laïcité qui doit nous guider dans nos réflexions.
Mes chers collègues, la dernière fois que nous avons débattu de ce sujet important dans l’hémicycle, c’était à l’occasion de l’examen en juin 2013 de la proposition de loi d’Éric Ciotti relative au respect de la neutralité religieuse dans les entreprises et les associations.
Souvenons-nous, le contexte était tout autre. Quelques mois auparavant, en mars 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation avait rendu une décision que le prédécesseur de M. Cazeneuve, que je pensais voir au banc, avait dénoncée, considérant que c’était une mise en cause de la laïcité. Je ne reviendrai pas sur les différentes décisions des différentes cours, cela a été très bien fait par notre rapporteur.
Cette décision de la Cour de cassation permet de faire vivre la laïcité dans une structure particulière, au regard de la vulnérabilité du public accueilli. En confirmant l’importance du respect de la laïcité, y compris dans une crèche associative, elle a mis enfin un terme à un conflit stigmatisant pour notre territoire.
Pour autant, cet arrêt n’a pas mis fin aux questions qui entourent la notion de laïcité dans ces structures. L’affaire Baby Loup a révélé le vide juridique devant lequel se trouvent certaines entreprises, seules juges face à des demandes d’accommodement qui, il faut bien le dire, ne sont pas toujours raisonnables.
Dans les garderies, les services d’assistants municipaux et les écoles maternelles relevant du secteur public, les agents sont soumis à l’obligation d’assurer leurs fonctions avec neutralité. L’affaire dite Baby Loup a démontré l’écart qui sépare les structures relevant du secteur public des structures accomplissant des missions de service public et bénéficiant de fonds publics qui demeurent sous statut privé.
Dès lors, doit-on soumettre aux mêmes règles ces différentes structures ? Où se situe la frontière entre espace public et espace privé ? Ces questions, manifestement, appellent une réponse du législateur. Au-delà des principes généraux et des grandes déclarations de toute éternité, nous avons à trouver la bonne expression de ces principes, dans le plus grand respect de tous, le rapporteur l’a souligné.
La jurisprudence dont nous avons aujourd’hui connaissance doit servir de pierre angulaire à l’adaptation, nécessaire, de notre législation.
Pour répondre à la question de savoir comment un employeur privé peut donner l’ordre à ses employés de ne pas porter un signe religieux ostentatoire sans porter atteinte à ses libertés fondamentales, le groupe UMP avait déposé une proposition de loi examinée en 2013. Elle avait pour objectif d’introduire dans le code du travail une disposition rendant le principe de laïcité obligatoire dans les entreprises et associations, notamment quand elles étaient en relation avec le public. À notre sens, cette proposition de loi, qui pose le problème de la laïcité dans le code du travail, était trop large, et nous avions souligné à l’époque qu’il importait de faire une distinction entre la délégation de service public à une structure privée associative et le fait religieux dans l’entreprise, qui doit être examiné avec précaution et sans précipitation. C’est un sujet qui reste devant nous, c’est peu de le dire.
La proposition que nous examinons aujourd’hui semble plus adaptée, puisqu’elle vise spécifiquement les établissements d’accueil des enfants de moins de six ans bénéficiant, la secrétaire d’État l’a rappelé, de financements publics. Ces dispositions rejoignent la proposition de loi que j’avais moi-même déposée en mai 2013. Elles permettent de clarifier les règles applicables, garantissant ainsi l’équilibre, dans une société démocratique, entre principe de non-discrimination, liberté religieuse et restrictions encadrées par la loi, ainsi que l’avait préconisé la HALDE en mars 2011.
En commission, le texte a évolué. Les crèches familiales ont été exclues de l’article 1er et l’article 3, relatif à l’obligation de neutralité des assistants maternels, ajouté par le Sénat, a été supprimé. Nous approuvons la suppression de ces dispositions, qui reviendraient à édicter une interdiction de principe de toute expression de convictions religieuses au domicile de la personne. En outre, dans ces circonstances, les particuliers employeurs sont libres de choisir la personne à qui ils entendent confier leur enfant, et un contrôle est d’ores et déjà effectué lors de la délivrance de l’agrément à l’assistant maternel par le président du conseil général.
Enfin, nous émettons des réserves sur l’article 2, introduit par le Sénat, qui concerne l’obligation de neutralité des centres de vacances et de loisirs. Selon cet article, les centres du secteur privé bénéficiant d’une aide financière publique seront soumis à une obligation de neutralité. Certes, le texte ne soumet pas à cette obligation les organisations « se prévalant d’un caractère propre » mais cette disposition est assez imprécise, monsieur le rapporteur. On peut craindre qu’elle ne génère d’importantes inégalités entre les différents centres. Le mouvement scout a d’ailleurs largement évoqué une condition stigmatisante, et considère que cette réforme représenterait une évolution majeure des principes de la laïcité française, ce que je peux comprendre. Dans un souci d’apaisement, vous avez fait le choix de rester fidèle, avec l’article 1er, à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Des amendements venant de tous les bancs de l’hémicycle pourraient modifier lourdement le texte mais, selon vos propos, cette proposition de loi se limiterait à l’article 1er. Nous tenons à saluer cette avancée qui est une transcription dans la loi de la décision de la Cour de cassation. Sur ces sujets, il faut être très humble, très sensible et bien mesurer les conséquences de nos paroles et la manière dont elles peuvent être interprétées par les uns et par les autres.
Sous cette réserve, ne pouvant savoir si les amendements dont nous discuterons seront adoptés, le groupe UDI votera en faveur de cette proposition de loi.