Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, cent dix ans après la promulgation de la loi de séparation des Églises et de l’État ressurgit une vieille querelle entre deux conceptions de la laïcité : celle d’Aristide Briand, rapporteur de la loi, très attaché à la liberté de conscience et soucieux de garantir l’expression sociale du fait religieux ; celle d’Émile Combes, alors président du Conseil, ayant une vision très combative et athée, souhaitant cantonner la religion au seul espace privé.
Ce débat historique a été tranché en 1905 puis mis en oeuvre avec pragmatisme par une abondante jurisprudence.
C’est à ce pragmatisme que l’on doit la sérénité que nous avons connue depuis dans les relations entre l’État et les religions, pragmatisme qui a permis à chaque Français de vivre sereinement quelles que soient ses convictions, qu’il soit athée, indifférent, agnostique, libre penseur, chrétien, juif, musulman, bouddhiste…
Malheureusement, aujourd’hui, notre pays doit faire face à un danger majeur : celui d’un intégrisme militant violent. Au nom de Dieu, aujourd’hui, on tue, ce qui constitue pour une immense majorité des croyants la négation même de leur foi. Au nom de Dieu, on peut aussi constater des comportements sectaires blessant les convictions d’autrui.
Comment donc lutter efficacement et non idéologiquement contre ces dérives et remettre sur le devant de la scène une laïcité qui favorise une convivialité, un respect mutuel entre tous, croyants et non croyants, et qui évite les dérives sans pour autant entrer dans un laïcisme niant la liberté de conscience ?
Les interventions successives des orateurs, cet après-midi, montrent combien cet équilibre est fragile et difficile.
Une chose est certaine : à travers ces propos assez contradictoires, nous avons fait la preuve, ainsi que l’admettait Alain Tourret lui-même, que toucher à la loi de 1905 serait provoquer un débat d’une extrême tension qui ne ferait qu’attiser le communautarisme, chacun renforçant encore plus son identité propre.
Le premier enseignement de ce débat me semble donc que l’abandon par la majorité de son projet d’article 2 est sage. Comme vous le savez, il a suscité un grand émoi dans de nombreuses associations, notamment le scoutisme, dont personne ne peut nier l’intérêt en termes de formation de la conscience, y compris s’agissant du respect des valeurs républicaines.
Le deuxième enseignement est qu’en raison des dérives que nous condamnons tous, qui sont le fait d’une toute petite minorité, on en vienne à nier le concept même de laïcité française, qui repose sur un équilibre entre deux principes : la neutralité de l’État – article 2 de la loi de 1905, selon lequel « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » ; la liberté de conscience – son article 1er –, selon lequel « La République […] garantit le libre exercice des cultes ».
Lorsqu’on rouvre le débat sur la laïcité, comme c’est le cas aujourd’hui, les législateurs que nous sommes doivent penser en priorité au respect de cet équilibre.
C’est ce qu’exprime Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État et à ce titre gardien de la bonne application du droit, lorsqu’il déclare : « La laïcité n’est pas la négation du fait religieux ou son ignorance par la puissance publique, mais le respect des opinions religieuses. C’est l’exigence de neutralité religieuse des services publics mais cela n’a jamais été un athéisme d’État. »
Selon le Conseil constitutionnel, il doit y avoir neutralité de l’État, non-reconnaissance des cultes, respect de toutes les croyances, égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion, et il faut la garantie du libre exercice du culte.
Selon la commission nationale consultative des droits de l’homme dans son avis du 26 septembre 2013 sur la laïcité, la séparation des églises et de l’État ne doit pas être comprise comme visant à l’éviction hors de l’espace public de toute manifestation d’une conviction religieuse.
Ainsi, il est sage qu’après un long débat – dont on pressentait assez les dérives – vous nous proposiez de nous en tenir à l’article premier, lequel ne fait que traduire la jurisprudence de la Cour de cassation : l’affaire Baby Loup est derrière nous et il serait dangereux que nous remettions sur le devant de la scène un équilibre si justement trouvé après tant de polémiques.
Troisième enseignement : si l’on doit être très prudent dans la loi, l’État et les collectivités doivent être ambitieux quant aux moyens permettant aux personnes et, en particulier, aux jeunes, d’envisager avec maturité leurs propres convictions.
Cela signifie qu’il est essentiel, dans notre République, de pouvoir accéder à la connaissance dans toute sa diversité.
La télévision publique montre ainsi l’exemple depuis des décennies avec ses émissions du dimanche matin qui, par la diversité de leurs intervenants – respectant tous les principes de la République et notamment son principe de laïcité – permettent à chacun d’accéder à la connaissance et de se forger sa propre conviction, en toute liberté, tout en comprenant et en respectant celle d’autrui.
Je rappellerai pour finir l’intervention de Jules Ferry, qui fut l’un des penseurs de la laïcité, au mois de novembre 1879 à la Faculté protestante de théologie de Paris : « Notre évangile politique est aussi le vôtre. […] Nous vous saluons donc comme une puissance amie, comme une alliée nécessaire, qui ne fera défaut ni à la République, ni à la liberté. Vous pouvez compter sur nous comme nous pouvons compter sur vous, assurés que vous êtes, messieurs, de trouver auprès de nous, en tout temps, non seulement justice mais profonde sympathie ».
Ces propos nous invitent donc à permettre à chacun de pouvoir vivre ses convictions dans le respect de celles d’autrui.
Nous ne voulons admettre ni les signes religieux ostensibles qui perturbent la sérénité des écoles – ceci a été examiné dans le cadre de la loi de 2004 – ni un laïcisme d’État qui deviendrait une forme de religion militante.
C’est pourquoi j’approuve la sagesse du rapporteur d’avoir retiré son article 2 et de s’être cantonné à la traduction de la jurisprudence dans la loi. En ce sens, ce débat n’était pas vain.
Le 27/03/2016 à 15:48, k.elghachi (Fonctionnaire) a dit :
Vous dites que c'est surtout au nom d'Allah que l'on tue ?
Tous les jours des musulmans sur meurent dans le monde. En France on brandit la laïcité à chaque fois que les français musulmans demandent de l'aide.
Des fondations de plusieurs religions sont financées par l'état. Quand une association musulmane demande de l'aide. On lui balance la laïcité.
Vous voulez réellement que ça change ?
Aidez les musulmans engagés et travaillant dans le bon sens.
La minorité perdue ne doit pas justifier llassée d'aide de la majorité républicaine.
Le 27/03/2016 à 16:15, laïc a dit :
Je ne sais pas où vous avez vu que des fondations religieuses étaient financées par l'Etat. Si tel est le cas, c'est un renoncement à la laïcité qu'il faut dénoncer.
Si des citoyens français demandent de l'aide, il est normal qu'on la leur attribue, quoique je ne sais pas de quelle aide vous parlez. Mais si des citoyens français demandent de l'aide au nom de l'islam, c'est normal qu'on la leur refuse.
Il est hors de question d'aider des musulmans s'ils se revendiquent musulmans. S'ils veulent être aidés, ce sera sur leur qualité de Français, et non pas sur un critère religieux.
De la même façon, il n'est pas question d'aider des musulmans engagés, car cela reviendrait encore une fois à aider l'islam, et comme cette religion véhicule une idéologie dangereuse préjudiciable au vivre ensemble, fondement de la République, ce sera faire à long terme le jeu des ennemis de la démocratie et de la liberté, ce qu'aucun citoyen responsable engagé en faveur de la République ne veut.
La confiance en l'islam a disparu, seule la loi française doit s'imposer, et pour cela il ne peut y avoir aux yeux de la loi qu'une seule sorte de citoyen, indépendamment de sa confession religieuse.
Le 26/03/2016 à 14:47, laïc a dit :
"Malheureusement, aujourd’hui, notre pays doit faire face à un danger majeur : celui d’un intégrisme militant violent. Au nom de Dieu, aujourd’hui, on tue, ce qui constitue pour une immense majorité des croyants la négation même de leur foi. Au nom de Dieu, on peut aussi constater des comportements sectaires blessant les convictions d’autrui."
C'est surtout au nom d'Allah qu'on tue et que l'on blesse les convictions d'autrui. La religion islamique est une religion dangereuse pour l'ordre républicain et le vivre ensemble, pourquoi ne pas le dire clairement à la tribune de l'Assemblée nationale ?
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