Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 19 mai 2015 à 21h30
Transition énergétique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

La température moyenne globale à la surface de la planète a augmenté de 0,85 degré Celsius entre 1880 et 2012. Les trois dernières décennies ont été les plus chaudes depuis 1850. En conséquence, les systèmes hydrologiques s’altèrent. Cette situation pèse sur le niveau de la ressource en eau potable et sur les rendements céréaliers dans les régions tempérées et tropicales.

Face à ces menaces qui engagent le diagnostic vital de la planète, la communauté internationale s’est mobilisée, mettant en place un processus multilatéral pour tenter de mener des politiques globales. Si ces négociations ont été scandées par des moments importants comme la signature, en 1997, du protocole de Kyoto, ces négociations apparaissent aujourd’hui bien trop lentes et chaotiques. La conférence annuelle sur le climat de l’ONU organisée en décembre à Lima – la COP20 – n’a ainsi pas été à la hauteur des enjeux. Nous savons tous qu’il sera à présent difficile, sans l’expression d’une volonté politique forte, de déboucher à Paris sur un accord suffisamment important, qui puisse prendre le relais du protocole de Kyoto. Parmi les questions majeures figurent l’adaptation au réchauffement climatique et les aides à apporter aux pays qui en subissent ou vont en subir à court et moyen terme les conséquences néfastes.

Nous avons toujours exprimé – je veux le rappeler – les plus vives réserves à l’égard de la notion d’« adaptation » au changement climatique, qui laisse entendre que les scénarios de maîtrise efficace proposés par le GIEC ne seront pas atteints, que la maîtrise du réchauffement climatique sera insuffisante et qu’il convient prioritairement d’orienter les investissements dans l’adaptation de nos sociétés à ce réchauffement. Le fait de parler d’ « adaptation » de nos sociétés au réchauffement est donc un signe d’échec.

De la même façon, nous avons, de façon constante, été très critiques envers les outils économiques et financiers accompagnant le protocole de Kyoto et devant permettre aux États engagés de réduire leurs émissions. Au regard de la faiblesse globale des résultats obtenus, force est de constater que le choix de privilégier des outils purement financiers, avec l’extension des marchés de permis d’émissions ou des mécanismes d’échanges, a largement validé nos critiques initiales : je pense en particulier aux mécanismes de développement propre – les MDP – ou à la mise en oeuvre conjointe – la MOC. Ces outils, regroupés sous le titre de « finance carbone » ont en effet avant tout contribué à accélérer les logiques financières et spéculatives du capitalisme mondialisé, comme l’attestent les délocalisations d’activités émettrices et la fuite de carbone vers les pays du Sud, au moyen de stratégies de contournement. Par exemple, dans l’Union européenne, le marché carbone prouve son inefficacité à servir de levier régional, ce qui résulte des largesses consenties dans l’attribution des permis d’émission et l’effondrement du prix de la tonne de CO2, devenu dérisoire – il s’élève à environ 5 euros la tonne.

À rebours de cette logique de renoncement, l’urgence de la situation impose de porter une attention spécifique aux enjeux de développement et à la réalisation d’un véritable droit universel à l’énergie « décarbonée » dans les pays du Sud. Ce droit à l’énergie – décarbonée, j’y insiste – suppose une impulsion nouvelle en matière de coopération par l’intermédiaire de nouvelles structures dédiées, afin d’arrêter un certain nombre d’objectifs planétaires contraignants, de contrôler leur mise en oeuvre et d’apporter un véritable appui technique désintéressé et permanent pour conseiller les pays du Sud, en particulier dans leurs choix énergétiques – secteur où la progression des émissions est la plus importante.

J’ai participé, comme d’autres ici présents, à deux conférences des parties, dites « COP », celles de Copenhague, en 2009 – la COP 15 –, et celle de Durban en 2011 – la COP 17. Je crois que, dans ces deux cas, on peut parler d’échec. En effet, les pays industrialisés ne reconnaissent pas pleinement leurs responsabilités et ne veulent pas les assumer, aux plans international comme national. J’ai d’ailleurs le souvenir de la façon dont ces conférences se déroulent. Chacun vient se livrer à des effets de manche, montrer les muscles, avancer des promesses, selon une forme de jeu de rôle. In fine, cela donne peu de résultats ou, du moins, des résultats qui ne conduisent pas à des solutions durables ; des engagements sont pris mais, pour la plupart, ne sont jamais tenus.

J’ai fait référence à la COP15 de Copenhague et à la COP17 de Durban pour que l’on mesure bien les difficultés auxquelles la France fera face à la conférence qui aura lieu en décembre, à Paris.

À l’évidence, nos émissions impliquent des changements de modes de vie et une réorientation des structures économiques et des outils productifs d’une ampleur considérable. Cette transition énergétique et économique nécessite de replacer l’enjeu climatique au centre du débat public, en mettant en perspective les bouleversements sociaux qu’il implique.

Pas plus qu’en première lecture, nous ne sommes disposés à faire de faux procès au Gouvernement et, plus particulièrement, à Mme la ministre. Je le redis : nous ne remettons en cause ni l’engagement, ni l’implication sur ces sujets de la ministre de l’écologie et, plus largement, du Gouvernement. Le texte qui nous est proposé se veut, il est vrai, porteur d’une ambition forte, que nous partageons.

Comme vous, nous jugeons impératif de construire un nouveau modèle énergétique plus diversifié, plus équilibré, plus sûr, plus participatif.

Comme vous, nous estimons qu’il est indispensable de se fixer des objectifs clairs et chiffrés, réalistes et atteignables de réduction de notre empreinte carbone. Le Sénat avait supprimé du texte l’objectif intermédiaire, fixé par notre assemblée, d’une baisse de la consommation énergétique de 20 % en 2030. Nous nous réjouissons de le voir rétabli, d’autant que l’on se souvient que c’est l’objectif qui avait été acté pour 2020 par le Grenelle de l’environnement.

Ainsi que le Sénat en a apporté la démonstration, chers collègues de droite (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), beaucoup, sur vos bancs, se font les avocats de l’irresponsabilité et de l’immobilisme, en arguant que le contexte économique ne se prête pas à des avancées significatives.

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