Je sais l'ensemble des membres de cette commission très attentifs à la création et à la culture, piliers de l'exception culturelle française que nous défendons ensemble ardemment. Personne ici n'a donc besoin qu'on lui rappelle que l'intermittence n'est ni une profession ni un statut, mais un mode d'indemnisation de salariés relevant des annexes VIII et X du régime d'assurance chômage. Il serait faux de prétendre qu'il en est autrement, ce que les médias font pourtant régulièrement.
Ces annexes, conçues pour prendre en compte la spécificité des métiers de la culture et de la création, notamment une forme « d'hyperflexibilité structurelle » imposée aux salariés du secteur, constituent un élément moteur du développement et du rayonnement des politiques culturelles de notre pays. Je pense pouvoir m'exprimer au nom de tous les membres du groupe SRC – mais sans doute cette volonté est-elle répandue bien au-delà de notre groupe –, pour rappeler que, depuis le début du quinquennat, l'une de nos ambitions a été de donner aux artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel, un cadre social refondé qui permette de sortir des crises périodiques qu'a connues ce régime et de la fragilisation qui en a découlé, tant pour les salariés et les créateurs eux-mêmes que pour un secteur économique en plein développement – secteur qui, rappelons-le, représente année après année une part grandissante des richesses produites par notre pays.
En effet, si nous convenons tous que la culture est un élément moteur de l'émancipation des hommes, elle est aussi depuis plusieurs décennies un secteur d'activité primordial pour notre économie, comme l'a mis en évidence en décembre 2013 le rapport intitulé « L'apport de la culture à l'économie en France », rédigé conjointement par des membres des inspections générales des Finances et des Affaires culturelles.
Pourtant, pour ceux qui, encore nombreux, se tiennent éloignés des réalités d'un secteur d'activité aux modèles divers et particuliers, les annexes VIII et X de la convention d'assurance chômage apparaissent, au pire, comme de surprenants privilèges pour les salariés qui en bénéficient ou, au mieux, comme une anomalie de gestion. Il aura sans doute fallu l'annulation du festival d'Avignon en 2003, alors que certains cherchaient déjà à remettre en cause ces annexes, pour prouver par l'exemple l'importance de la culture dans les performances économiques et le rayonnement des territoires.
Aujourd'hui, nous sortons enfin d'un long processus semé d'embûches. Après l'échec de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur ce sujet, et pour mettre fin à des crises récurrentes et rechercher une solution pérenne, le Premier ministre a mis en place, en juin 2014, une mission de concertation qu'il a confiée à Mme Hortense Archambault, ancienne co-directrice du festival d'Avignon, à M. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail, et à notre rapporteur pour avis M. Jean-Patrick Gille. Ce dernier avait déjà formulé dans un rapport datant de 2013 plusieurs propositions qui, j'en suis certain, nourriront aussi, mais sans doute dans un climat apaisé, les nécessaires réflexions que nous aurons à mener autour de ces annexes, sans craindre désormais qu'elles soient remises en cause.
Cette mission a réuni pour la première fois autour d'une même table l'ensemble des acteurs concernés par l'intermittence : le patronat, les syndicats, mais aussi la coordination des intermittents et les entreprises du spectacle. À cet égard, cette forme de concertation est allée au-delà de la concertation tripartite que les partenaires sociaux appelaient de leurs voeux dans l'ANI du 22 mars 2014, sans néanmoins oublier la légitimité et la responsabilité des organisations représentatives.
Le Gouvernement a saisi l'opportunité de la discussion du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi pour inscrire dans la loi l'existence des règles spécifiques d'indemnisation des intermittents du spectacle, ainsi que l'instauration d'un mécanisme permettant aux partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle de négocier ces règles spécifiques dans un cadre défini par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel.
Désormais, les annexes VIII et X de la convention d'assurance chômage, qui étaient jusqu'ici une construction purement conventionnelle dont l'existence pouvait être remise en cause à chaque renégociation de la convention, seront sécurisées. Cela évitera sans doute que certaines organisations patronales entrent dans les négociations avec comme arme de chantage ultime la menace d'une suppression pure et simple de ces annexes. Le dialogue social y gagnera sans nul doute en qualité pour le bien de l'ensemble des partenaires du secteur.
Par ailleurs, l'article 20 instaure une nouvelle méthode de gouvernance qui permettra aux partenaires sociaux de déterminer l'enveloppe financière des annexes en laissant le soin aux professionnels du spectacle de fixer un certain nombre de règles.
Alors que certains élus de droite, sans doute moins bien informés que ceux de notre commission, parlent encore des « privilèges » accordés aux intermittents, sans comprendre que le régime d'indemnisation n'a pas uniquement pour vocation d'être en équilibre, mais qu'il vise à soutenir des personnes précaires et néanmoins indispensables à cette économie particulière, nous pouvons nous féliciter que l'engagement du Gouvernement ait été tenu, de surcroît dans un contexte où le budget de la Culture pour 2015 est préservé, voire en augmentation pour l'année à venir en ce qui concerne les crédits dédiés à la création, à en croire les lettres de cadrage du ministère.
Si le débat sur l'intermittence n'est pas clos pour autant, comme notre rapporteur pour avis nous l'a rappelé, le groupe SRC ne peut que se féliciter de l'avancée majeure que constitue la création d'un cadre stabilisé.