Nous pouvons remercier notre rapporteur pour avis d'avoir accompli son travail dans un contexte parfois difficile et houleux. Il nous avait présenté, le 28 janvier dernier, le rapport intitulé « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », rédigé avec Mme Hortense Archambault et M. Jean-Denis Combrexelle au sein d'une mission de concertation, qui apportait une lueur d'espoir aux professionnels du champ culturel. Je me réjouis de voir enfin sa matérialisation législative. Les intermittents du spectacle dans leurs différentes catégories professionnelles ont été écoutés ; il faut aussi les entendre. En effet, les crises et protestations régulières, souvent justifiées, ont fortement montré qu'il était urgent de s'atteler à une réforme de ce statut afin d'apporter des garanties juridiques et un nouveau cadre social à ses bénéficiaires, tout en s'attachant à lutter contre tous types d'utilisations irrégulières du dispositif.
Rappelons-le encore : si la famille des intermittents regroupe des profils divers, la grande majorité d'entre eux sont touchés par la précarité et doivent s'en remettre à la débrouille au jour le jour, entre des contrats de courte ou très courte durée. Le statut des intermittents est alors une chance, chance que nous ne devons pas leur subtiliser. Il représente la possibilité pour ces acteurs culturels d'acquérir une relative stabilité et d'exercer leur métier plus sereinement. Ce statut singulier est aussi, je tiens à le souligner, une opportunité pour la culture française d'avoir le rayonnement qu'elle mérite.
Je suis soulagée que l'article 20 recrée les conditions d'un dialogue serein. Cela permet de mieux envisager l'avenir pour toutes les parties concernées et de se recentrer sur le plus important : parvenir à pérenniser le statut des intermittents dans de meilleures conditions. Le Gouvernement a décidé d'aller plus loin dans les méthodes de négociation que ce que vous aviez préconisé dans le cadre de la mission de concertation. Il souhaite mettre en place une négociation en deux temps afin d'éviter les nouveaux blocages et les ruptures de dialogue. Nous nous en réjouissons en attendant la concrétisation de ces négociations. Je relève que la pérennisation du comité d'expertise reste encore à évaluer dans le temps. Si nous devons être optimistes, gardons toutefois à l'esprit que l'on ne peut, à ce stade, mesurer tous les effets des dispositions contenues dans le texte et les réactions qu'elles susciteront.
Je soutiens également pleinement la redéfinition par voie de négociation, avant le 31 janvier 2016, de la liste des métiers du spectacle vivant ouvrant droit au régime de l'intermittence. Trop d'abus ont eu lieu qui ont parfois altéré l'image des métiers du spectacle. Je déplore d'entendre aujourd'hui encore, hors de notre assemblée il est vrai, les avis tranchés de ceux qui jugent la situation des intermittents « avantageuse » et pensent qu'ils sont en quelque sorte « privilégiés ». Tous les métiers du spectacle nécessitent un investissement et un réel don de soi, et la plupart des intermittents voudraient bien être davantage sur scène, derrière une caméra, ou encore aux manettes d'une régie. II était donc important de rappeler les conditions pour conclure un CDDU, même si nous avons conscience que cela ne pourra éviter tous les écueils, et si nous savons qu'il sera nécessaire de mettre en place des contrôles complémentaires.
Enfin, j'aimerais aborder la sanctuarisation du statut des intermittents que permet l'article 20. S'il était nécessaire d'entériner dans la loi l'existence d'un régime particulier, permettez-moi d'exprimer quelques doutes, qui ont aussi été relevés par la Coordination nationale des intermittents et précaires (CIP), quant à la capacité réelle de ce projet de loi à sanctuariser véritablement ce statut, mais aussi à prendre en compte les avancées obtenues. En effet, seule est abordée l'existence même de ce statut, justifiant alors des règles dérogatoires. Mais ne peut-on pas craindre qu'une législation trop floue, qui n'aborde pas les tenants et les aboutissants du statut, ne sécurise pas, in fine, les personnes concernées, en tout cas de manière durable ?
Je crois qu'il est avant tout indispensable d'opérer une clarification du positionnement de la France. Si notre pays se targue à juste titre de son rayonnement culturel, une ambiguïté persiste pourtant quand l'État montre sa volonté de soutenir la culture et ses acteurs par le statut des intermittents sans pour autant en assumer pleinement l'existence et les conséquences qui en résultent. Les politiques publiques culturelles sont manifestement imbriquées avec l'économie. Ayons le courage de le dire : un régime spécial se justifie tout à fait et je le soutiens avec force !
Soyons justes et reconnaissons que ce texte contient des avancées que nous ne pouvons qu'encourager. Nous voulons croire dans la volonté du Gouvernement d'assurer une meilleure protection juridique des intermittents. Le groupe RRDP votera en faveur de l'article 20. Nous veillerons cependant à ce que ces dispositions constituent pour les catégories professionnelles concernées une avancée efficace qui s'inscrive dans le temps.