Intervention de Guillaume Larrivé

Séance en hémicycle du 6 décembre 2012 à 15h00
Conditions de l'usage légal de la force armée par les représentants de l'ordre — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque jour, chaque nuit, les hommes et les femmes qui servent au sein de la police et de la gendarmerie nationales risquent leur vie pour protéger nos compatriotes. Chaque jour, chaque nuit, ils sont confrontés à des criminels et des délinquants extrêmement violents, totalement résolus qui n'hésitent pas à porter atteinte à leur intégrité physique.

Notre devoir de législateur est de mieux protéger celles et ceux qui protègent les Français. C'est pourquoi, avec Éric Ciotti, Philippe Goujon et cinquante et un autres députés membres de l'UMP, j'ai souhaité soumettre à l'examen de l'Assemblée nationale cette proposition de loi.

D'abord, j'ai la conviction que nous devons progresser vers un rapprochement des conditions d'emploi des armes à feu par les policiers et les gendarmes. Ce rapprochement nécessaire s'inscrit dans celui des deux forces de sécurité intérieure, qui a été engagé par le législateur avec la loi du 3 août 2009. Dans le respect de leur identité propre, les deux forces sont placées sous une même autorité opérationnelle, celle du ministre de l'intérieur. Pour l'essentiel, les fonctionnaires de la police et les militaires de la gendarmerie exercent, dans nos villes et nos campagnes, les mêmes missions.

Mais lorsqu'il s'agit de faire usage de leurs armes à feu, les policiers et les gendarmes ne sont pas soumis aux mêmes règles. Il y a là une particularité, héritée de l'histoire, qui n'est satisfaisante ni au plan juridique ni au plan opérationnel.

Dans la police nationale, les conditions d'emploi des armes à feu sont régies par le seul code pénal, c'est-à-dire par le droit commun. Un policier faisant usage de son arme est soumis, ni plus ni moins, aux mêmes règles que toute autre personne. Un policier n'est donc autorisé à faire feu qu'en réponse à une agression de même nature, dans le strict cadre de la légitime défense défini par les articles 122-5 et suivants du code pénal.

Il n'en va pas de même des gendarmes, qui sont soumis, eux, à un double régime. D'une part, les dispositions du code pénal relatives à la légitime défense leur sont applicables. D'autre part, les gendarmes bénéficient d'une loi spéciale, définie par un décret de 1903 récemment inséré dans la partie législative du code de la défense.

Ces dispositions permettent de faire feu après des sommations verbales, dans des conditions limitatives précisément énoncées par la loi. Du reste, elles sont fréquemment appliquées par les gendarmes. Si l'usage des armes par les gendarmes a globalement diminué – de l'ordre de 22 % au cours de l'année 2011 –, il a été fait, dans un tiers des cas, en application des dispositions du code de la défense et non pas dans le cadre de la légitime défense prévue par le code pénal.

Cette différence de régime constitue pour les policiers une situation d'insécurité juridique qui les amène, au péril de leur vie, à hésiter à se défendre en cas d'agression violente, par crainte de poursuites administratives ou judiciaires.

Je ne citerai qu'un exemple : en avril dernier, un policier de Seine-Saint-Denis a été mis en examen pour homicide volontaire après le décès, lors d'une intervention à Noisy-le-Sec, d'un délinquant multirécidiviste, armé d'un revolver, recherché après onze condamnations, notamment criminelles, pour des faits de vol à main armée, en fuite, faute d'avoir regagné la prison de Châteaudun après une permission de sortie délivrée, bien imprudemment, par un juge d'application des peines.

Il n'appartient certes pas aux parlementaires de porter une appréciation ni sur les faits ni sur les décisions de l'autorité judiciaire, mais il est de notre devoir de comprendre combien cette mise en examen pour homicide volontaire a suscité une très vive émotion dans les rangs de la police nationale.

Les policiers ont été très profondément et très légitimement heurtés que l'un des leurs, qui a risqué sa vie face à un criminel armé et qui a fait usage de son arme dans le cadre d'une opération, soit soupçonné d'avoir commis le crime d'homicide volontaire.

Fallait-il, en vérité, que ce policier attende d'être lui-même frappé d'une balle, tirée par ce délinquant armé d'un revolver ? Y a-t-il vraiment quelqu'un, parmi nous, qui serait prêt à dire à ce policier, les yeux dans les yeux, qu'il mérite d'être traduit devant une cour d'assises ? En conscience, je ne le crois pas.

La vérité, mes chers collègues, est que le strict cadre de la légitime défense ne répond pas aujourd'hui aux nécessités opérationnelles auxquelles les policiers doivent faire face. Le statu quo n'est pas acceptable, car il reviendrait à s'accommoder d'une situation d'insécurité juridique dont les policiers continueraient à payer seuls le prix.

Faut-il, dès lors, aller jusqu'à modifier le code pénal, pour créer une présomption de légitime défense, à raison du statut des représentants des forces de l'ordre ? Je comprends l'intention qui guide une telle proposition, mais je ne pense pas que cela serait pertinent car une telle présomption serait de nature à créer, en quelque sorte, l'illusion d'une irresponsabilité pénale générale. Cette illusion n'empêcherait aucunement tel ou tel juge de retenir demain une qualification d'homicide. Je crois que la présomption de légitime défense serait, au total, source d'une nouvelle insécurité juridique.

Aussi, plutôt qu'une modification du code pénal, je crois préférable de proposer un alignement du régime juridique de l'emploi des armes par les policiers sur celui, bien connu, d'ores et déjà applicable aux gendarmes.

Il s'agit de progresser vers une unification de la doctrine et des pratiques d'emploi des armes à feu, en écrivant dans le code de la sécurité intérieure applicable aux policiers ce qui est aujourd'hui applicable aux gendarmes au sein du code de la défense.

Au demeurant, ce processus est déjà en marche, puisqu'en ce moment même, la direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale travaillent de concert à l'élaboration d'un code de déontologie commun.

Cet alignement des régimes d'emploi des armes à feu que j'appelle de mes voeux devra nécessairement conduire à rapprocher les policiers des gendarmes et non pas les gendarmes des policiers. J'ai relevé, lors de nos débats au sein de la commission des lois, que M. Daniel Vaillant, l'ancien ministre de l'intérieur, s'était montré favorable à un alignement des conditions d'usage des armes par les gendarmes sur celles applicables aux policiers.

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