Intervention de Alain Vidalies

Séance en hémicycle du 6 décembre 2012 à 15h00
Conditions de l'usage légal de la force armée par les représentants de l'ordre — Présentation

Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement :

Les promoteurs de cette proposition de loi ne peuvent ignorer, à cet égard, qu'il peut y avoir quelque paradoxe à soutenir un emploi facilité des armes à feu alors que les entraînements au tir ont été réduits durant les dernières années, sous l'effet de la révision générale des politiques publiques, et ce dans un contexte où 10 700 postes de policiers et de gendarmes ont été supprimés depuis 2008.

Faire en sorte qu'ils soient plus nombreux, mieux formés et mieux équipés, voilà probablement une meilleure mesure de protection et de sécurisation dans l'exercice de la mission de sécurité républicaine.

Depuis lors, ce sujet important, porté avec exigence par les organisations professionnelles, a été pris en charge dès la prise de fonctions du nouveau Gouvernement. Le ministre de l'intérieur a voulu que le dispositif de protection juridique et fonctionnelle soit très rapidement renforcé. À cette fin, il a missionné une commission, présidée par le conseiller d'État Guyomar, qui a proposé, le 13 juillet dernier, vingt-sept recommandations.

Après audition de toutes les parties, notamment syndicales, cette commission s'est efforcée de dresser un état des lieux complet et objectif du cadre juridique de la protection fonctionnelle ainsi que de l'organisation administrative chargée de sa mise en oeuvre, et d'établir un diagnostic approfondi de la situation.

Elle a, enfin, formulé des propositions qui lui paraissent susceptibles de renforcer l'efficacité de l'intervention de l'administration au profit des agents de la police et de la gendarmerie nationales pour l'exercice de leurs fonctions.

Ces propositions permettront d'offrir une meilleure sécurité juridique aux agents mis en cause sans nuire au respect de la déontologie professionnelle, dont le ministre est un garant exigeant. Elles ont, je crois, été accueillies avec intérêt.

Le texte dont nous débattons aujourd'hui s'en inspire grandement d'ailleurs, sans reprendre malgré tout certains éléments intéressants, certes, mais déjà mis en oeuvre par le ministère, en réalité. Il s'ouvre par des propositions de modifications de la doctrine d'emploi des armes pour ensuite envisager des dispositions, d'ailleurs déclarées irrecevables au titre de l'article 40, relatives à la protection fonctionnelle des agents.

Dans le sens du rapport Guyomar, j'envisagerai tout d'abord ces derniers éléments car ce sont eux qui sont de nature à améliorer très sensiblement et concrètement la situation des fonctionnaires. Ils attirent moins l'oeil et l'attention des médias que les facilités rhétoriques sur la légitime défense. Ils sont pourtant essentiels.

Comme tous les fonctionnaires, les policiers et les gendarmes bénéficient à l'occasion de leurs fonctions d'une protection organisée par la collectivité publique. Qu'ils soient victimes ou mis en cause dans le cadre professionnel, cette protection fonctionnelle est une garantie essentielle pour les agents publics, qui manifeste le rapport de solidarité qui unit l'agent à son administration, dans l'intérêt du service et « pour en assurer le bon fonctionnement et la continuité », comme le rappelle à raison le rapport Guyomar.

La protection fonctionnelle, autrement appelée protection juridique, se définit comme la garantie statutaire accordée par l'administration aux agents publics à raison de leur mise en cause par des tiers dans l'exercice de leurs fonctions. Ce principe est aujourd'hui rappelé s'agissant de l'ensemble des agents publics régis par le statut général de la fonction publique.

S'agissant des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie, cela implique que la collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. Les caractéristiques des missions des agents des forces de police et de gendarmerie nationales ont justifié non seulement une extension à leur profit des mécanismes de protection fonctionnelle applicables à l'ensemble des agents publics mais aussi un certain nombre d'adaptations qu'appelaient les spécificités inhérentes à l'exercice de leurs fonctions.

Renforcer la protection fonctionnelle des hommes et des femmes qui servent au sein des deux forces de sécurité intérieure est légitimement perçu par les agents comme un signe de reconnaissance institutionnelle dont la charge symbolique est d'autant plus forte qu'il intervient dans un contexte de grande vulnérabilité.

C'est là une préoccupation du Gouvernement et un des objectifs du ministre de l'intérieur.

La dimension humaine de la question de la protection fonctionnelle s'impose aussi par le simple rappel que depuis le début de l'année, sept fonctionnaires de police sont décédés et sept militaires de la gendarmerie morts en service, notamment lors du drame de Collobrières dans le Var le 17 juin. À ces chiffres dramatiques s'ajoutent les milliers de blessés que nous déplorons chaque année.

Le nombre de décisions d'octroi de la protection fonctionnelle au bénéfice d'agents de la police nationale illustre l'importance du sujet, puisqu'il est en augmentation constante depuis cinq ans. Plus de 20 000 mesures de protection ont ainsi été accordées, toutes causes confondues, en 2011, contre près de 18 000 en 2007.

La puissance publique est aux côtés de ses agents, puisque 98 % des demandes ont été satisfaites. En l'état du droit et des pratiques, le dispositif de protection fonctionnelle ne parvient toutefois pas complètement à atteindre les objectifs qui lui sont assignés. Des améliorations sont souhaitables et nécessaires.

Le ministre de l'intérieur s'est saisi de ce chantier.

C'est ainsi que nombre de recommandations ne nécessitant pas d'intervention législative ont été engagées sans tarder. On peut citer la proposition n° 13 tendant à mettre en place une phase d'instruction disciplinaire et un droit à assistance dans la phase d'enquête administrative. Dans la gendarmerie nationale, un projet de circulaire sur l'accompagnement du personnel en matière de protection fonctionnelle sera soumis à un processus de concertation interne. Au sein des administrations, il sera par ailleurs mis en place un réseau de référents en matière de protection fonctionnelle, afin d'améliorer l'information des agents et de l'autorité hiérarchique sur le sort réservé aux demandes formulées par ses agents. L'instauration d'un système de référencement des avocats spécialisés en matière de protection fonctionnelle et le développement de la communication institutionnelle seront promus.

Le recours moins fréquent aux suspensions de plus de quatre mois fait, en outre, d'ores et déjà l'objet d'un travail d'élaboration d'instructions et de directives au sein des directions compétentes. Elles seront mises en oeuvre sans tarder.

Il s'agit là d'avancées réelles et concrètes dont les agents pourront constater la mise en oeuvre à leur profit, et très rapidement. En matière de reclassement provisoire de l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle, une circulaire relative à la procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service est ainsi entrée en vigueur le 1er décembre 2012.

D'autres recommandations du rapport nécessitent, par contre, une intervention du législateur. Certaines ont d'ailleurs été reprises dans votre proposition et figurent dans les articles qui ont été déclarées irrecevables au titre de l'article 40.

À ce sujet, la position du Gouvernement est claire, sur l'objectif et la méthode : oui, des modifications sont souhaitables. Elles interviendront lorsque seront connues, dans les semaines qui viennent, les conclusions de la mission interministérielle menée par le ministère de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Ces modifications concernent notamment les dispositions envisagées aux articles 2 et 3 de votre proposition de loi : l'extension de la notion d'ayant droit aux concubins et partenaires de PACS et l'extension du bénéfice de la protection fonctionnelle des agents victimes d'infractions involontaires donnant lieu à des poursuites pénales.

Ces éléments de réforme seront pris en compte dans le chantier de la modernisation et de l'amélioration du statut des agents de l'État. Songez ainsi que, parce qu'elles modifient l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dite loi Le Pors, relative à la protection de tout fonctionnaire, les dispositions des articles 4 et 7 intéressent tous les fonctionnaires et pas seulement les policiers et les gendarmes.

Pour ces raisons de cohérence, le Gouvernement n'approuve donc pas à ce stade une adoption isolée et partielle des dispositions du rapport Guyomar qui figurent dans cette proposition de loi.

Ce n'est pas une démarche partisane qui nous anime, comme j'ai entendu le M. le rapporteur l'évoquer. Mais probablement n'était-il pas là lors de la dernière journée réservée à l'opposition, où la proposition de loi sur le vote blanc qu'elle avait défendue a été adoptée avec le soutien du Gouvernement.

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