En réalité, madame la ministre, madame la rapporteure, ce débat a déjà eu lieu et je m’en souviens fort bien, ayant assisté à trois réunions d’environ trois heures chacune sur le chapitre Ier du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit Grenelle II, préalablement à son examen. L’introduction d’un nouveau métier d’expert certifié en matière d’économie d’énergie a donc déjà été tentée.
L’intention peut être pure. La création proposée ici me paraît cependant non seulement inutile, mais surtout très dangereuse.
Ce serait tout d’abord inutile parce que le maître d’oeuvre, à qui incombe la responsabilité générale du projet, n’a pas toutes les compétences, mais est chargé de s’entourer des personnes pouvant le suppléer. Il est l’homme de la synthèse, le maître de l’oeuvre. Tel est le sens de ces mots : il lui revient de s’appuyer sur des compétences qu’il ne possède pas nécessairement lui-même, en faisant appel à un spectre de professionnels qui s’étend de l’ingénieur béton au spécialiste que vous appelez de vos voeux. Non seulement rien ne l’interdit, mais, mieux encore, c’est sa responsabilité.
Ensuite, ce que vous proposez ici peut s’avérer très dangereux. Ce même risque m’avait déjà frappé lors de l’examen du chapitre Ier du Grenelle II ; j’avais alors tenu bon en commission et en séance, et j’avais été suivi. Vous allez en effet ouvrir un gisement de contentieux supplémentaire, aspect qui n’a été souligné dans aucune argumentation.
Nous partageons tous le même objectif : le projet livré doit tenir la distance et être conforme aux exigences de la commande. Que se passera-t-il en cas de malfaçon ? Nous avons déjà pu le constater avec l’association entre un architecte et un contrôleur de chantier et, in fine, fait en sorte que les architectes absorbent la fonction de contrôleur de chantier moyennant des honoraires supplémentaires. Jusqu’à présent, le maître d’oeuvre était l’unique responsable. Avec l’intervention du conseiller à la rénovation, ils seront désormais deux responsables en cas de contentieux ; les assureurs et les responsables du chantier se renverront donc la balle. Plus il y a de responsables, moins il y a de responsabilités identifiées.
En matière de certification et de contentieux de la certification, ce procédé est extrêmement dangereux. Pour ma part, je continue de penser que la responsabilité doit continuer d’incomber au maître d’oeuvre, qui se doit d’assumer les risques liés aux personnes dont il pourrait ou non s’entourer.
Ainsi, la fonction la plus large est non pas celle du conseiller à la rénovation dûment certifié mais celle du maître d’oeuvre, qui a la responsabilité de s’entourer de conseillers à la rénovation s’ils existent et s’il en a besoin.
Cet argument me paraît extrêmement important à prendre en compte, car la bonne intention de départ peut dévoiler quelques pavés dont l’enfer, paraît-il, serait peuplé.