Chers collègues, je vous rappelle que nous débattons ici d’une loi de « transition », et non de « précipitation » énergétique, et que nous sommes ici pour faire aimer aux Français la transition énergétique, et non pour la leur faire détester. En l’occurrence, nous adhérons tous à l’objectif consistant à faire disparaître la vaisselle plastique jetable de cuisine, même s’il a été rappelé que cela n’était pas toujours possible dans certaines activités.
Dans l’exposé sommaire de son amendement no 38 , M. Siré cite un cas intéressant, qui nous ramène à la vie quotidienne : l’entreprise Solia, implantée à Rivesaltes, dans sa circonscription des Pyrénées-Orientales, spécialisée dans la création et la fabrication de vaisselle et d’emballages à usage unique, a été classée en 2014 deuxième PME française parmi les entreprises les plus rentables de France ; elle réalise 80 % de son chiffre d’affaires à l’exportation. Concrètement, que doit dire le législateur à une telle entreprise ? Que, dans quelques années, il n’y aura plus de marché français ?
Le même problème s’est posé à propos d’autres sujets – je vous ai ainsi interpellés, je vous le rappelle, à propos d’Areva. Il ne s’agit pas de faire de l’anti-économie. Il est facile, en effet, de décréter pour demain la fin d’une activité, et ce n’est pas très courageux. Le vrai courage politique consiste à dire comment nous réussirons la transition énergétique tout en sauvant les emplois. Avons-nous, madame le ministre, les moyens de nous offrir la suppression de 700 emplois en France ? N’y a-t-il pas déjà assez de chômage ? Sommes-nous obligés de proscrire ces produits en deux, trois ou quatre ans ? Ne pouvons-nous prévoir une transition plus longue, alors que cette loi fixe parfois des horizons en 2050 ?
Je sais que certains groupes politiques poussent à l’urgence, mais il faut concilier les points de vue et nous mettre à la place de l’employé de Solia, qui regarde peut-être aujourd’hui nos échanges en se disant que nous sommes en train de tuer son emploi. Lorsqu’il entend Mme la rapporteure dire qu’il s’agit d’un symbole – vous avez employé un terme proche – peut-être souscrit-il à ce symbole, mais il voit aussi qu’il perd son boulot.
Notre responsabilité n’est pas seulement de déclarer des symboles et de voter des principes, mais bien de savoir comment nous pouvons les amener à infuser dans la société française sans bouleverser une économie très fragile, ni une société qui a déjà beaucoup de défiance à l’égard du politique et qui regarde peut-être nos échanges en se demandant avec inquiétude de quoi sera fait le monde de demain.
Je vous invite donc à voter ces amendements ou, madame la rapporteure, à proposer autre chose – peut-être par la voie d’un sous-amendement, si c’est possible –, afin d’allonger le délai ou d’exempter certains secteurs.
En tout état de cause, nous ne pouvons pas rester dans cette situation. Le symbole a certes eu une force médiatique, mais lorsque les premières conséquences pratiques et concrètes se feront sentir et que certains médias iront mettre le nez dans cette affaire, on verra quelle est l’origine de cette crise de l’emploi et les responsabilités de chacun seront mises sur la place publique. Il suffira aux Français de lire dans le compte rendu de séance – que je salue à cette occasion – les propos tenus par les différents acteurs pour constater que nous aurons pris cette décision dans une grande précipitation.