Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du 21 mai 2015 à 15h00
Transition énergétique — Article 23

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Sur ce même sujet, je ferai observer à l’Assemblée qu’en matière d’énergies renouvelables, notre pays n’a pas su se doter d’une législation et d’une réglementation à la hauteur des enjeux, et je ne suis pas du tout convaincu qu’il en prenne la direction. Les responsabilités sont partagées entre gauche et droite et tiennent à plusieurs facteurs. Tout d’abord, nous avons, de la plus idiote des façons, voulu opposer l’énergie nucléaire à production centralisée aux énergies renouvelables : c’est une véritable erreur qui explique pourquoi nous avons eu tant de peine à lancer cette nouvelle stratégie. Les échanges que nous avons avec les responsables d’EDF montrent à quel point chacun a pris conscience que la production et les services doivent évoluer, et ce n’est d’ailleurs pas sans raison qu’EDF possède désormais la première entreprise en matière d’énergies renouvelables grâce à l’éolien.

Nous n’avons pas non plus su impliquer les acteurs comme il le fallait. Il en résulte de folles oppositions que nous avons tenté un moment de réglementer grâce aux schémas régionaux et aux zones de développement de l’éolien. M. le rapporteur nous a expliqué, monsieur Brottes, qu’il fallait déréglementer car nous prenions du retard dans ce domaine. Je tiens néanmoins à appeler une nouvelle fois votre attention sur un sujet crucial : j’observe que la quasi-totalité de ceux des villages de mon département qui ne sont pas soumis aux contraintes liées aux couloirs éoliens et qui ne possèdent pas de monuments classés sont démarchés par des sociétés d’éoliennes, que nous ne pouvons plus réglementer intelligemment ces installations et qu’il en résultera des oppositions et des rejets – il existe déjà des mouvements très forts au sein de la population. En somme, je suis convaincu que cette nouvelle réglementation aura beaucoup plus de conséquences négatives qu’une harmonisation qui aurait consisté à assouplir la réglementation existante, qui en avait besoin.

Il fallait limiter le droit d’ester en justice ; de ce point de vue, nous appelons de nos voeux une réforme forte du droit de l’environnement, car la situation actuelle explique pourquoi les projets mettent tant de temps à prendre corps.

Il fallait aussi ne pas hésiter à indiquer à nos concitoyens que cette stratégie a un coût : le rachat d’énergie renouvelable se paie, et c’est à l’usager ou au consommateur de s’en charger – il n’y a pas de secret. À force de toujours bloquer les augmentations des tarifs de l’électricité, nous nous sommes privés des moyens d’entreprendre des politiques de rachat cohérentes de nos énergies renouvelables.

Il arrive donc ce qui devait arriver : nous accusons des retards considérables au regard des objectifs fixés pour 2020, notamment. Mme la ministre a tâché de nous rassurer en précisant que nous nous équipons davantage en éolien terrestre : soit, mais le compte n’y est pas. Consultez les innombrables rapports du syndicat des énergies renouvelables dans ce domaine : l’un des échecs majeurs de notre politique environnementale tient à la paralysie du développement des énergies renouvelables.

Le texte que vous nous proposez constitue une nouveauté supplémentaire dans notre stratégie en la matière. Notre pays crève – passez-moi l’expression – de ces changements de réglementation dans tous les domaines, qui paralysent complètement notre action environnementale. Je fais le pari que, même inférieurs de moitié, les moyens que nous y consacrons, s’ils l’étaient avec constance, nous permettraient bien davantage d’atteindre nos objectifs environnementaux.

Tout cela soulève plusieurs questions. M. Chanteguet l’a dit très clairement lors de la dernière réunion de notre commission : « Nous craignons que le passage trop rapide d’un système de tarif d’achat à un complément de rémunération mettre en danger toutes les filières renouvelables ». Chacun souscrit à son argumentaire. Mme Battistel nous a alors demandé comme d’habitude de ne pas nous inquiéter : « Un dispositif transitoire est d’ailleurs prévu pour ces filières non matures » pour qu’elles puissent s’adapter, a-t-elle indiqué, avant d’inviter M. Chanteguet à retirer ses amendements. Je m’inquiète – même si je soutiens naturellement une politique de fort développement de nos énergies renouvelables. De grâce, faisons confiance aux acteurs et stabilisons nos dispositifs !

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