Intervention de Dominique Lefebvre

Réunion du 19 mai 2015 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre, rapporteur :

Mon rapport est en cours d'achèvement et devrait être disponible en fin de semaine ; il sera long d'une centaine de pages et, pour près de la moitié, consacré aux dispositifs en vigueur : prime pour l'emploi – PPE –, créée en 2001, et revenu de solidarité active – RSA – dans son volet « activité », créé en 2008. Nous pourrons ainsi avoir un aperçu de ce qu'implique leur suppression.

La commission des Finances s'est saisie pour avis du titre IV, qui comporte quatre articles d'importance inégale. L'article 24 insère le dispositif nouveau au sein du code de la sécurité sociale ; l'article 25 procède aux coordinations nécessaires à la suppression du volet « activité » du RSA ; l'article 26 prévoit que la prime d'activité ne sera pas – à l'instar du RSA activité – soumise à l'impôt sur le revenu ; l'article 27 fixe la date d'entrée en vigueur du dispositif. À ce stade je n'ai pas déposé d'amendements, laissant le soin des amendements rédactionnels, notamment sur les articles de coordination, à Christophe Sirugue, rapporteur au fond, au nom de la commission des Affaires sociales.

Aucune des autres mesures du texte ne pouvait à elle seule justifier une saisine de la commission des Finances, en raison de l'absence de lien avec un dispositif fiscal ou de coût budgétaire significatif.

La définition des modalités du dispositif proposé est en grande partie renvoyée au pouvoir réglementaire. Nous avons cherché, dans le cadre de la préparation du rapport, à obtenir des précisions du Gouvernement sur les dispositions réglementaires concernées, qui ne sont pas encore totalement rédigées, faute d'être arrêtées dans leurs principes. Lors de la création du revenu minimum d'insertion – RMI –, en 1988, le dispositif avait fait l'objet d'une élaboration globale, ce qui était assurément plus simple. Je crois néanmoins pouvoir vous donner un certain nombre d'éclairages sur les mesures réglementaires envisagées par le Gouvernement. En tout état de cause, ce partage entre le législatif et le réglementaire correspond à l'usage en matière de prestations sociales.

Troisième observation : la réforme part d'un diagnostic largement partagé sur les dispositifs de soutien aux revenus d'activité modestes, à savoir la PPE et le RSA « activité ». Le maintien de la PPE en l'état, parallèlement au RSA « activité » qui poursuit des objectifs similaires, nuit à la lisibilité, à la cohérence et à l'efficacité des dispositifs, d'autant que le choix avait été fait, à l'époque, d'éteindre très progressivement la PPE, dont la suppression brutale eût fait trop de « perdants ». En 2008, 9 millions de personnes bénéficiaient de la PPE, pour une dépense fiscale supérieure à 4 milliards d'euros, contre 5,5 millions de bénéficiaires en 2014, pour une dépense fiscale à peine supérieure à 2 milliards d'euros.

Une réforme était donc indispensable ; elle fut annoncée dès le début de 2013 dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Un groupe de travail avait alors été constitué sous la conduite de Christophe Sirugue, qui a remis ses conclusions en juillet 2013. Nous avions aussi anticipé la réforme en votant, dans la seconde loi de finances rectificative pour 2014, la suppression de la PPE à compter de 2016.

Je veux aussi insister sur le caractère ambitieux et courageux de la réforme, qui s'opère à moyens budgétaires supposés constants, la dépense prévue avoisinant, en 2015, les 4 milliards d'euros – avec une progression en 2016 et en 2017, où elle atteindra 4,2 milliards. Cela représente toutefois un effort pour les finances publiques, dont la trajectoire avait intégré le gel de la PPE, lequel se traduisait par une érosion budgétaire d'environ 300 millions d'euros par an.

Le recentrage du dispositif fera nécessairement des gagnants mais aussi des perdants. Selon l'étude d'impact, la réforme sera neutre pour 2,4 millions de personnes, bénéfique pour 1,2 à 1,3 million d'autres et négative pour environ 800 000 autres encore. Nous devons assumer cet état de fait, tout en vérifiant que la répartition entre ménages gagnants et perdants s'inscrit bien dans nos priorités politiques.

La PPE et le RSA « activité » poursuivent plusieurs objectifs distincts : la lutte contre la pauvreté, le soutien au pouvoir d'achat des travailleurs modestes et l'incitation à l'activité. Or, dans le cadre du dispositif proposé, la priorité me semble devoir être donnée, comme y tend le texte, à l'incitation à la reprise d'activité. Comme Mme la ministre des Affaires sociales l'a rappelé le 6 mai dernier devant la commission saisie au fond, la lutte contre la pauvreté fait l'objet de dispositifs dédiés, de même que le soutien au pouvoir d'achat des travailleurs modestes. Rappelons aussi que la réduction des cotisations sociales salariales pour les salaires n'excédant pas 1,3 SMIC, mesure simple et lisible, a été censurée par le Conseil constitutionnel.

Dans l'appréciation des ménages gagnants et perdants à la réforme, l'approche doit être globale. D'une part, la suppression de la tranche à 5,5 % du barème de l'impôt sur le revenu et la réforme de la décote entreront en vigueur en 2015 : ces mesures profiteront à 9 millions de ménages – dont 3 millions ne seront plus imposés ou n'entreront pas dans l'impôt –, parmi lesquels se trouvent une petite partie des bénéficiaires actuels de la PPE. Par ailleurs, la réforme n'est qu'une étape : elle ne règle pas tous les problèmes de notre système socio-fiscal, notamment les « trappes à inactivité » : comme l'avait observé M. Martin Hirsch en 2005, les minima sociaux deviennent, pour certains, des « maxima » indépassables de revenu disponible car la reprise d'activité conduit à des taux marginaux de prélèvements sociaux ou fiscaux à 70, 80 voire 100 %. Il n'est pas question non plus, aujourd'hui, des allocations logement qui, si elles sont parmi les plus efficaces en termes de réduction des inégalités, peuvent également tirer à la hausse, de manière sensible, les taux de prélèvements en cas de reprise d'activité.

La PPE est un crédit d'impôt calculé, pour l'essentiel, sur la base des revenus d'activité de chacun des membres du foyer fiscal, avec une familialisation limitée – incluant des majorations en cas de mono-activité et de personnes à charge. Elle a concerné jusqu'à 9 millions de foyers fiscaux entre 2005 et 2008, contre 5,5 millions aujourd'hui. Le gel du barème, constaté depuis 2008, a eu deux effets. L'un, qui peut être regardé comme positif, a été de resserrer le ciblage de la prime, qui s'avérait trop large, puisqu'il pouvait inclure des revenus relevant de l'ensemble des déciles de niveau de vie. Le point de sortie de la PPE, du fait de ce gel, a ainsi été ramené de 1,4 à 1,25 SMIC – le système fait donc de nouveaux perdants tous les ans. Ce gel a aussi fait passer le montant moyen annuel de la PPE de 502 euros en 2008 à 400 euros aujourd'hui.

Rappelons brièvement les critiques dont la PPE a pu faire l'objet. La première tient à une dispersion dans l'ensemble des déciles de niveau de vie, du fait de plafonds de revenus fiscaux de référence – auxquels est conditionnée son éligibilité – relativement élevés et du versement au niveau du foyer fiscal, ce dernier point soulevant la question des personnes vivant en concubinage. De fait, celles-ci représentent une part importante des 800 000 perdants puisqu'elles forment chacune un foyer fiscal. Une personne peut ainsi percevoir la PPE alors que les revenus de leurs compagnons sont élevés. Or, la logique de la prime d'activité est de se référer aux revenus du ménage.

Une autre critique adressée à la PPE est la relative faiblesse de son montant – en moyenne 400 euros par an, soit 33 euros par mois –, donc de ses effets redistributifs, ainsi que le décalage de son versement dans le temps, qui la rend peu réactive.

La PPE – créée en 2001 suite à la censure de la « ristourne » de CSG sur les revenus modestes par le Conseil constitutionnel – n'a pas atteint ses objectifs s'agissant de l'incitation à la reprise d'activité et du soutien aux foyers à revenus modestes. Elle a pour avantage d'être automatique et d'avoir un taux de recours élevé, de 95 % – et non 100 % car les bénéficiaires doivent tout de même à cocher une case sur leur déclaration d'impôt sur le revenu –, d'être ouverte à tous les contribuables, quel que soit leur âge, et de favoriser la bi-activité, laquelle concerne beaucoup de femmes.

Quant au RSA « activité » – dont je rappelle que le coût devrait atteindre 1,95 milliard d'euros en 2015 contre 1,8 milliard en 2014, compte tenu de l'augmentation du nombre de bénéficiaires –, couplé avec le RSA « socle » qui, lui-même, remplaçait le RMI, il a vocation à lutter contre les « trappes à inactivité » et à rendre le travail « payant » dès la première heure. Dans son principe, il vise à garantir qu'un revenu supplémentaire de 100 euros se traduise par un gain de 62 euros de revenu disponible, ce qui est tout de même rarement le cas, notamment en raison du calcul des allocations logement, qui dépendent du niveau des revenus d'activité.

Cette prestation est également familialisée puisqu'elle prend en compte les ressources et les revenus d'activité de l'ensemble du foyer. Afin que la réforme n'induise pas de perte de revenus pour les bénéficiaires du RSA activité, le Gouvernement a fait le choix d'une prime, non pas strictement individualisée, selon la proposition – au demeurant plus lisible – de Christophe Sirugue, mais à composante familiale. Dans le cas contraire, les perdants auraient été fort nombreux parmi les familles monoparentales, qui, pour beaucoup d'entre elles, sont constituées de femmes seules avec enfants. Cela dit, les éléments d'individualisation de la future prime sont de nature à la rendre plus lisible.

La principale critique adressée au RSA tient à la faiblesse de son taux de recours – 32 % –, laquelle nuit à sa redistributivité. M. Martin Hirsch, que j'ai auditionné, m'a indiqué qu'il avait le sentiment que cette faiblesse avait été organisée. Le taux de recours au RSA « socle », lui, avoisine les 65 % alors qu'il s'agit d'un minimum social. D'une manière générale, les taux de recours aux prestations « de guichet » se situent, selon les études de la Caisse nationale des allocations familiales – CNAF –, entre 60 et 70 %, en France comme ailleurs en Europe. Le taux de recours du RSA « activité », en tout état de cause, atteste de l'échec de la mesure, sans doute insuffisamment comprise. Alors que l'objectif était, en 2008, d'atteindre 1,4 million de bénéficiaires, il n'y en avait que 430 000 un an plus tard et 550 000 à la fin décembre 2014.

La prestation, en revanche, dispose de bonnes capacités redistributives ; elle est bien ciblée sur les revenus modestes, avec un point de sortie de l'ordre de 1,1 SMIC et un effet maximal, pour un célibataire, situé à 0,4 SMIC. Le montant moyen versé est élevé – 196 euros par mois en 2014. Pour autant, ses effets sont fortement limités par le taux de non-recours. Par ailleurs, le RSA a un effet incertain sur l'activité et des effets de seuil persistent, notamment en raison de la baisse des allocations logement lors d'une hausse de revenus. De plus, le dispositif n'incite guère à la bi-activité. Enfin, il exclut tout un pan des travailleurs modestes, à savoir les moins de vingt-cinq ans. De fait, le RSA activité s'imbrique avec le RSA « socle », lui-même issu du RMI : en étaient exclus les jeunes de moins de vingt-cinq ans, à qui l'on ne voulait pas laisser entendre qu'ils entreraient dans la vie grâce à un revenu d'assistance. Les conditions du RSA « jeunes actifs » étaient si restrictives – deux ans d'activité au minimum sur une période de référence de trois ans – que celui-ci n'a profité qu'à 8 000 bénéficiaires, pour un coût inférieur à 30 millions d'euros.

La coexistence du RSA activité et de la PPE a accentué leurs défauts respectifs : la distribution de la PPE est venue s'élever dans l'échelle des revenus du fait de l'imputation du RSA sur celle-ci, et il est probable que le maintien de la PPE a alimenté le non-recours au RSA, dont je rappelle qu'il constitue un acompte sur la PPE, versée l'année suivante.

J'avais préconisé, dans le cadre du rapport que j'ai remis avec M. François Auvigne sur la fiscalité des ménages, un renforcement du RSA « activité » et un allégement dégressif des cotisations salariales sur les bas salaires ; le rapport Sirugue, lui, proposait la création d'une prime d'activité individuelle ouverte dès dix-huit ans, qui fusionnerait la PPE et le RSA « activité ». L'idée, dans les deux cas, était de sérier les objectifs politiques. Un allégement des cotisations salariales sur les bas salaires aurait répondu à l'objectif de soutien au pouvoir d'achat des travailleurs modestes ; le renforcement du RSA « activité » aurait traité le problème des effets de seuil. Quoi qu'il en soit, le Conseil constitutionnel a tranché le débat en censurant la mesure d'allégement des cotisations salariales, conduisant le Gouvernement, d'une part, à alléger l'impôt sur le revenu des ménages relevant du bas de barème et, d'autre part, à créer la prime d'activité.

Bien que sa mise en oeuvre soit complexe, cette dernière repose sur l'idée simple que le travail doit toujours être payant – sachant que la lutte contre la pauvreté relève du RSA « socle » et de sa revalorisation. Le système est à la fois familialisé – avec des ressources appréciées au niveau du ménage –, et individualisé, par l'intermédiaire de bonus calculés en fonction de la situation de chacun de ses membres. Le dispositif, détaillé à l'article 24, est complexe – les décrets d'application le montreront –, mais la CNAF mettra en place un simulateur pour les bénéficiaires. Il est difficile de trouver une formule plus simple, à moins d'imaginer une stricte individualisation : le système, je l'ai dit, y gagnerait en lisibilité, mais ferait beaucoup de perdants parmi les familles à revenus modestes, notamment monoparentales. C'est pourquoi la solution retenue est mixte, à la fois familialisée et individualisée.

D'autre part, la prime sera clairement dissociée du RSA, ce qui évitera les réticences psychologiques liées au sentiment d'assistanat.

La réforme, dans son calibrage, obéit à deux objectifs. En premier lieu, les 800 000 bénéficiaires du RSA activité – qui d'ailleurs basculeront automatiquement vers la prime d'activité au 31 décembre prochain – ne doivent pas être perdants. Autrement dit, la réforme sera neutre pour les salariés jusqu'à 0,5 SMIC : le travail à temps très partiel, puisque c'est de lui qu'il s'agit, doit être traité à travers d'autres mesures. En second lieu, le dispositif est calibré pour produire le maximum d'effet entre 0,8 et 1,2 SMIC grâce aux bonifications, ce qui ne signifie pas que cette tranche correspond à nos yeux à la bonne situation d'emploi. C'est simplement celle où les effets de seuil sont les plus massifs et où le niveau de revenu disponible pour 100 euros de revenus d'activité supplémentaires peut être le plus faible en raison des mécanismes que je rappelais. Toute mesure de nature à diminuer la bonification de la prime d'activité entre 0,8 et 1,2 SMIC affaiblirait donc l'incitation à l'activité. Cela implique que certains bénéficiaires de la PPE, situés dans les déciles supérieurs, perdront à sa suppression sans être éligibles à la prime d'activité. L'architecture est donc la suivante : les ménages appartenant aux deux premiers déciles de niveau de vie relèvent du plan de lutte contre la pauvreté, ceux appartenant aux premier à quatrième déciles de la prime d'activité et ceux relevant des quatrième à septième déciles de la suppression de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. La force de la prime d'activité, je le répète, est de constituer une réelle incitation à l'activité.

La grande avancée qu'elle permet, par ailleurs, est de cibler les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, soit de 700 000 à 1 million de personnes, pour 20 % du coût budgétaire. Pour les ménages perdants, actuellement bénéficiaires de la PPE, la perte mensuelle moyenne sera de 53 euros, contre un gain de 99 euros pour les gagnants. Les couples avec enfants seront eux aussi bénéficiaires, davantage que les couples sans enfants.

Quant à la question du niveau de vie des étudiants et des apprentis, elle n'a pas vocation, je l'indiquerai clairement dans mon rapport, à être traitée par un dispositif d'incitation à l'activité. Il y va d'abord de la lisibilité même de la réforme, et ensuite de la maîtrise des coûts budgétaires : l'éligibilité d'étudiants et d'apprentis conduirait, à enveloppe constante, à rendre la prime d'activité moins incitative entre 0,8 et 1,2 SMIC, sauf à accepter que les bénéficiaires actuels du RSA activité soient in fine perdants, ce qui est exclu. Selon les différentes estimations, de 25 à 45 % d'étudiants travaillent, je le rappelle, dans le cadre d'activités qui peuvent aller du temps très partiel au temps presque complet, de sorte que leur prise en compte introduirait une grande incertitude budgétaire.

Cependant, le Gouvernement envisage de déposer un amendement tendant à ouvrir le bénéfice de la prime aux étudiants apprentis et stagiaires gagnant au moins 0,78 SMIC : ce seuil est celui à partir duquel un jeune ne relève plus du foyer de ses parents pour le calcul des prestations sociales et des allocations logement. Dès lors, la question est de savoir s'il s'agit d'étendre le dispositif à des étudiants et apprentis qui gagnent au moins 0,78 SMIC ou de faciliter l'insertion professionnelle des jeunes ; à mes yeux, il vaut mieux parler de salariés poursuivant leurs études que d'étudiants travaillant pour les poursuivre. La solution la plus simple et la plus « pure » serait d'exclure les étudiants, les apprentis ou stagiaires, de la prime d'activité car ils sont dans un processus de formation. En l'état actuel des chiffrages, les apprentis éligibles à la mesure proposée par le Gouvernement seraient néanmoins peu nombreux, puisqu'ils ont presque tous plus de vingt et un ans et sont en troisième année. Sur une population potentielle de 250 000 étudiants et apprentis, moyennant un taux de recours de 50 %, la dépense avoisinerait les 200 millions d'euros : elle représenterait donc un surcoût ou impliquerait une prime d'activité moins incitative. Comme je l'ai indiqué au Gouvernement, une telle extension de la prime d'activité doit se limiter à l'insertion professionnelle, et en aucun cas impliquer un reparamétrage à la baisse de la prime d'activité.

Enfin, tout jeune salarié de dix-huit à vingt-cinq ans aura la possibilité de constituer un foyer autonome. Prenons l'exemple d'un ménage au sein duquel le père gagne 1 SMIC, l'épouse 0,5 SMIC et l'enfant de vingt-trois ans, 1 SMIC. Si le jeune est inclus dans le foyer, la prime d'activité sera nulle pour le foyer dans son ensemble ; s'il ne l'est pas, en vertu d'un droit d'option qui lui est réservé, le ménage touchera un peu plus de 300 euros, dont une part pour les parents et l'autre pour le jeune. Cette avancée importante est, là encore, une incitation à la reprise d'activité.

Je termine par le coût budgétaire, estimé à 4 milliards d'euros. Il se fonde sur une prime d'activité moyenne de 160 euros et sur l'hypothèse d'un taux de recours de 50 %. On pourrait supposer que ce taux a été fixé en fonction même de l'enveloppe prévue. Ne pas l'atteindre serait un signe d'échec pour la prime d'activité. La mise en place de la nouvelle prestation nécessitera donc une forte mobilisation des services, en particulier de la CNAF : il faut bien entendu songer non pas tant aux salariés qui touchent des revenus réguliers et stables qu'à ceux qui travaillent en intérim ou enchaînent les « petits boulots ». Pour certains bénéficiaires du RSA, la situation peut changer deux ou trois fois par mois, précise la CNAF. Bref, passer d'un taux de recours de 32 à 50 % est ambitieux, surtout en un an. Peut-on aller au-delà, sachant que le taux visé de 50 % correspondrait à la consommation de 66 % de la masse budgétaire totale théorique du dispositif ? Il n'y a aucune raison que le taux de recours de la prime d'activité soit supérieur à celui de la moyenne des prestations familiales, compris entre 65 et 70 % ; s'il devait augmenter, le surcoût pourrait avoisiner le milliard d'euros, auquel cas deux solutions s'offriraient à nous : soit abonder le dispositif par des crédits supplémentaires, soit amoindrir, par voie réglementaire – et comme l'on fait tous les gouvernements successifs en pareil cas –, le caractère incitatif de la prime.

Le sujet, on l'aura compris, est simple sur le plan politique et complexe sur le plan technique. En 2008, M. Martin Hirsch l'a rappelé, le débat avait achoppé sur les « perdants », qui, s'agissant de la prime d'activité, sont les bénéficiaires de la PPE situés dans les déciles supérieurs et certaines femmes vivant en concubinage dont j'ai mentionné la situation. À moins de mettre 3 ou 4 milliards d'euros supplémentaires sur la table – ce que l'état des finances publiques ne permet pas –, on ne peut ni l'éviter ni opter pour une prime individualisée, qui eût été plus lisible. La solution retenue n'est donc pas la panacée, mais elle constitue une clarification, surtout si l'on rappelle que la priorité est la reprise d'activité.

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