Christophe Sirugue, dans son rapport, s'était fondé sur quatre pistes. Chacun, toutes tendances confondues, s'était prononcé en faveur de la piste C, à savoir une prime individualisée et même reportée sur la feuille de paie par le biais d'une baisse de cotisations salariales. La PPE fut instaurée consécutivement à deux échecs, d'où la tentative de moduler les cotisations salariales. De fait, tout le monde partage l'objectif d'une incitation à l'activité, qui ne doit pas relever de la politique familiale : le mélange des genres crée des usines à gaz et des effets d'optimisation.
Pour ma part, après la décision du Conseil constitutionnel, j'avais plaidé pour la piste D, autrement dit pour une prime forfaitaire dégressive qui augmenterait le salaire net, les cotisations sociales demeurant inchangées. Cette prime aurait été payée par l'employeur, lequel se serait ensuite fait rembourser par la CAF. Une telle disposition permettait, me semble-t-il, de contourner l'obstacle constitutionnel.
Alors que tout le monde partage l'objectif, la réforme qui nous est aujourd'hui proposée est condamnée à un troisième échec. Afin d'éviter la censure constitutionnelle, le Gouvernement s'est gardé de toucher aux cotisations salariales, rejetant la piste D au profit d'une prime versée directement. Ce schéma, monsieur le rapporteur, est-il selon vous compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel ?
Je pense, hélas, que nous allons de nouveau échouer, tout d'abord en raison de la familialisation qui posera des problèmes inextricables. Comment sera définie la famille ? Comment prendre en considération les enfants qui restent très longtemps chez leurs parents – dois-je évoquer le film Tanguy ? Or, ils sont de plus en plus nombreux. Qui bénéficiera de la prime ? Vous avez évoqué l'opposition du Conseil constitutionnel en lien avec sa composition d'alors. Ne sommes-nous pas tous d'accord sur l'objectif et le moyen d'y parvenir, que le Conseil constitutionnel nous a empêchés de mettre en oeuvre ? Pourquoi ne pas aller au-delà ?
La prime d'activité ne sera pas un dispositif plus simple que les précédents puisqu'il impliquera de vérifier la situation de la famille et de prendre en compte tous les « petits boulots » que font souvent les jeunes. Suffira-t-il de faire la moyenne sur trois mois ? Le taux de recours risque d'être mauvais. Vous l'estimez à 50 %, correspondant à 66 % de la masse financière potentielle de la prime d'activité pour 100 % de taux de recours. Si tous les bénéficiaires potentiels demandaient la prestation, la mesure s'élèverait donc à 6 milliards. Pour une fois que les différents courants politiques étaient d'accord à la fois sur l'objectif et sur le moyen, je trouve triste de ne pas tenter d'y parvenir, en dépit des décisions du Conseil constitutionnel.