Je tiens à faire part de mon scepticisme sur un dispositif qui nous avait été présenté comme plus simple tout en conservant son caractère incitatif pour le retour à l'emploi : or, il me semble manquer ces deux objectifs.
D'un taux de recours de la prime pour l'emploi de quasiment 100 % – il suffit de cocher la bonne case sur la déclaration des revenus –, nous allons passer à un taux de 50 % pour la prime d'activité. S'il est peut-être légitime en commission des Finances de s'interroger sur les risques de dérive pour les finances publiques, toutefois, en termes de prestations, il est paradoxal de se satisfaire d'un taux de 50 % si on pense que cette prime servira au retour à l'activité. Il faut viser les 100 %.
Par ailleurs, la familialisation non seulement entre conjoints mais également entre ascendants et descendants affaiblit le caractère incitatif qui tient au fait, pour chacun, de percevoir une prime sur sa propre feuille de paye ou sa propre déclaration des revenus. N'est-ce pas paradoxal ?
Nous disposions jusqu'à présent d'un dispositif reconnu pour sa simplicité, la PPE, et d'un dispositif déjà contesté pour sa complexité, le RSA. Or, le texte aligne le nouveau dispositif non pas sur la PPE mais sur le RSA, dans le cadre d'un régime déclaratif très compliqué – cela a été souligné. Pensez-vous qu'il est raisonnable de demander à d'éventuels allocataires, qui exercent plusieurs activités non pas par choix mais par obligation, qui sont en situation de précarité et qui dépensent déjà beaucoup de temps à aligner des bouts de contrats, de devoir, en sus, faire la preuve chaque trimestre de leur capacité à atteindre un niveau de ressources leur permettant de percevoir la prime d'activité ? C'est kafkaïen !
Ce matin, dans Libération, M. Thomas Piketty suggère une autre piste, qui paraît infiniment plus simple : instituer un taux réduit de CSG pour les bénéficiaires potentiels de la prime d'activité. Qu'en pensez-vous, monsieur le rapporteur ? Cette mesure ne permettrait-elle pas d'écarter les difficultés du dispositif actuellement prévu ?
Enfin, parce qu'on considère le dispositif comme juste, on prévoit de l'élargir aux étudiants et aux apprentis : or, si on le fait à enveloppe constante, on sait d'ores et déjà qu'il faudra en priver certains bénéficiaires actuels, ce qui est, là encore, paradoxal. Ce jeu à somme nulle est incompréhensible.
Je nous souhaite à tous bon courage pour expliquer dans les circonscriptions la signification et le mode d'application de la réforme. Le choix de l'UMP d'en faire un cheval de bataille n'est pas ce qui m'inquiète le moins. Comme je ne veux pas lui faire ce cadeau, je pense que le texte mérite encore réflexion.