Intervention de Dominique Lefebvre

Réunion du 19 mai 2015 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre, rapporteur :

D'aucuns s'inquiètent de la complexité du dispositif, qui serait due notamment à la part de familialisation entrant dans son calcul. La familialisation de la prime d'activité n'a pas pour premier objectif d'éviter le versement d'une prestation à l'activité à des personnes vivant en ménage avec des revenus élevés. Elle demeure une nécessité compte tenu de la situation des finances publiques. La formule de calcul de la prime d'activité n'est pas très éloignée de celle du calcul du RSA « activité » ; elle repose sur une constante familiale assortie d'une bonification individuelle. Christophe Sirugue et moi-même sommes convenus que les familles monoparentales auraient été les grandes perdantes de l'absence de familialisation. L'exonération d'impôt sur le revenu, dont bénéficient actuellement les allocataires du RSA « activité », n'aurait pu être maintenue.

Monsieur Faure, nous ne pouvons qu'être d'accord avec la tribune de M. Piketty parue dans Libération, du moins en théorie : le plus simple serait en effet d'instaurer une prime d'activité totalement individualisée. De même, des allégements ciblés de cotisations salariales sont le meilleur moyen d'éviter de redonner sous forme de prime d'activité ce qu'on a soutiré par ailleurs. Toutefois, nul n'ignore les contraintes liées aux décisions successives du Conseil constitutionnel en matière d'égalité devant l'impôt : nous le savons depuis 2002, toute mesure de progressivité ou de dégressivité de la CSG doit conduire à prendre en compte les ressources de l'ensemble de la famille – le Conseil constitutionnel a accepté, à la création de cet impôt cédulaire, que tel ne soit pas le cas, pour des raisons de destination. Le courage du Gouvernement est d'accepter de faire des perdants pour tenir des objectifs de réforme.

Je le reconnais, si l'on se réfère à la formule de calcul, on est bien en peine de déterminer si l'on peut ou non bénéficier de la prime d'activité. Il faut toutefois savoir que la déclaration de ressources sera simplifiée par rapport au dispositif actuel du RSA « activité ». De plus, les droits seront figés pour trois mois, ce qui évitera les indus et les rappels liés aux variations d'activité. Le calcul sera mensualisé sur les trois mois précédents et c'est la moyenne des droits de cette période qui sera versée le trimestre suivant, ce qui permettra aux allocataires de disposer d'une prévisibilité trimestrielle de leurs ressources. Toutes les organisations syndicales, y compris la CGT, des associations comme le COORACE ou le Secours catholique et l'ensemble des acteurs du plan national de lutte contre la pauvreté sont favorables à cette réforme car elle représente un progrès en termes de simplification, de lisibilité et de sécurisation par rapport au RSA « activité ».

Certes, la PPE avait un caractère quasi automatique, même si certains oubliaient de cocher la case. Toutefois, cette mesure de pouvoir d'achat s'analysait comme une mesure de réduction d'impôt. Monsieur Alauzet, les 800 000 perdants sont calculés après la suppression de la première tranche du barème : avant la suppression, ils sont 1,2 million, un chiffre équivalent à celui du nombre de gagnants. Ainsi, 400 000 personnes qui bénéficient de la PPE et qui ne bénéficieront pas de la prime d'activité ne verront pas leur situation dégradée du fait de la réforme. De plus, l'étude d'impact évalue le nombre des gagnants et des perdants en fonction de l'estimation du taux de recours. Je rappelle que tous les bénéficiaires du RSA « activité » seront basculés dans le nouveau dispositif par les CAF, qui connaissent déjà 78 % des bénéficiaires de la prime d'activité touchant par ailleurs des prestations. Quant à la notion de ménage au sens des prestations familiales, elle est utilisée tous les jours pour leur calcul : elle est du reste plus juste que celle de foyer fiscal, dont chacun connaît les effets pervers.

Madame Sas, le montant de 4 milliards d'euros est une évaluation : il progressera. Compte tenu de la baisse de la PPE d'environ 300 millions par an, un effort équivalent est ainsi consenti. Il est impératif que le taux de recours de 50 % soit atteint rapidement, ce qui supposera la mise en oeuvre de moyens importants. Je suis d'accord : il faut atteindre le taux de recours d'une prestation habituelle – 65 % : c'est la raison pour laquelle j'ai avancé le chiffre de 1 milliard de coût supplémentaire. J'ai indiqué au Gouvernement à titre personnel que cet éventuel surcoût budgétaire par rapport à la prévision ne saurait se traduire par une modification des paramètres de la prime d'activité, qui ne pourrait jouer que sur le caractère incitatif entre 0,8 et 1,2 SMIC. Pour des raisons historiques et d'arbitrages politiques récurrents, la constante familiale de la prime d'activité et ses composantes seront indexées sur l'inflation et non sur les salaires. L'ajustement de ces mécanismes provoque au fil du temps, par rapport à l'évolution des salaires, notamment du SMIC, un rabotage de leur caractère incitatif. En effet, en pourcentage du SMIC, la prime d'activité différemment nécessairement. Dans le rapport, je demanderai au Gouvernement de s'engager dans la technique des « coups de pouce » – à laquelle il recourt pour le RSA « activité » – pour éviter un transfert.

Madame Louwagie, le dispositif est pris en charge à 100 % par l'État, comme c'est le cas du RSA « activité ». S'il se traduit par une réelle amélioration de l'emploi, le dispositif devrait entraîner un transfert de charges des départements vers l'État plutôt que l'inverse, puisqu'il engendrerait une diminution du versement du RSA « socle », qui est une allocation différentielle, au profit de la prime d'activité.

La déclaration trimestrielle sera simplifiée et dématérialisée. Tous les bénéficiaires de la PPE seront informés de la création de la prime d'activité et seront incités à vérifier s'ils en bénéficieront. Quant à la déclaration sociale nominative – DSN –, elle ne permettra pas le versement automatique de la prime d'activité du fait que celle-ci est familialisée. Elle permettra en revanche aux CAF de disposer automatiquement des revenus salariaux du trimestre précédent. Elle ne supprimera ni la demande ni la déclaration. Elle servira de déclaration pré-remplie à l'instar des déclarations pré-remplies d'impôt sur le revenu. Il appartiendra aux éventuels allocataires de se prendre en charge et de calculer sur le simulateur mis en place par la CNAF s'ils peuvent bénéficier ou non du dispositif. Je tiens à souligner que la CNAF est très soucieuse d'être prête au 1er janvier prochain, car les caisses savent d'ores et déjà qu'elles seront confrontées à compter de cette date à un afflux important de demandes. Elles s'attachent donc à modifier l'ensemble de leurs systèmes informatiques afin d'y intégrer le nouveau dispositif.

Je rappelle que le revenu des apprentis est totalement exonéré d'impôt sur le revenu. On peut, certes, poursuivre un objectif d'autonomie pour des jeunes en insertion professionnelle qui perçoivent 0,8 SMIC et dont le travail ne correspond pas toujours à leurs études. Toutefois, la prime d'activité n'a pas pour objet de satisfaire la revendication d'un revenu autonome étudiant : elle est un outil de retour à l'emploi au bénéfice des plus précaires. Ne confondons pas les objectifs.

Les modèles de simulation sont les deux modèles de la direction du Trésor, dont Pâris, qui permet de disposer de cas-types. S'agissant des gagnants et des perdants du nouveau dispositif, nous verrons si les faits vérifient les prévisions, dont le rapport livre les grandes logiques. Outre la question des concubins, le fait que le nouveau dispositif fasse des perdants dans les premiers déciles peut également avoir pour origine la différence entre les rythmes annuel de la PPE et mensuel du RSA. La mensualisation du RSA répond mieux, à mon sens, à l'objectif de reprise d'activité. En revanche, compte tenu de l'annualisation de la PPE, il suffisait de travailler deux mois dans l'année pour en bénéficier. Les objectifs ne sont pas les mêmes. Il faut accepter la rupture provoquée par la prime d'activité.

Pour les non-salariés, le mode de calcul de la prime d'activité reposera, comme celui du RSA « activité », sur deux critères : la prise en compte des ressources annuelles N-1 et un plafond de chiffre d'affaires.

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