Intervention de François Brottes

Séance en hémicycle du 21 mai 2015 à 21h30
Transition énergétique — Article 46

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président de la commission spéciale :

Finalement, monsieur Aubert, c’est aussi un peu grâce à vous et à votre recours devant le Conseil constitutionnel ! Ce dernier a considéré qu’il ne pouvait y avoir d’effacement sans versement.

Je veux d’abord saluer le travail réalisé par le Sénat, qui s’est emparé de ce sujet avec beaucoup de passion et d’intérêt. Il a adopté une rédaction dont nous proposons de ne pas trop s’éloigner.

Pour commencer, de quoi parle-t-on ? Il existe deux univers d’effacement : l’effacement dans les entreprises, qui donne de gros résultats, et l’effacement dans le diffus, qui donne de gros résultats s’il est massif mais de petits résultats à l’unité. Le second a le mérite de permettre un accompagnement personnalisé de chaque ménage, ce qui constitue un enjeu intéressant à la fois pour l’effacement et, plus généralement, pour le comportement des ménages en matière de consommation d’énergie.

Que ce soit dans le diffus ou dans les entreprises, on distingue encore deux types d’effacement : celui qui correspond à une économie d’énergie réelle et celui qui, par un report de consommation, participe de l’équilibre général du réseau. La rémunération ne peut pas être la même pour l’un et l’autre.

La loi dite Brottes a posé le principe du marché, mais elle n’a pas détaillé tous les ajustements nécessaires : chacun en convient, c’est en avançant que l’on peut préciser ce genre de dispositif. Un certain nombre de questions se posent donc. Avec finesse, le Gouvernement propose de se donner deux ans pour analyser les comportements suite au lancement des appels d’offres. C’est d’ailleurs ce que proposait aussi M. Jégo, qui plaidait pour que RTE, par exemple, fasse ce travail d’analyse du fonctionnement ce marché, et pour que nous nous donnions rendez-vous dans deux ans pour voir si nous nous sommes trompés ou non. Je ne dis pas que les propositions du Gouvernement correspondent rigoureusement aux souhaits de M. Jégo. Cependant, lors de la réunion de travail que j’ai organisée, nous avons tous convenu que nous marchions sur des oeufs, mais que ce n’était pas une raison pour ne pas démarrer, et qu’il faudrait sûrement préciser toutes ces notions et répondre à certaines questions.

Première question : quel sera l’impact de l’effacement sur la baisse du prix du marché de l’électricité ? Certains affirment qu’il sera important et qu’il fera baisser les prix. D’autres prétendent qu’il y aura un certain impact au début, mais peu par la suite. Pour le moment, nous ne sommes pas capables de trancher cette question, mais nous sommes à peu près sûrs que l’effacement ne fera pas augmenter les prix du marché : pour cela, la tendance est claire.

Deuxième élément, qu’on n’évoque pas assez mais que le travail proposé par le Gouvernement prend en compte : au même titre que les nouvelles capacités de production, l’effacement s’inscrit dans ce qu’on appelle le marché de capacité. Au contraire de l’Allemagne, la France met en effet en place un marché de capacité : notre pays est capable de fournir en électricité un certain nombre de clients, soit par de la production, soit par de l’effacement. Les générateurs d’effacement pourront donc aussi se rémunérer sur le marché de capacité. Nous ne sommes pas en mesure, à ce stade, de dire précisément à quelle hauteur et comment cela entrera en ligne de compte dans le modèle économique d’ensemble. La question est clairement posée.

Autre question sur laquelle nous commençons à disposer de quelques éléments, mais en nombre encore insuffisant : quel est le bénéfice pour le consommateur, autrement dit quelle est la baisse de sa facture ? La part d’effacement qui vaut économie d’énergie baisse évidemment ses dépenses : c’est ainsi que le consommateur se rémunère de l’effacement. Mais le débat n’est pas tranché : certains estiment que l’effacement n’a qu’un effet de report et n’entraîne pas d’économies, d’autres qu’au contraire elles seront importantes… En tout cas, nous avons connaissance de cas dans lesquels la facture d’électricité a baissé. Nous pouvons donc être positifs, mais il y a encore bien des mesures à faire.

Comment indemnise-t-on, aussi, ceux qui se sont donné des garanties pour fournir une électricité qui n’aura pas été consommée – ce que l’on appelle le périmètre d’équilibre ? De par les textes que nous avons votés, un fournisseur d’énergie doit garantir à l’avance un volume de fourniture d’énergie à ses clients. Si une part de ses clients ne consomme pas ce qui avait été annoncé, le fournisseur doit être indemnisé des moyens qu’il a engagés pour se prémunir. Le Conseil constitutionnel estime ainsi qu’il convient de prévoir un versement pour compenser cette précaution que représente le périmètre d’équilibre. À quelle hauteur et avec quel financement ? Là encore, la question est posée.

Il faut aussi évaluer le coût de l’effacement, qui est plus élevé dans le diffus que chez les industriels, car la démarche commerciale est plus longue et plus lente. Quel doit donc être le niveau de rémunération ? Faut-il même une rémunération spécifique, compte tenu des avantages que j’ai évoqués tout à l’heure ?

Il nous est proposé de recourir, sur la base de textes existants d’ailleurs, à des appels d’offres qui permettraient de se lancer dans l’effacement sans attendre, de façon claire et massive. Dans le même temps, l’amendement du Gouvernement nous donnerait deux ans pour analyser l’ensemble des points que je viens de lister, de manière un peu fastidieuse certes, parce qu’il importe que nous ayons tous à l’esprit les questions qui se posent. Nous devrons leur apporter des réponses pour revisiter ensuite les clés de répartition, de financement et d’organisation de ces marchés qui fonctionnent de manière imbriquée.

Ceux qui pensent que nous allons trop attendre ne doivent pas désespérer. Mais ne rien faire, en attendant des études plus poussées, ne serait pas davantage une option. L’effacement est une solution dans l’équilibre de fonctionnement de notre pays, et la plus vertueuse.

J’ai toujours dit qu’il fallait considérer les négawatts comme une énergie renouvelable. Il faut donc trouver un financement du négawatt. Nous sommes dans une démarche de ce type. Il est préférable d’économiser et d’effacer plutôt que de produire trop, surtout avec des modes de production de pointe polluants.

Pardon d’avoir été long, mais portant la responsabilité de l’initiation de ce marché, je voulais donner les éléments permettant d’éclairer la problématique.

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