Nous accueillons aujourd'hui M. Carlos Moedas, commissaire européen en charge de la recherche, de la science et de l'innovation.
Vous êtes, monsieur le commissaire, en charge d'un domaine essentiel pour l'avenir de l'Union européenne, d'abord sur le fond – pour nous rendre collectivement aptes à relever les défis économiques, environnementaux et sociaux de demain – , mais aussi comme vecteur de notre volonté d'aller plus avant dans l'Union politique de l'Europe.
Je suis en effet convaincue que le domaine de la recherche et de l'innovation est l'un de ceux où la « valeur ajoutée » européenne est la plus forte et où l'intérêt général européen devrait nous inciter à mutualiser davantage les efforts de recherche nationaux, qui restent encore trop dispersés. C'est une voie indispensable, mais difficile et de longue haleine.
En termes de moyens, l'effort européen de recherche reste encore globalement insuffisant. Nous sommes loin d'atteindre les fameux 3 % fixés par la stratégie de Lisbonne et l'agenda Europe 2020. Merci de nous préciser où nous en sommes à cet égard.
Nous serons par ailleurs intéressés à ce que vous évoquiez le programme Horizon 2020, huitième programme-cadre de recherche. Quels enseignements peut-on déjà tirer de sa mise en oeuvre ?
Notre commission avait à ce propos, en avril 2013, sur la proposition de ses rapporteurs, Jacques Myard et Audrey Linkenheld, adopté des conclusions, soulignant en particulier quatre points.
Premièrement, l'importance cruciale d'un maintien des crédits européens distribués aux laboratoires de recherche. À cet égard, nous sommes inquiets de voir que le financement du plan Juncker empiète sur les crédits de recherche de l'Union, en prévoyant un prélèvement de 2,7 milliards d'euros sur le programme Horizon 2020. Pour reprendre les inquiétudes exprimées par la communauté des chercheurs européens, notamment celles d'une vingtaine de Prix Nobel, ne craignez-vous pas qu'une telle coupe budgétaire n'envoie un message négatif aux chercheurs du monde entier qui souhaiteraient s'installer en Europe ? Pouvez-vous nous rassurer à cet égard ?
Deuxièmement, la nécessité de faire prévaloir l'intérêt européen des programmes de recherche dans les critères de sélection, plutôt que des critères de cohésion territoriale ou d'équilibre géographique. Que peut-on dire à cet égard ?
Troisièmement, l'importance du continuum recherche-innovation et la nécessité de promouvoir la mise sur le marché des produits développés, notamment lorsqu'elle implique des petites et moyennes entreprises (PME). A-t-on progressé dans ce sens ?
Quatrièmement, l'impératif d'une simplification des règles de participation aux programmes, en évitant la surcharge des démarches administratives. Là encore, est-ce que ce qui a été affiché comme une priorité du programme Horizon 2020 a permis effectivement de faire progresser les choses ?
Pouvez-vous également nous indiquer les actions engagées pour renforcer « l'espace européen de la recherche », en particulier pour faciliter la mobilité des chercheurs ?
Par ailleurs, notre commission est très attachée à ce que l'expertise fournie à la Commission européenne en matière scientifique soit réellement indépendante. Peut-on dire à présent que cette expertise satisfait pleinement à cette exigence ? Quelles mesures avez-vous engagé à cet égard, notamment pour éviter les conflits d'intérêt ?
La lettre de mission que vous avez reçue du président Juncker souligne que la recherche doit être pleinement au service des priorités stratégiques de l'Union. Merci de nous préciser comment votre action notamment prend en compte la priorité que constitue la lutte contre le changement climatique et la transition énergétique.
Votre lettre de mission souligne également l'importance d'une bonne articulation de votre action avec la nécessaire relance de l'investissement en Europe, au service de l'emploi. Nous serons intéressés à ce que vous puissiez nous donner des précisions à cet égard, s'agissant de deux points en particulier.
D'abord, le financement de la recherche fondamentale. On le sait, elle attire peu les financements privés car son retour sur investissement est difficile à évaluer. Ces investissements privés sont pourtant la cible du plan d'investissement financé par le Fonds européen d'investissement stratégique (FEIS). N'y a-t-il pas un véritable risque que les projets qui se rapportent à la recherche fondamentale soient peu nombreux à être sélectionnés pour bénéficier de ce fond ? Comment s'assurer que de tels projets y seront éligibles et pourront attirer des financements privés ?
Deuxième point : la sélection des projets. Ceux-ci, qui pourront bénéficier du fonds d'investissement, seront sélectionnés par un « comité d'investissement », composé d'un directeur, d'un directeur-adjoint et de six experts « indépendants ». Afin de s'assurer que des projets de recherche soient sélectionnés, y aura-t-il des experts de la recherche et de l'innovation au sein de ce comité ?