Intervention de Carlos Moedas

Réunion du 12 mai 2015 à 18h00
Commission des affaires européennes

Carlos Moedas, commissaire européen en charge de la recherche, de la science et de l'innovation :

C'est pour moi un honneur et un plaisir d'être ici, ayant vécu dans votre pays – qui est un peu le mien – pendant cinq ans et ayant épousé une Française.

Depuis le début de la nouvelle Commission, le président Juncker et le vice-président Timmermans ont toujours insisté pour renforcer notre dialogue avec les parlements nationaux. Et, depuis le 1er novembre, nous avons eu ainsi plus de soixante visites et réunions avec des représentants de ces parlements.

Je vais vous faire part de mes priorités pour les cinq prochaines années.

La première priorité pour la recherche, la science et l'innovation ne repose pas sur celles-ci, mais sur l'ensemble des secteurs – ce que j'appelle les conditions nécessaires à l'innovation et la science. Nous avons en effet en Europe des pays ayant des investissements similaires dans ces domaines mais avec des résultats très différents. Avant de penser à l'investissement, il faut avoir un marché qui fonctionne et suscite celui-ci. Cela suppose un marché du travail efficace, un marché des marchandises souple et un système judiciaire réactif. Ma première mission est de voir avec mes collègues comment faire pour que ces conditions soient remplies.

Dans une économie numérique, où la vitesse est si importante, un entrepreneur voulant monter une entreprise dans un pays européen doit savoir qu'il a un accès immédiat à tout le marché européen, sans barrière. Beaucoup d'innovateurs me disent en effet qu'ils quittent l'Europe parce qu'il y a trop de barrières.

Il nous faut donc avoir un véritable espace européen de la recherche. Cela implique de connaître les « agendas » nationaux de recherche et d'éviter certains doublons – bref, une politique d'harmonisation de ces « agendas ».

Il faut aussi que le recrutement des universités soit totalement transparent au niveau européen. Nous devons attirer des personnes de tout le continent pour travailler.

Par ailleurs, il convient de respecter une parité entre les hommes et les femmes dans la recherche, la science et l'innovation. Si presque 40 % de nos chercheurs sont des femmes, celles-ci représentent à peine 10 % des recteurs et des directeurs d'université. On ne peut continuer à se priver de tant de talents. À la Commission européenne, nous souhaitons donner l'exemple et qu'il y ait, dans chaque panel d'experts, au moins 50 % de femmes. D'ailleurs, quand je suis invité à parler en public dans des panels où il n'y a pas de femmes, j'hésite à y aller.

Deuxième priorité : la mise en oeuvre d'Horizon 2020. Nous avons le plus grand programme de recherche et d'innovation du monde. Mais il me faudra m'assurer dès les premières années que son architecture générale est pertinente. Il conviendra de voir notamment si l'important travail de simplification entrepris lors du précédent programme devra être poursuivi. Il s'agit d'un processus continu et je pense que je vais lancer un deuxième groupe de réformes à cet égard.

Je rappelle qu'on finance des projets à 100 % dans les domaines de la science pure et à 70 % pour les actions d'innovation. Nous avons un critère clair pour prendre en compte les coûts indirects et le programme a été globalement simplifié.

Quatre secteurs d'avenir – faisant le lien entre le monde physique et l'évolution du monde numérique – me paraissent devoir concentrer nos efforts : l'alimentaire, l'eau, l'énergie et la santé.

La transformation du monde numérique est partout. J'ai vu par exemple récemment dans un hôpital l'utilisation d'identificateurs sensoriels pour chaque patient, qui sont en communication avec le médecin et l'informent des cas où il doit aller voir ses malades – ce qui permet de sauver des vies. Le fait que les médecins soient ainsi amenés à débattre avec des ingénieurs, des physiciens ou des chimistes et à trouver des moyens de gérer toutes les données dont nous disposons changera le monde de la santé.

Nous voulons continuer à augmenter les investissements dans la recherche, l'innovation et la science. Nous avions jusqu'ici deux instruments à cette fin : les fonds structurels – dotés d'environ 100 milliards d'euros pour la recherche et l'innovation – et Horizon 2020 – doté de 80 milliards d'euros. Avec le plan Juncker, nous aurons un troisième instrument très important. Nous l'avions conçu au départ pour l'économie de la connaissance, la nouvelle économie et, comme l'a dit le président Juncker, pour que l'économie européenne prenne plus de risques. La question pour nous sera de savoir si on a pu accroître les fonds destinés à ce secteur – ce qui, à mon avis, sera le cas.

Troisième priorité : la science et la diplomatie. Nous sommes le porte-drapeau de la science dans le monde. Je le vois par exemple quand je discute avec des responsables politiques de l'Amérique latine.

Lorsque je suis allé voir par exemple il y a trois semaines en Jordanie un projet d'accélérateur de particules, qui est le seul au Moyen-Orient, je me suis assis autour d'une table avec des scientifiques israéliens, palestiniens, iraniens, pakistanais ou égyptiens, qui parlaient un langage commun : celui de la science. Cela me paraît très important.

Je travaille aussi à un projet intitulé PRIMA, pour la Méditerranée, sur le secteur alimentaire et l'eau, regroupant des États membres ainsi que des États tiers de la région. J'ai également signé un accord d'association avec l'Ukraine dans le cadre d'Horizon 2020 et nous travaillons beaucoup avec la Tunisie, à la fois pour des raisons scientifiques et politiques.

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